DVD/Blu-ray/VOD N°317

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STREET TRASH DE JIM MURO
Zone B et Zone 2. ESC Éditions.
Késsekça ? C’est ce qu’on se demande toujours à propos de ce classique des vidéoclubs, nanti des effets gore et des personnages les plus dégueu dont on puisse rêver.
C’est quoi, Street Trash ? Et tout le monde de s’exclamer en choeur : c’est le film où des clochards se mettent à fondre en une bouillie multicolore après avoir ingurgité le tord-boyaux frelaté qu’un épicier peu scrupuleux a retrouvé dans une caisse oubliée dans sa cave, et qu’il a décidé de solder à un dollar la bouteille. Réponse doublement exacte, puisque c’est aussi la trame du court-métrage du même titre, inclus en bonus dans l’édition proposée par ESC. Fort de ces 15 minutes hautement potaches et provocatrices, le réalisateur James M. Muro, 21 ans à l’époque, reçoit des offres pour gonfler la chose en long-métrage. Il en parle ainsi à son prof de cinéma, Roy Frumkes, lequel va se charger d’écrire un scénario complet et de trouver des financements d’un niveau à peu près professionnel. Distribué en 1987, le résultat devient instantanément une oeuvre culte, notamment grâce à ses effets spéciaux délirants.
Mais ce qui frappe le plus à la revoyure, ce sont toutes ces autres petites scènes, en forme de digressions ou de sous-intrigues satiriques, qui font intervenir un peuple entier de personnages – des tas de clodos patibulaires, mais aussi un patron obèse et abusif, des mafieux abrutis, un flic enragé, etc. – ayant en commun d’être plus affreux, sales et méchants les uns que les autres. Et encore, il y en avait beaucoup plus dans le premier montage, qui affichait une durée déraisonnable de 2 heures 40 ! Pour en savoir plus sur ces séquences coupées, dues aussi bien à l’imagination de Frumkes qu’aux improvisations d’acteurs souvent amateurs, on se reportera aux deux gros morceaux du combo Blu-ray/DVD collector : un livret de 24 pages et, sur un disque bonus, le documentaire de deux heures The Meltdown Memoirs réalisé par Frumkes pour le 20e anniversaire du film. On y voit de nombreux rushes inédits, au milieu des témoignages des différents membres de l’équipe, y compris un certain Bryan Singer, alors assistant de production et qui deviendra le réalisateur attitré de la saga X-Men. En fait, seul manque à l’appel… Jim Muro lui-même.
CUL PAR-DESSUS TÊTE
Car c’est quoi d’autre, Street Trash ? Cela reste l’unique long-métrage réalisé par un jeune type aux allures de clone de Billy Idol, qui avait traîné dès l’âge de 16 ans sur les tournages de Frank Henenlotter (la filiation est claire) et qui, contre toute attente, a ensuite mené une brillante carrière de technicien. Depuis des années, une rumeur persistante prétend ainsi que Muro a renié son film après être devenu un chrétien fervent, sans qu’aucun élément concret ne soit apparemment venu étayer cette hypothèse. Après tout, il a peut-être simplement estimé que son brûlot de jeunesse était un peu encombrant quand il s’est imposé comme l’un des opérateurs Steadicam les plus recherchés de la planète, travaillant notamment pour James Cameron et… Bryan Singer. De fait, Muro est ensuite passé directeur photo (Open Range de Kevin Costner), et ces dernières années, il est même redevenu réalisateur, mais sur des épisodes de séries télé.
En tout cas, l’emploi de la Steadicam, ce harnachement permettant d’obtenir des travellings portés très fluides et stables, est l’un des grands atouts de Street Trash, lui donnant une facture visuelle étonnante pour un si petit budget. Tout le monde se souvient ainsi d’un monumental panoramique vertical à 180 degrés, donnant au spectateur l’impression de passer le cul par-dessus tête. Pour autant, dans le docu, le directeur photo David Sperling pointe un autre élément : l’utilisation de la profondeur de champ, qui a permis d’avoir des plans saturés d’informations, entre les détails du décor dément de la casse automobile (c’est là que se déroule l’essentiel de l’histoire) et des clochards vautrés aux bords du cadre. C’est important, car au-delà du prétexte de la gnôle explosive, le film est avant tout la chronique foisonnante et bariolée d’un quartier pourri de New York, animée par une galerie de personnages uniformément caricaturaux mais qui ont pourtant l’air d’exister pour de bon.
DERNIER ARRÊT AVANT LA POSTMODERNITÉ
Parce que c’est quoi, en définitive, Street Trash ? Une réponse est donnée dans le module analytique concocté par ESC, où s’expriment deux individus bien connus de nos services. Notamment, le barbu remarque que le film, conçu à un moment où le cinéma d’horreur rentrait dans un âge postmoderne en commençant à examiner ses propres ressorts (ce qu’il fait encore aujourd’hui), est un peu le dernier titre du genre à fonctionner pleinement au premier degré, en créant son univers à lui au lieu de commenter les mythologies établies par des oeuvres passées. Au même titre que les efforts contemporains de Henenlotter, c’est donc l&rsq [...]

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