DVD/Blu-ray/VOD N°307
LE CERVEAU D’ACIER I SSSSNAKE I DOOMWATCH I MONSTRES INVISIBLES
Zone B et Zone 2. MOVinside.
GARE AUX APPRENTIS-SORCIERS !
Il est bien dangereux de jouer avec la technologie : deux petits classiques de la science-fiction américaine (dispo en Blu-ray) et deux de leurs homologues britanniques (en DVD uniquement) sont là pour nous le rappeler.
La collection « Les trésors du fantastique » de MOVinside s’enrichit de nouveaux titres, dont deux productions américaines empruntées au catalogue Universal. La première, Le Cerveau d’acier (Colossus : The Forbin Project, 1970), est un peu le chaînon manquant entre la séquence de l’ordinateur renégat de 2001, l’odyssée de l’espace et des films ultérieurs consacrés aux déraillements de l’intelligence artificielle, comme Génération Proteus et Saturn 3. Ajoutez-y un soupçon de géostratégie informatique préfigurant Wargames, et le compte est bon. Le président des USA est tout content d’inaugurer un système gérant de façon autonome la défense du pays, jusqu’au moment où la méga-machine s’anime d’une volonté propre. Du coup, elle prend au pied de la lettre son programme de départ (le maintien de la paix par l’équilibre de la terreur nucléaire) pour imposer sa dictature à l’Humanité. La réalisation fonctionnelle de Joseph Sargent, la normalité du « héros » (le créateur de l’ordinateur géant, qui cherche méthodiquement une faille dans sa propre invention), une démarche très peu spectaculaire : tout concorde pour façonner une atmosphère clinique aboutissant à un final glaçant. D’animaux à sang froid, il est aussi question dans Ssssnake (1973). Un brave étudiant en biologie, croyant être engagé comme assistant par un spécialiste des serpents venimeux, lui sert en fait de cobaye pour une expérience visant à le transformer peu à peu en cobra. Là encore, la mise en scène trahit la patte assez télévisuelle du stakhanoviste Bernard L. Kowalski, qui a justement effectué l’essentiel de sa carrière sur le petit écran. Mais le film (également connu sous le titre Sssssss !) reste en mémoire grâce à l’utilisation quasi systématique de véritables reptiles, et à la prestation du vieux routier Strother Martin, qui compose un chercheur à la fois obstiné et bonhomme ayant peu à voir avec les stéréotypes du savant fou.
C’est un peu le cas inverse avec Doomwatch (1972), qui est en fait l’adaptation cinéma d’une populaire série télé centrée sur les intrépides enquêteurs d’une brigade anti-pollution. Mais pour cette version long-métrage produite par l’intéressante boîte Tigon British, on a eu la bonne idée d’aller chercher le réalisateur Peter Sasdy, familier des horreurs gothiques de la Hammer. L’auteur de La Fille de Jack l’Éventreur et Une messe pour Dracula peut ainsi exceller à recréer l’ambiance d’une île des Cornouailles dont les habitants, jaloux de leurs prérogatives, refusent de révéler un mal secret qui s’avérera être né de la conjonction de plusieurs problèmes environnementaux… Rappelant assez le génial L’Invasion des morts-vivants de John Gilling, ce thriller écologique est sans doute le meilleur titre du quatuor, ce qui nous fait regretter l’absence d’une galette Blu-ray. Pas de HD non plus pour Monstres invisibles (Fiend Without a Face, 1958), mais c’est moins grave, même si cette petite série B anglaise se laisse voir. L’action se situe dans le Grand Nord canadien, où l’armée US a installé une base radar afin d’espionner l’URSS par-delà l’Arctique. Sauf que des entités imperceptibles à l’oeil nu se mettent à tuer les fermiers du coin, dont l’autopsie révélera qu’ils ont été vidés de leur cerveau et de leur moelle épinière. Cela a-t-il quelque chose à voir avec les radiations émises par la pile atomique alimentant la base ? La surprise est que, contrairement à ce qu’on attendait dans un film de SF de cette époque, la solution de l’énigme ne fait pas intervenir des extraterrestres belliqueux, mais une expérience scientifique pour le moins saugrenue. D’où les créatures au look intéressant qui vont animer un final où le réalisateur, le vétéran Arthur Crabtree, s’en donne à coeur joie, préfigurant les soudains accès de sadisme débridé de son ultime long-métrage tourné l’année suivante, le démentiel Crimes au musée des horreurs.
G.E.
L’INVASION DES PROFANATEURS
DE PHILIP KAUFMAN
Zone B. Rimini Éditions.
Déjà édité dans un DVD pour le moins « dépouillé », le film de Philip Kaufman réapparaît sur le même support, et connaît également les faveurs de la haute définition. L’occasion de lui rendre pleinement justice.
Défavorablement comparé, lors de sa sortie en 1978, au classique de Don Siegel dont il est le remake, L’Invasion des profanateurs gagne à être revu. Rien de bien original, de prime abord, dans cette nouvelle adaptation d’un roman de Jack Finney, où des extraterrestres végétaux se substituent aux humains pendant leur sommeil. De leurs victimes, les aliens prennent l’apparence, la mémoire et l’intelligence, mais délaissent les émotions, uniquement motivés par l’invasion de notre planète.
D’abord sceptique, un inspecteur des services de l’hygiène de San Francisco (Donald Sutherland) se rend rapidement à l’évidence que quelque chose ne tourne pas rond. À peine a-t-il découvert ce qu’il croit encore être l’effet d’un virus ou d’une bactérie qu’une grande partie des habitants la ville ne sont déjà plus les mêmes… Dans les années 50, cette histoire reflétait la peur des Américains de voir l’Union soviétique annexer le reste du monde. À la fin des années 70, le péril rouge étant moins pressant, Philip Kaufman et le scénariste W.D. Richter troquent la métaphore politique pour une approche plus sociale. Ici, à l’instar des morts-vivants du centre commercial de Zombie, les extraterrestres ne sont qu’une représentation d’une société normée, hautement consumériste, dans laquelle les biens matériels l’emportent sur le reste. Exactement ce qu’explique le psy incarné par Leonard Nimoy avant de planter l’aiguille d’une seringue dans le bras de ses anciens amis. « N’ayez rien à craindre, vous garderez tout ! » leur dit-il en substance. Tout, sauf ce qui constitue notre personnalité : le libre arbitre, la liberté de penser. Le futur réalisateur de L’Étoffe des héros évite donc l’écueil d’une SF purement ludique, même si son film se regarde aussi et surtout comme un formidable récit d’invasion extraterrestre, paranoïaque à souhait et éclairé selon les canons esthétiques du film noir d’antan, magnifiés en Blu-ray par un master de toute beauté. Kaufman prend la parole dans un excellent petit making of rétrospectif d’une quinzaine de minutes, l’un des suppléments d’une édition plutôt riche en la matière. Surtout en Blu-ray, avec également des interviews des comédiens (Brooke Adams, Art Hindle), du scénariste et du compositeur. Des suppléments issus des galettes américaines, à l’exception d’un éclairant laï [...]
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