DVD/Blu-ray/VOD N°306

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PHANTOM OF THE PARADISE DE BRIAN DE PALMA
Zone B et Zone 2. Carlotta Films.

Après 10 ans d’indépendance, une première expérience malheureuse à Hollywood (Get to Know Your Rabbit) et une série B imparable (Soeurs de sang), le futur auteur de Passion perçait définitivement avec cet opéra rock critique et horrifique, tellement foisonnant qu’on n’en aura jamais fini de le décortiquer.
Carlotta continue sa politique consistant à sortir, une fois par trimestre, un titre dans des éditions DVD et Blu-ray séparées, mais aussi dans un coffret « Ultra Collector » regroupant ces dernières avec un volumineux bouquin. Après Les Banlieusards de Joe Dante, c’est donc Phantom of the Paradise de Brian De Palma (1974) qui a les honneurs d’un écrin réunissant le meilleur des suppléments des précédentes galettes françaises (de chez Opening), américaines (Shout ! Factory) et anglaises (Arrow Video), ce à quoi viennent répondre les divers articles d’un ouvrage collectif. Il n’en fallait sans doute pas moins pour éclairer ce qui est resté un film-pivot dans l’évolution d’un cinéaste au parcours très étrange : n’oublions pas qu’il a d’abord enchaîné les essais avant-gardistes, pour ensuite recycler ses expérimentations dans des productions destinées à une large audience. Un passionnant entretien de l’époque, paru dans le magazine US Cinefantastique en 1975, et un nouveau texte de Jean-Baptiste Thoret insistent ainsi sur des captations de spectacles brisant la rampe qui sépare d’ordinaire acteurs et public (Dionysus in ’69, la pièce Be Black, Baby dans Hi Mom !), dont le dispositif et les interprètes serviront plus tard à échafauder le final hystérique de Phantom of the Paradise. Ce dernier est en effet conçu comme un long crescendo, brouillant peu à peu les frontières entre la scène et l’auditoire. Dès le début, des choristes gominés attrapent une groupie pour lui faire subir un simulacre de viol, puis les musiciens découpent des morceaux du corps des spectateurs pour donner naissance au frankensteinien Beef, et enfin, dans un retournement complet, la foule envahit le plateau pour dévorer littéralement les artistes.



C’est que, comme le montre Luc Lagier dans un chapitre issu de son livre Les Mille yeux de Brian De Palma, le film raconte l’affrontement de deux personnages aux mises en scène concurrentes. Un naïf compositeur se fait voler son opéra rock par le nabab Swan, qui règne sur sa salle de concert grâce à un système de surveillance vidéo, mais toute cette machinerie se retournera contre lui quand elle sera parasitée par une victime devenue spectre assoiffé de vengeance… Cette histoire est narrée en filigrane par les séquences musicales, qui sont loin d’être des intermèdes qu’on peut sauter à loisir : au contraire, elles concentrent les enjeux émotionnels des personnages, tout en incarnant le sujet de départ (les réorchestrations formatées de mélodies ainsi rendues insipides) avec autant de parodies hilarantes des revivals successifs du doo-wop et des ambiances surf, aboutissant aux monstruosités du glam-rock. Là, c’est notre Alexandre Poncet à nous qui s’y colle, en détaillant le réseau d’échos qui parcourt les paroles et les structures des différentes chansons. Le texte de l’ami Ponpon renvoie en outre à un long entretien vidéo inédit en France, où Paul Williams, à la fois interprète de Swan et auteur de la bande-son, est interrogé par Guillermo del Toro. Datant de l’époque où les deux hommes projetaient une adaptation scénique du Labyrinthe de Pan, cette discussion très intime et complice fait surgir le thème assez inattendu de l’adolescence, favorisé par la toute petite taille de Williams. Quarante ans auparavant, il apparaissait ainsi à la fois comme un génie pervers du Mal et comme un nabot asexué et androgyne, en définitive plutôt rassurant et propre à susciter la sympathie.
Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire du personnage de Swan. Alors que le malheureux héros est une variation sur le roman Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux et ses multiples adaptations cinématographiques, lui se pose comme un condensé de Faust, Hugh Hefner, Citizen Kane, Caligari, Dorian Gray, et on en passe. La liste semble infinie, et une vieille chronique de la BO ajoute le nom d’Andy Warhol, bizarrement peu évoqué malgré une même silhouette menue dominant une véritable usine à création : voir l’équivalence entre le palais du rock Paradise et l’atelier d’artistes la Factory. Car le bouquin se termine par un assortiment de critiques françaises de l’époque, comptant par exemple un beau texte de Nicolas Boukhrief (Phantom of the Paradise a-t-il vieilli ?) paru dans Starfix lors de la sortie de la première VHS française. On pourrait y adjoindre la formidable recension de La Saison cinématographique 1975, où le grand Jean-Marie Sabatier se montrait étonnamment prophétique quant à l’évolution ultérieure du réalisateur, en notant qu’« à la différence de trop célèbres parodistes du cinéma fantastique, Brian De Palma a parfaitement digéré sa culture cinématographique et, plutôt que de pratiquer des collages souffreteux et de misérables bout à bout, il intègre les références au matériau dramatique avec une maîtrise, une aisance et une ÉVIDENCE proprement déconcertantes. La citation devient avec lui une nécessité vitale pour la cohérence du discours, et le drame découle d’elle et n’existe que par elle. » Et de conclure en décrivant Phantom of the Paradise comme : « Une oeuvre constamment excessive, une oeuvre hors pair qui laisse ébloui et anéanti et qui devrait montrer à Ken Russell et autres velléitaires la dose de talent qu’exige la réalisation d’un film baroque, la réussite d’un authentique « film-monstre ». ».

