DVD/Blu-ray/VOD N°295

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INTERVIEW 
THIERRY POIRAUD
RÉALISATEUR

Le révolté de l’an 2016
Coréalisateur d’ATOMIK CIRCUS et responsable du second segment de GOAL OF THE DEAD, Thierry Poiraud tente enfin l’aventure solo avec ALONE, dont il nous raconte ici la très longue gestation.


Goal of the Dead était une commande si je ne me trompe pas. Alone était-il un projet personnel ?

Oui. Nous avons écrit Alone bien avant avec Marie Garel Weiss, mais les financements tardaient. Pour nous faire patienter, nos producteurs, Capture The Flag, nous ont proposé le second segment de Goal of the Dead. Nous avons pu réécrire le film avec Marie, mais ça restait effectivement une commande. Alone était à l’origine censé être plus large, mais nous avons dû réduire son ampleur. Et à la base, on voulait vraiment traiter de l’adolescence, et situer l’action dans un foyer d’enfance difficile. L’idée de l’infection est venue par la suite. On a pensé un moment ne pas avoir le moindre adulte, et c’est comme ça que l’argument fantastique est venu se greffer à l’intrigue.

L’argument fantastique est justement ce qu’il y a de plus passionnant dans le film, car il soulève une question essentielle : quand devient-on réellement adulte ? C’est presque Les Révoltés de l’an 2000 à l’envers.

Tout à fait… même si je ne l’ai pas vu. Je vois donc très bien ce que c’est, car Fabrice Du Welz m’en a beaucoup parlé : il voulait en faire un remake.

Pourquoi le film a-t-il mis aussi longtemps à se monter ?

Nous avons présenté un premier dossier à Cannes, qui a été très bien reçu. Orange nous a suivis, puis Canal+. On avait la moitié du budget, donc nous sommes partis en quête d’un distributeur. Mais personne n’a voulu nous suivre, car ils trouvaient le sujet trop noir. L’idée d’avoir un film pour ados interdit au moins de 12 ans, avec des enfants qui tuent des adultes et des adultes qui tuent des enfants, ça ne marchait pas. Le sujet lui-même bloquait énormément.

Dans Alone, la vie des protagonistes déraille lorsqu’ils assument leurs responsabilités d’adultes. Utiliser un élément fantastique pour parler d’un tel sujet, c’est rare dans le cinéma fantastique actuel.

C’est tout le concept qu’on voulait développer. Je voulais aussi traiter la violence du monde adulte. J’ai des enfants et pour eux, le monde des adultes est affreux, surtout depuis les attentats de Paris. On lègue à nos enfants ce monde-là. L’idée était donc de travailler avec ces ados qui se retrouvent entre deux mondes, chassés par les adultes dans une première partie, puis chassés par les enfants. Être entre deux mondes, c’est précisément ça, l’adolescence. Après, être adulte, ça veut à la fois tout dire et rien dire. C’est une invention humaine, et nous avons voulu jouer avec. Dans le contexte du script, on quitte notre enfance quand on arrête de se focaliser sur soi-même pour s’occuper de l’autre. L’enfant est autocentré par essence. Selon cette logique, des égoïstes de 40 ans peuvent ne pas être adultes. Je n’ai pas la prétention d’avoir fait un film psychologique, mais on a travaillé dans cette optique-là. Ça nous fournissait une ironie du sort assez tragique : en devenant adultes, les personnages sont condamnés, mais ça ne signifie pas qu’ils sont mauvais. C’est aussi Peter Pan à l’envers.

J’ai été impressionné par le premier degré de la narration. Atomik Circus et Goal of the Dead ne l’étaient pas du tout. Le traitement de la violence en est impacté : elle est très sèche, brutale et parfois hors-champ. 

C’était une vraie volonté. On me demande souvent comment on peut passer d’un univers aussi débile que celui d’Atomik Circus et Goal of the Dead à celui d’Alone.

Je trouve ça cohérent, personnellement. Il s’agit d’un autre angle sur le même sujet.

