DVD/Blu-ray/VOD N°302

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FIRES ON THE PLAIN I TETSUO : THE BULLET MAN
Zone B. Blaq Out.
FULL METAL SHINYA

Un double programme pour tous les goûts : les fans du créateur de Tetsuo seront ravis du retour de l’homme d’acier, tandis que les autres pourraient bien être convaincus par un drame guerrier basculant vite dans le fantastique halluciné.
Le diptyque de hasard offert par ce Blu-ray met en évidence la drôle de double carrière menée depuis quelque temps par Shinya Tsukamoto. D’un côté, l’auteur de Tetsuo et Tokyo Fist continue de livrer des oeuvres rageuses et avant-gardistes laissant libre cours à ses obsessions techno-organiques. De l’autre, il accepte ou s’impose des sortes d’(auto-)commandes où son style est mis au service de projets plus identifiables dans le paysage du cinéma japonais, comme avec le très sympathique Nightmare Detective qui investissait le champ du film d’épouvante post-Ring. Le récent Fires on the Plain (Nobi) pousse cette logique jusqu’au bout. Il s’agit en effet de rien de moins que le remake d’un méga-classique du cinéma nippon, le Feux dans la plaine réalisé en 1959 par Kon Ichikawa – ou, du moins, d’une nouvelle adaptation du célèbre roman de Shohei Ooka. L’action se situe en pleine Seconde Guerre mondiale, sur une île des Philippines où l’armée impériale est en complète débandade devant l’avancée des troupes américaines et des résistants locaux. Un soldat tuberculeux est ainsi ballotté entre son régiment et un hôpital de campagne débordant de blessés graves, avant de se retrouver à errer sur une terre étrangère, avec la vague perspective de rejoindre la localité où les survivants doivent se rassembler pour être évacués… Pour raconter cette histoire de marche forcée, Ichikawa avait opté pour une mise en scène très géométrique, utilisant des raccords à 90 degrés pour raccorder, d’une part, des plans frontaux montrant les personnages crapahuter en direction de la caméra, et d’autre part, des cadrages latéraux illustrant la déambulation perpétuelle des bidasses. Bien sûr, Tsukamoto prend le contre-pied de cette approche en multipliant les images tremblées qui ont fait sa marque, annexant ainsi le matériau à son univers. De même, au Scope noir & blanc d’Ichikawa, il substitue des couleurs saturées donnant à la verdure de la jungle un aspect artificiel qui donnerait presque l’impression d’un tournage en studio. Mais le fond des deux versions reste le même : il vise à montrer comment la déroute peut transformer des militaires en êtres sans foi ni loi prêts à tout pour survivre, puis en véritables bêtes sauvages, et enfin en primitifs brisant les pires tabous, y compris le cannibalisme. L’horreur et le fantastique font donc bien plus que rôder dans une oeuvre chaudement recommandée aux amateurs du genre « périple halluciné d’hommes en treillis ». Les fans inconditionnels de Tsukamoto, eux, auront le plaisir de découvrir enfin Tetsuo : The Bullet Man, conclusion (provisoire ?) apportée en 2010 à une trilogie amorcée avec Tetsuo (1989) et Tetsuo II : Body Hammer (1992). C’est donc reparti pour des séries d’images stroboscopiques où les chairs à vif s’amalgament convulsivement à des prothèses mécaniques. Mais si le film a sans doute été tourné en anglais pour frapper à la porte du marché international, la langue autorise aussi une sorte de préquelle explicitant les racines de la franchise. Après que son jeune fils a été volontairement écrasé par une voiture, un Eurasien commence à se transformer en une créature mi-organique mi-métallique, avant de découvrir que ses parents avaient jadis mené d’étranges expériences sur les androïdes, pour le compte d’une société américaine souhaitant maintenant effacer toute trace du projet… Le scénario joue ainsi de l’opposition entre le Japon, rivé depuis la guerre aux technologies civiles, et des compagnies yankees toujours plus ou moins liées au complexe militaro-industriel. Par ailleurs, le métissage racial et/ou cybernétique joue à tous les étages d’un récit joliment romanesque, où pas moins de trois générations sont marquées par le mélange d’ADN humain et d’ADN androïde. Quant au menu des suppléments, il est à noter que l’appellation « making of » est assez trompeuse. En fait, le module en question affiche exactement la même durée que Tetsuo : The Bullet Man, et pour cause : la bande-son est reprise in extenso, tandis que la bande-image est remplacée par des plans du tournage et des documents de production, comme des dessins préparatoires. Loin des enfilades d’interviews face caméra, le résultat est donc un nouveau trip, qui pourrait bien être aussi envoûtant que le long-métrage de référence.

