DVD/Blu-ray/VOD N°316

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LE RITUEL DE DAVID BRUCKNER
SVOD. Netflix. 
Produit par Andy Serkis et disponible sur Netflix depuis le mois dernier, Le Rituel installe son réalisateur David Bruckner comme une valeur sûre de la série B d’horreur, en plus de s’imposer comme le plus beau film de monstre vu depuis Krampus.
Ils sont quatre, ont une trentaine d’années et sont amis depuis la fac. Hutch, le beau gosse viril et sûr de lui (Robert James-Collier), Dom, le binoclard geignard et bedonnant (Sam Troughton), Phil, le plus effacé de la bande (Arsher Ali) et Luke (Rafe Spall), qui traîne un méchant trauma : quelques mois plus tôt, Rob, le cinquième larron de la bande, a été tué sous ses yeux lors du braquage d’une supérette durant lequel il n’a pas osé intervenir. Depuis le drame, Luke se voit comme un lâche et sait que ses camarades lui en veulent, même s’ils s’en défendent mollement. Afin de rendre hommage à leur ami disparu, ils décident d’effectuer le voyage qu’ils avaient prévu de faire avec lui et s’en vont crapahuter dans la forêt suédoise malgré une forme physique pas vraiment adaptée à une telle aventure. De fait, à peine ont-ils entamé leur balade que Dom se blesse au genou. Le petit groupe décide alors de prendre un raccourci qui les éloigne du chemin de randonnée et, surpris par une pluie torrentielle, trouve refuge dans une cabane abandonnée. Dès lors, le piège de la forêt va se refermer sur eux...


LES YEUX DE LA FORÊT
On compte à l’heure actuelle assez peu de cinéastes réellement prometteurs dans le domaine de l’horreur. S’il est encore trop tôt pour juger de la constance du talent de Robert Eggers (The Witch), David Robert Mitchell (It Follows) ou Jordan Peele (Get Out), les noms de Mike Flanagan (Ouija : les origines, Jessie) ou du duo Justin Benson/Aaron Moorhead (Spring, The Endless) résonnent déjà comme des valeurs sûres. Avec Le Rituel, David Bruckner les talonne, après des débuts où l’on pressentait déjà sérieusement sa singularité – plus, d’ailleurs, dans ses segments tournés pour les anthologies V/H/S et 666 Road Southbound que dans son premier long The Signal, cosigné avec deux autres réalisateurs. Amateur Night, son sketch pour V/H/S, esquissait déjà la thématique bicéphale du Rituel, à savoir la masculinité et le folklore fantastique : on y voyait trois potes ramener des filles dans un motel pour tourner à leur insu un porno amateur à l’aide de lunettes équipées d’une caméra. Mais l’une de leurs conquêtes s’avère être un succube qui ne fait qu’une bouchée des queutards et se métamorphose en démon ailé avant d’emporter le dernier de la bande. S’il n’est pas question de sexe dans Le Rituel, on y parle aussi de mâles qui deviennent la proie d’une créature surgie du fond des âges. Car oui, c’est d’un film de monstre qu’il s’agit, un monstre issu de la mythologie nordique que le « héros » finira par défier une hache à la main, tel Beowulf face à Grendel. Compte tenu de son décor naturel, du point de départ de son récit et de son goût pour le found footage, Bruckner aurait pu faire de son film un nouvel avatar d’Evil Dead et du Projet Blair Witch, voire une entreprise cynique type La Cabane dans les bois. Même s’il ne se prive pas de faire référence aux deux premiers du lot, il préfère puiser son inspiration dans The Wicker Man, Alien et Predator, faisant de ses personnages les victimes d’une secte coupée de la civilisation et prenant le temps de suggérer l’apparence de son « troll » avant de l’exposer avec superbe dans toute son iconique et terrifiante majesté. On pense aussi beaucoup au cinéma de Christopher Smith où au méconnu Wake Wood produit par la Hammer dans la manière qu’a Bruckner d’apporter une dimension psychologique et humaine à l’horreur, tout en s’autorisant des escapades visuelles qui jouent avec la géographie des lieux et l’esprit des protagonistes – ici avec celui de Luke, qui ne cesse de revivre son trauma au point de voir surgir les allées de la supérette au beau milieu des bois. À défaut d’être très subtil, le procédé illustre bien le fait que Luke n’est jamais vraiment sorti du magasin où son ami a trouvé la mort et que le seul moyen de s’en échapper est d’affronter sa peur. Une figure imposée du genre certes, mais qui s’inscrit dans une dynamique narrative d’une rigueur confondante, où Bruckner opte pour un filmage « classique » qui n’exclut en rien la sensation d’urgence d’une atmosphère où l’angoisse monte en pression jusqu’à devenir suffocante. Des cauchemars qui assaillent les randonneurs dans leur sommeil – tellement épouvantables qu’ils refusent d’en parler – à ces corps empalés sur les arbres d’une forêt qui se transforme peu à peu en un sombre labyrinthe éclairé par des torches et hanté par un minotaure dévoreur de chair humaine, Le Rituel ménage ses effets pour mieux les transcender. La détérioration des liens entre ces amis qui n’en sont plus vraiment ajoute encore au caractère funèbre du récit : ils se retrouvent tous enfermés dans leur solitude respective, d’autant plus lorsque le « leader » manque à l’appel. S’opère alors une passation de pouvoirs qui permet au plus torturé du groupe de trouver sa rédemption, quitte à sombrer dans la folie et à devenir un animal au même titre que ceux qu’il affronte. Très impliqué, le casting est dominé par la sobriété fiévreuse de Rafe Spall et la présence magnétique de Robert James-Collier : formidable en domestique homosexuel fourbe et guindé dans Downton Abbey, il est ici méconnaissable en mâle alpha gentiment macho, et possède de toute évidence l’étoffe d’une star. Jamais suffisant dans sa volonté de redonner un peu de sang neuf à un genre maintes fois exploré, David Bruckner signe donc un solide « petit » film d’horreur qui, aussi modeste soit-il, en remontre sans problème à une concurrence devenue bien trop formatée pour être honnête.

C.D.




THE CLOVERFIELD PARADOX
I MUTE
SVOD. Netflix.
DE BRUIT ET DE SILENCE

Deux films de science-fiction attendus, deux exclusivités Netflix, pour des expériences au final radicalement opposées.
D’un côté, un coup de pub planétaire. Lors de la mi-temps du Superbowl, l’événement sportif le plus regardé aux USA, Netflix annonce la mise en ligne du nouveau film Cloverfield « tout de suite après le match ». En un seul spot de pub, le géant de la SVOD économise une campagne marketing classique et grille tous les pronostics de sortie d’un long-métrage qu’on pensait découvrir en salles. De l’autre côté, il y a Mute, mis en ligne par la plateforme sans tambour ni trompette, ne figurant même pas dans la section « nouveautés » de la page d’accueil le jour de sa sortie. Bien sûr, The Cloverfield Paradox devient vite le centre de toutes les attentions. Netflix aurait « changé le game » à tout jamais en court-circuitant la sacro-sainte salle de cinéma et son battage médiatique coûteux et en amenant directement un blockbuster attendu dans le salon du spectateur. Dans les faits ? La plateforme a certainement aidé J.J. Abrams à transformer en événement médiatique un film de SF médiocre. Initialement titré God Particl [...]

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