C’est un autre angle, exactement. Ça ne veut pas dire que je ne reviendrai jamais à quelque chose d’absurde. Atomik Circus était très foutraque au niveau du scénario, mais j’assume totalement son traitement. Il doit d’ailleurs beaucoup à mon frère Didier. Tout ceci est une question d’humeur. Pour Alone, je me suis servi de tout ce que j’avais appris en termes de découpage et de mise en scène pour le mettre au service d’une histoire, d’une émotion plus intime. J’aime beaucoup le cinéma fantastique, c’est vraiment mon genre de prédilection. Je m’en suis nourri et je ne regarde quasiment que ça. J’adore Cronenberg, Lynch...

Et j’imagine Carpenter.

Évidemment, c’est un de mes premiers chocs de cinéphile.

Le premier acte d’Alone semble très inspiré de Carpenter. Vous posez une réalité concrète, et vous la parasitez avec un élément bizarre, une atmosphère difficile à définir. Je pense notamment à ce plan dans le dortoir, avec la lumière des phares qui balaie lentement les murs.

Oui, c’est très Carpenter. Les premières notes de musique quand ils arrivent à la station sont également un hommage direct.

Vous avez aussi un discours assez proche. Dans Alone, des enfants manient des armes à feu sans le moindre scrupule, comme dans une séquence célèbre de Los Angeles 2013. Les enfants, un temps victimes, deviennent bourreaux.

Tout à fait. Je n’avais pas pensé à Los Angeles 2013, mais ça me paraît évident maintenant. On a tellement de souvenirs en tant que cinéphile que ça finit par ressortir de façon inconsciente. C’est dans l’ADN. On cherche des idées, des ambiances qui conviennent au sujet.

Le casting d’Alone est très juste.

Il s’est fait très tard, quand le financement s’est enfin débloqué. Ils changeaient d’ailleurs très vite, voilà pourquoi nous avons tourné dans la chronologie. Nous voulions tirer parti de leur évolution physique, mais aussi de leur évolution mentale. Pour eux, ils perdaient régulièrement leurs amis. On a commencé par passer quinze jours dans l’île avec eux, et ils se sont liés d’amitié. Petit à petit, ceux dont le personnage mourrait quittaient l’île, donc leurs amis. Régulièrement, on avait donc une séance d’adieux, comme à la colo. Jusqu’à ce qu’il n’en reste que deux. On ne peut pas beaucoup diriger des adolescents, il faut plutôt les installer dans un contexte. C’est pour ça que le film est assez libre dans sa seconde partie, ce qui peut être considéré comme un défaut. D’un film d’horreur, je me retrouvais à vouloir filmer une sorte de Balade sauvage romantique avec ces deux ados. L’équipe aussi se réduisait, car on avait besoin de moins de gens derrière la caméra.

Propos recueillis par Alexandre PONCET (Merci à Blanche-Aurore DUAULT) 




ALONE 
DE THIERRY POIRAUD
Zone B. Condor Entertainment.

Impossible de reprocher à Thierry Poiraud une ligne de carrière incohérente. Après avoir filmé une invasion extraterrestre chaotique dans le très plaisant Atomik Circus – le retour de James Bataille, réalisé avec son frère Didier, il suivait l’an dernier une pandémie zombiesque dans le second tome de Goal of the Dead, variablement apprécié dans nos pages. D’épidémie meurtrière, il en est également question dans Alone, mais celle-ci amène pour la première fois le cinéaste à assumer un premier degré rafraichissant, et à s’investir plus qu’à l’accoutumée dans des personnages complexes. Inversant la mécanique des Révoltés de l’an 2000 (qu’il n’a pas vu, cf. interview), Poiraud fait de tous les adultes des machines à tuer dégénérées, et des jeunes enfants des guerriers survivalistes sans merci. Entre ces deux factions erre un groupe d’adolescents livrés à eux-mêmes, plus vraiment des gosses, pas encore tout à fait grands. Cet entre-deux-mondes est ici exploré avec nuance, justesse et pudeur. La menace permanente de la maturité (un paradoxe en soi) élève à ce titre le projet au-delà du film d’exploitation lambda, sans que Poiraud ne prenne pour autant le genre horrifique de haut. Sous haute influence carpenterienne dans ses meilleurs moments (le premier acte évoque The Ward, l’île où se situe l’action semble tirée de Fog, l’image des enfants surarmés renvoie à Los Angeles 2013, etc.), Alone est une vraie bonne surprise, très justement récompensée par le Grand Prix du Public lors de la dernière édition du PIFFF.