G.E.

 

 

THE ‘BURBS DE JOE DANTE
Zone B et Zone 2. Carlotta Films. 

Un volumineux bouquin, un montage alternatif : vous saurez tout sur une comédie macabre qu’on a longtemps considérée comme mineure dans l’oeuvre de l’auteur de Gremlins.
En voilà une sacrée réévaluation ! À l’époque, les fans français de Joe Dante avaient connu une belle déconvenue en apprenant que son nouveau long-métrage ne sortirait même pas en salles. Ils avaient ainsi dû se rabattre sur une cassette intitulée Les Banlieusards et affublée d’une VF pas top qui rappellera des souvenirs à ceux qui avaient l’habitude de louer des grosses comédies américaines à leur vidéoclub. Aujourd’hui, la chose se voit carrément offrir des éditions DVD et Blu-ray séparées, et surtout un combi « ultra-collector » assorti d’un bouquin de 200 pages dirigé par l’universitaire Frank Lafond. Les auteurs y utilisent le prisme The ‘Burbs pour décrypter l’oeuvre entière du cinéaste, et son système de références. Dans un entretien vidéo exclusif, produit par notre estimé rédacteur Alexandre Poncet, Dante insiste en effet sur la vie dans les banlieues pavillonnaires : il a effectivement grandi dans ce genre de quartier, et y a ensuite situé un certain nombre de films s’attachant à gratter le vernis de ce cadre trop propret. Ici, il y implante l’intégralité des scènes d’une chouette comédie macabre, entièrement tournée dans le backlot (sorte de studio en plein air avec des maisons construites « en dur ») d’Universal, utilisé dans une foule de longs-métrages et de sitcoms télévisées.
Cependant, la grande affaire de cette édition est l’exhumation de la copie de travail de The ‘Burbs. Vérification faite, ce premier montage, issu d’une vieille source vidéo analogique, est à réserver aux seuls amateurs maniaques. Mieux vaut se reporter directement à un bonus bien foutu qui pointe les différences entre les deux versions. On découvre ainsi un final moins bon que celui qui a été retourné par la suite, mais nanti d’un élément intéressant : le discours ironique du personnage incarné par Henry Gibson, qui parle de son désir contrarié de s’intégrer à l’univers idyllique des banlieues cossues. L’autre divergence de taille instaure un arrière-plan social assez sombre : si le personnage incarné par Tom Hanks se laisse convaincre par ses amis neuneus que ses voisins sont d’horribles malfaiteurs, c’est en réalité pour faire diversion au fait qu’il a perdu son boulot et n’ose pas l’avouer à sa femme. D’où un fil narratif distinct, et surtout, une version plus longue et réussie de la fameuse séquence du cauchemar, où Kevin McCarthy joue le patron du héros. On croyait que l’interprète de L’Invasion des profanateurs de sépultures, à qui Joe Dante s’est amusé à confier de petits rôles dans la quasi-totalité de ses films, n’était pas apparu dans The ‘Burbs. Ben, en fait : si.

G.E.


PULSIONS CANNIBALES D’ANTONIO MARGHERITI
Zone 2. Le Chat Qui Fume. 

Cette belle édition double DVD remet en lumière un cinéaste discret spécialiste des entrecroisements de genres, célébrant ici les noces de l’ultra-gore et du drame post-Vietnam.
Antonio Margheriti/Anthony M. Dawson ne fait sans doute pas partie des grands auteurs ayant émergé du cinéma bis italien, tels Freda, Cottafavi, Bava, Leone, Argento ou Fulci. Mais en dépit ou peut-être plutôt à cause de cela, il symbolise plus qu’aucun autre une industrie prolifique dont il fut le meilleur artisan, au sens propre et au figuré. D’un côté, il a réussi à livrer des films de qualité suivant toutes les modes successives en vogue dans les studios romains (seul Mario Caiano pourrait le concurrencer sur ce terrain-là), et de l’autre, il avait l’habitude de bricoler lui-même d’étonnants effets spéciaux pratiquement faits main. Ces aspects sont bien résumés dans le documentaire-portrait The Outsider réalisé par son fils et ancien assistant Edoardo Margheriti, et inclus sur un second disque. En particulier, le doc met l’acc [...]

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