DVD/Blu-ray/VOD N°314

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MANHUNTER DE MICHAEL MANN
ZONE B. ESC EDITIONS.
Le chef-d’oeuvre de Michael Mann, sorti chez nous en 1987 sous le titre Le Sixième sens, fait peau neuve dans une édition imparfaite qui reste pourtant essentielle.
« À ma connaissance, il n’existe aucune version aléatoire de Manhunter. Michael Mann a approuvé à 100 % la version sortie en salles, c’est son director’s cut. » C’est par ces mots que débute l’analyse (faite par un journaliste censément spécialiste du cinéaste) qui nous est proposée en bonus de cette première édition Blu-ray du film en France. Une entrée en matière d’autant plus embarrassante qu’il existe pas moins de huit montages différents de Manhunter, dont un director’s cut qui, justement, est inclus dans le coffret qui nous occupe, en plus de la version salles sortie en 1987. Une bourde heureusement rattrapée par les commentaires érudits du spécialiste de la musique de film Olivier Desbrosses (qui décortique la manière dont Mann a appréhendé la musique tout au long de sa carrière en tant que vecteur émotionnel) et par l’analyse du découpage de quatre scènes (l’arrivée de Will Graham sur la scène de crime, sa visite à Lecktor dans sa cellule, la fameuse scène du tigre et la confrontation finale entre Graham et Francis Dollarhyde). On regrette cependant l’absence de la bande originale, uniquement disponible en import chez Intrada (ce qui aurait pu être l’occasion de la compléter, puisqu’elle omet quelques morceaux), tout comme celle du commentaire audio du réalisateur et de la longue interview de Brian Cox présents sur le Blu-ray sorti aux USA chez Shout ! Factory en 2016. Les autres suppléments sont d’ailleurs issus de cette édition et, au travers de nombreux entretiens, apportent des éclairages captivants sur la production du film. Il apparaît clairement que Mann est un véritable control freak, capable de faire 40 prises d’une simple scène de dialogue pour épuiser un acteur afin que son jeu soit le plus naturel possible, ou de virer sur-le-champ quiconque n’obéit pas à ses ordres. Mais c’est aussi un perfectionniste obsessionnel, la précision chirurgicale de sa mise en scène s’appuyant sur une documentation très poussée acquise sur le terrain, une volonté absolue de filmer en décors naturels (quitte à faire exploser le budget en multipliant les lieux de tournage) et une attention toute particulière portée non seulement à la lumière, aux couleurs et au cadre, mais aussi à tout ce qui rentre dedans. La position et la gestuelle des acteurs, leurs costumes, les décors et les architectures dans lesquels ils évoluent sont autant d’outils que le réalisateur manipule pour décupler le ressenti du spectateur et lui faire épouser la psyché des personnages – une opération que la musique se charge de verrouiller tout en assurant une véritable fonction narrative. La musique, on y revient avec des interviews parfois amusantes en termes d’ego, notamment lorsque le leader de The Reds juge avoir composé des morceaux « absolument géniaux » ou que celui de Shriekback affirme que certaines scènes du film n’auraient jamais pu fonctionner si ses chansons n’avaient pas été utilisées ! L’entretien le plus enrichissant reste cependant celui accordé par le chef-opérateur Dante Spinotti, où l’on apprend qu’il fut engagé sur Manhunter par le producteur Dino De Laurentiis parce qu’il venait de se faire remercier par le réalisateur de Tai-Pan. Ou que Michael Mann lui résuma ses intentions en matière de photographie en lui montrant une toile de la série de L’Empire des lumières de Magritte. Soit, précisément, celle qui inspira William Friedkin pour la scène de l’arrivée du père Merrin chez Chris MacNeil dans L’Exorciste. La preuve, s’il en était besoin, que le thème de la possession diabolique est au coeur de Manhunter.

L’OMBRE ET SA PROIE
Outre la version salles restaurée en HD, un second Blu-ray propose donc le director’s cut validé par Mann dans une copie nettement moins satisfaisante, puisque les scènes inédites ne sont présentées qu’en SD. Pas grave : cela donne un caractère d’archive encore plus troublant à cette mouture qui écarte de brefs passages du montage salles pour en ajouter d’autres. Particulièrement intéressants, ceux-ci renforcent l’aspect documentaire des scènes ayant trait à l’enquête du FBI tout en offrant plus de temps de présence à la femme de Graham, ce qui a pour effet de renforcer le caractère torturé du profiler, tiraillé entre la lumière de sa vie conjugale et les ténèbres qui menacent de l’engloutir. On notera à ce titre l’ajout d’un plan où la jeune femme, seule dans son lit, est filmée avec un léger travelling avant, comme pour faire écho à l’ouverture du film et suggérer la présence d’un intrus sur le point de la tuer. La lumière bleu océan dans laquelle baigne la scène reprenant celle utilisée lors de ses étreintes avec son mari, on peut voir cet instant comme un rêve de Graham. Un rêve bien trop similaire à ceux qui naissent dans l’esprit malade de Dollarhyde, que l’enquêteur analyse comme la source des pulsions meurtrières du tueur. Le chasseur se confond de plus en plus avec son gibier, comme l’atteste une autre scène inédite où Graham, après avoir tué Dollarhyde, se rend chez la famille que le tueur comptait frapper. Refusant d’entrer alors qu’il y a été invité par le couple, Graham leur dit : « I just came... to see you » avant de s’éclipser. Non seulement il ne franchit pas le seuil de leur porte, comme s’il avait peur de ce qu’il pourrait leur faire, mais ses mots font directement écho au modus operandi de Dollarhyde qui, avant de passer à l’acte, espionnait ses victimes dans leur environnement familial dans un rituel voyeuriste conduisant à la libération de ses instincts de fauve. De par son métier, Graham est un prédateur au même titre que le serial killer. Une scène cruciale, où l’on comprend que seul l’amour de sa famille l’empêche de basculer et de devenir une bête féroce. Un livre de 152 pages où Marc Toullec retrace toute la carrière de Michael Mann complète idéalement l’édition de ce diamant noir dont l’incroyable puissance hypnotique reste intacte. Le cinéaste ne parviendra à la retrouver que vingt ans plus tard avec Miami Vice.

C.D.




WATCH OUT  DE CHRIS PECKOVER
Zone B. Wild Side.
En 2016, les spectateurs du PIFFF avaient découvert Watch Out sous le titre Safe Neighborhood. Cette comédie horrifique, tournée en été alors qu’elle se déroule à Noël (comme Halloween de Carpenter !), marque pour son réalisateur un vrai bond en avant.
Formé sur le found footage Undocumented, Chris Peckover met de côté ses bidouilles opportunistes et plonge tête baissée dans l’art visuel du slasher. Avec Watch Out, le cinéaste s’empare des codes attendus (baby-sitter, grande maison isolée sous une tempête de neige, adolescents en péril) avec une application qui force le respect, et exploite surtout la moindre parcelle d’un décor construit sur mesure. Le huis clos ne fait ici jamais de sur-place, et la tension croissante entre les personnages oscille entre rire nerveux et effroi sur un ton comparable à The Loved Ones, autre shocker australien. Moins porté sur le gore que Sean Byrne, Peckover découpe ses scènes de meurtre de façon hitchcockienne, notamment un détournement brutal d’un pi& [...]

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