DVD/Blu-ray/VOD N°320

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LA FILLE DE DRACULA
I LES EXPÉRIENCES ÉROTIQUES DE FRANKENSTEIN I LES DÉMONS I TENDER FLESH
Zone B et Zone 2. Artus Films.
EN PLEIN DANS LE MYTHE

Il arrive de drôles de choses aux grandes figures du fantastique quand elles tombent entre les griffes du maniaque Jess Franco, cinéaste qui restera irrécupérable jusqu’à son dernier souffle.
1972 : à force de tourner plus vite que son ombre et d’écumer les boîtes de production bis de l’Europe entière, Jess Franco échoue dans le bureau du distributeur français Robert de Nesle. Leur collaboration débute avec une série de longs-métrages mis en boîte en quelques semaines au Portugal, et où le maître espagnol va recombiner des éléments de ses oeuvres passées pour appliquer un traitement de choc aux mythes classiques du fantastique.
DÉCRÉPITUDE ET REVIGORATION
On peut cependant passer rapidement sur La Fille de Dracula, la mayonnaise n’y prenant qu’à moitié. Le récit balance en effet entre plusieurs aspects : la chronique d’une petite ville secouée par une épidémie de meurtres mystérieux (où Franco reprend partiellement l’intrigue de son Sadique Baron Von Klaus tourné dix ans plus tôt), de longues scènes de sexe lesbien, des déambulations dans la nature et autres passages très atmosphériques. Mais s’il y a de très belles choses dans chacune de ces dimensions, l’ensemble reste trop disparate, ne trouvant son unité qu’au travers du curieux personnage de Cyril Jefferson. Après avoir prononcé pendant tout le film d’interminables tirades sur l’occultisme et le monde des ténèbres, il se décide soudain à exterminer les vampires, comme s’il avait constaté qu’on arrivait à la fin de l’heure et demie de projection ! Significativement, le rôle est joué par le cinéaste lui-même, lequel va jusqu’à oser transformer Dracula en un vieillard grimaçant qui se contente d’hypnotiser sa descendante sans jamais quitter son cercueil.
Néanmoins, le projet (constater la décrépitude des grands monstres tout en les revigorant) est bien mieux accompli dans le démentiel Les Expériences érotiques de Frankenstein. Ici, c’est le fameux savant fou qui reste alité : normal, il est mort et est périodiquement ressuscité par ceux (dont sa fille) qui veulent savoir qui l’a assassiné pour lui voler sa créature. En fait, le coupable est le magicien immortel Cagliostro, secondé par une femme-oiseau vampire et aveugle… Bref, on nage en pleine bande dessinée (dans la veine des fascicules Elvifrance de l’époque), mais cela n’empêche pas le résultat d’être épatant. Franco retrouve en effet la frénésie jubilatoire des dernières productions de l’Âge d’Or Universal (le diptyque La Maison de Frankenstein/La Maison de Dracula des années 1944-45), tout en y ajoutant une sorte d’expressionnisme coloré (la plupart des plans sont en très courte focale) qui nous plonge en plein délire ésotérique.
FIÈVRE AU COUVENT
À noter qu’Artus a bien fait les choses, puisque le combo Blu-ray/DVD recèle aussi la version espagnole du long-métrage (La Maldición de Frankenstein), où certains plans de nudité sont remplacés par des prises alternatives « habillées ». On y trouve également des séquences alternatives dont on peut précisément dater le tournage à la fin 1973, en marge de la réalisation des Gloutonnes, grâce à la présence de Lina Romay (devenue entre-temps la muse de Franco) et à l’intervention de revenants drapés de blanc qui errent dans des forêts brumeuses de Madeira. Des ajouts mignons, mais anecdotiques au regard de l’ensemble. En revanche, le point fort de ces éditions, c’est que Les Démons est bel et bien présenté dans son montage intégral non censuré de près de deux heures, encore plus long que la version ressortie en salles sous le titre Les Démons du sexe.
Là, l’oncle Jess mélange gaillardement des éléments issus de deux films remontant à l’époque où il travaillait encore avec d’assez gros budgets, le drame d’inquisition Le Trône de feu et son adaptation des Infortunes de la vertu de Sade, pour aller encore plus loin dans l’anticléricalisme et les joies de la torture. Et surtout, il complique la reconstitution historique par un fantastique échevelé. Ainsi, les deux soeurs orphelines en vedette sont de véritables sorcières, qui vont semer la fièvre dans un couvent avant de se séparer, chacune allant à la rencontre de son destin. Le résultat est une sorte de roman-feuilleton charnel dont les multiples rebondissements tiennent autant aux intrigues politiques qu’aux passions tenaillant le corps des protagonistes. Les Démons pourrait d’ailleurs être un bon point de départ pour le néophyte désireux de découvrir l’univers Franco.
On n’en dira pas autant de Tender Flesh, dernier long-métrage tourné en pellicule par un oncle Jess qui tentait à l’époque (1997) de se relancer grâce aux financements apportés par de jeunes fans étrangers. Deux starlettes siliconées de la série Z américaine (Monique Parent et Amber Newman) jouent ainsi à la chasseresse cannibale et à la proie dans un énième auto-remake de La Comtesse perverse, où l’auteur semble surtout soucieux d’entériner son nouveau statut de « cult director » en adressant des clins d’oeil aux happy few – malgré des moments déviantsqui n’appartiennent qu’à lui, avec urolagnie (excitation sexuelle liée à l’urine – NDR) et léchage de talon aiguille au menu. L’édition double DVD (pas de Blu-ray pour ce titre-ci) vaut donc surtout pour un second disque centré sur les images du tournage engrangées par Alain Petit, acteur occasionnel et éternel commentateur de l’oeuvre de son ami Jess Franco, dont il a su capter la perpétuelle rage de filmer à tout prix.

G.E.


THE CURED DE DAVID FREYNE
Zone B. ESC Éditions.
Attaquer le film d’infectés sous un angle original, c’est le pari du premier long de David Freyne, qui s’intéresse plus aux séquelles psychologiques qu’aux ravages corporels.
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