G.E.




MEAN GUNS I NEMESIS
Zone B. Metropolitan.
T’AS LE BONJOUR D’ALBERT

Désormais atteint de « lucasserie » aiguë (maladie qui pousse les cinéastes à dénaturer leurs titres de gloire à grands coups d’effets numériques à vomir), Albert Pyun s’est forgé depuis ses débuts une petite réputation dans le domaine de la série B, auquel il a offert quelques réussites (Cyborg, L’Epée sauvage, Campus 86), mais aussi certaines de ses plus belles purges (Captain America, Explosion imminente). Tournés durant sa période la plus frénétique (les années 90), Mean Guns et Nemesis témoignent de la folie créatrice de cet ancien assistant d’Akira Kurosawa, qui profite de ces deux productions pour recycler ses innombrables influences avec une telle générosité qu’il est impossible de lui en tenir rigueur. Toujours à la recherche du plan qui tue, Pyun s’amuse comme un gosse en multipliant les idées les plus dingues (vue subjective d’une balle, plan-séquence à travers un plancher explosé) héritées d’un Tsui Hark ou d’un Ringo Lam. Sans en posséder le génie novateur toutefois, le réalisateur hawaïen confondant souvent vitesse et précipitation au détriment de sa direction d’acteurs et de sa gestion de la topographie. Un défaut qui, dans le cas du polar Mean Guns, se fait oublier, tant le style foutraque du cinéaste s’avère parfaitement taillé pour un pitch aussi improbable qu’excitant. Moins ludique (en dépit d’un budget nettement supérieur), Nemesis pâtit, lui, d’une intrigue aux circonvolutions scénaristiques assommantes, là où il aurait mieux valu jouer la carte de l’épure à la Terminator, dont Pyun se réclame lors d’un ambitieux climax aux effets de stop motion tellement ratés que le résultat en devient… touchant. Bien que produit à l’économie, ce Blu-ray « double programme » français se montre tout à fait recommandable puisque, non content de proposer des copies intégrales (et dans leur ratio Cinemascope d’origine, s’il vous plaît), l’éditeur s’est carrément fendu d’une interview inédite de Christophe Lambert, qui revient sur les coulisses de Mean Guns avec un enthousiasme confinant souvent à l’hyperbole. Mais c’est aussi pour ça qu’on l’aime, le Christophe.

J-B.H.




COFFRET « LA TRILOGIE NINJA »
Zone B et Zone 2. ESC Distribution.
PAS TOUT À FAIT HOLLYWOOD

C’était avant les films avec Michael Dudikoff, quand les premiers produits Cannon dynamitaient le cinéma d’action US avec des tueurs/espions issus du Moyen-âge japonais et des scènes de combat… heu, excentriqu [...]

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