Alexandre PONCET


Mais qui es-tu Luigi ?
FOOTPRINTS + THE POSSESSED

Zone B (Import Allemagne). Koch Media.

Réalisateur méconnu mais passionnant, Luigi Bazzoni est à l’honneur ce mois-ci avec la parution d’un digipack regroupant deux oeuvres totalement imprégnées du savoir-faire et du tempérament de leur défunt géniteur.
Sans être aussi populaire qu’un Dario Argento, un Lucio Fulci ou même un Sergio Martino, Luigi Bazzoni s’est forgé de son vivant une petite réputation auprès des cinéphiles grâce à une série de films hétéroclites, mais partageant un goût prononcé pour la symétrie et l’urbanisme. Tourné quatre ans après le très réussi Journée noire pour un bélier, Footprints (Le Orme dans son pays d’origine) ne déroge pas à la règle avec sa mise en scène pleine de décors rectilignes, de plans fixes et de contre-jours agressifs évoquant le travail d’un autre grand formaliste des seventies, Rainer Werner Fassbinder. Un style parfaitement adapté à une histoire fantasmagorique où se mêlent thriller, horreur et science-fiction. Préfigurant quelques « mindfucks » comme Bug ou Enemy, l’OVNI de Bazzoni se savoure ainsi pour ses multiples expérimentions qui permettent au réalisateur transalpin d’adopter le point de vue distordu d’une héroïne (Florinda Bolkan) hantée par un rêve cryptique situé sur la Lune. À condition de ne pas s’attendre à un déluge de sexe et de violence, l’ensemble s’avère assez fascinant en dépit d’un petit coup de mou lors du deuxième acte. Saturée et précise, la copie offerte par ce coffret supplante celle du DVD de Shameless, sans toutefois atteindre des sommets, la faute à quelques manipulations numériques privant les images du génial chef-opérateur Vittorio Storaro de la texture chimique des meilleures remasterisations du type Les Frissons de l’angoisse. Si les suppléments restent malheureusement réservés aux germanophiles, la présence d’un film « bonus » est un sacré plus puisqu’il s’agit de The Possessed (alias La Donna del lago), premier long d’un Luigi Bazzoni débutant. Tourné dans un magnifique noir & blanc, ce proto-giallo suivant les errances d’un romancier perdu dans une bourgade hantée par le meurtre d’une jeune femme mérite d’être (re)découvert, ne serait-ce que pour son onirisme envoûtant dont certaines idées seront reprises dans Footprints. Le transfert 1080p de cette rareté se montre extrêmement solide, même si l’on peut regretter l’absence de piste italienne dans la section audio, celle-ci ne proposant que des doublages anglais et allemands.

Jean-Baptiste HERMENT

 

Tranche(s) de monstres
LA REVANCHE DE LA CRÉATURE + LA CRÉATURE EST PARMI NOUS + LE MONSTRE DE LONDRES + SHE-WOLF OF LONDON

Zone 2 et Zone B. Elephant films. 

Après plusieurs DRACULA et FRANKENSTEIN, l’éditeur Éléphant Films puise à nouveau dans les réserves de la Universal pour achalander sa collection « Cinéma Monster Club »…
Malheureusement, La Revanche de la Créature ne s’élève pas au niveau de son modèle, L’Étrange Créature du lac noir. Si Jack Arnold reprend les rênes de la mise en scène, il ne fait preuve d’aucun zèle pour mettre en images un script conventionnel. Capturé par des scientifiques, le Gill Man (c’est ainsi que les Américains l’appellent) quitte son Amazonie pour un parc aquatique où il est exposé au public tout en étant soumis à des expériences. Naturellement, fou de rage, il se délivre de ses chaînes, effraie [...]

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