DVD/Blu-ray/VOD N°294

 

Dans les replis de la chair
ORGASMO NERO
+ SESSO NERO
Zone 2. Bach Films.

Précédé d’autres essais érotico-horrifiques, le premier porno italien était aussi un film gore, et nous vous en révélons en exclusivité mondiale le titre d’exploitation français.

Le maestro Joe d’Amato s’est illustré aussi bien dans la tripaille (voir les gorissimes Anthropophagous et Horrible, déjà édités chez Bach) que dans le porno soft ou hard. Jusque-là, rien de bien étonnant de la part d’un stakhanoviste de la toujours opportuniste série Z italienne. Mais la particularité d’Aristide Massaccesi (le vrai nom du cinéaste), c’est qu’il a souvent mélangé ces deux genres a priori peu conciliables. En témoigne notamment une série de films tournés en République Dominicaine, dont les paysages de rêve offraient à la fois la peau cuivrée des beautés des îles et la possibilité du thème du vaudou. Orgasmo nero (1978 ?) donne ainsi dans l’érotico-exotique alangui au soleil : en froid avec un mari anthropologue qui lui reproche sa stérilité, une femme mûre recueille une petite indigène et s’engage avec elle dans une liaison torride. Mais l’étrange rituel funéraire du début annonce un engrenage fatal, bouclé par une de ces conclusions viscérales qui étaient la marque de fabrique du réalisateur. Sur un autre plan, le film marque un clair changement d’époque, les stars bis Richard Harrison et Susan Scott – rescapés de tant de péplums, westerns et autres thrillers sexy – donnant la réplique à l’énigmatique Lucia Ramirez, actrice locale dont la silhouette gracile ne l’empêchait pas de livrer des prestations très poussées. À cet égard, le DVD recèle une copie très complète, musclée de passages flirtant avec le hard (tournés plus tard ?) qui étaient absents des diffusions télé. Les plus coquins d’entre vous avaient en effet reconnu une bande qui faisait jadis les beaux dimanches soirs de M6 sous le titre Les Plaisirs d’Hélène, et qui a semble-t-il été distribuée en France à l’époque dans la seule région Alsace (!).
Le cas de Sesso nero (aka Exotic Love, 1980) est encore plus embrouillé, car il a souvent été confondu avec un (ou plusieurs) autres(s) film(s) qui, par-delà le brouillard des montages alternatifs et des retitrages multiples (Porno Esotic Love, Les Déchaînements pervers de Manuela, etc.), lui emprunte(nt) certaines séquences. Mais nos recherches ont montré 1/ qu’il existe une affiche-texte française mentionnant : « Strictement interdit aux moins de 18 ans – Exotic Love – Sexy Erotic Love », visible sur le site Encyclociné. Et 2/ que sous ce double titre, l’excellent Alain Minard donne dans La Saison cinématographique un résumé exact de Sesso nero, qui est donc bel et bien sorti dans les salles parisiennes le 6 mai 1981 et dont l’ami Minard dit plus loin : « Ici la sorcellerie s’intègre parfaitement à un scénario remarquable. ». Tout premier hard national à avoir été distribué en Italie, l’oeuvre malmène en effet le désir d’identification du spectateur pornophile, et pas qu’un peu. Le héros s’offre en effet deux semaines de vacances dans une île des Caraïbes où il a vécu naguère… avant de devoir subir une opération de la prostate qui va le rendre impuissant pour toujours, et dont les images médicales hantent ses cauchemars ! Mieux, c’est un connard fini, raciste et sexiste, suscitant des scènes de cul à trois où l’un des personnages est systématiquement humilié, avant que ce dispositif finisse par se retourner contre lui. Car notre homme ne tarde pas à apercevoir le fantôme d’un ancien amour qu’il avait quitté pour faire un mariage d’argent, et qui serait ensuite morte de désespoir. Du coup, chaque apparition du spectre se solde par une séquence hard à l’issue de laquelle le macho est plié en deux par une douleur au zizi de plus en plus intolérable.

Débouchant sur un final aussi inouï que celui d’Anthropophagous (lequel était également écrit et interprété dans un court rôle par le bestial George Eastman /Luigi Montefiori), Sesso nero (traduction : « le sexe noir ») s’impose ainsi comme une véritable descente aux enfers moite et hallucinée, qui trouve un écho troublant dans l’expression égarée des actrices. La belle Annj Goren était en effet une toxico officiant dans le X avec répugnance (ses haut-le-coeur avant d’ingurgiter d’énormes phallus blacks sont restés légendaires), de même qu’on raconte que la petite Ramirez était en fait une prostituée de luxe cornaquée par le directeur du palace dominicain où D’Amato avait posé ses valises. Ce n’est sans doute pas très reluisant pour le cinéaste, mais il n’en demeure pas moins que ce film pourrait bien être son chef-d’oeuvre, tous genres confondus.

Gilles ESPOSITO



PUNISHER DE MARK GOLDBLATT
Zone B. The Ecstasy of Films.

Il y a 28 ans, le PUNISHER de Mark Goldblatt échouait à éveiller la curiosité du public, divisé entre réserve cynique et procès d’intention hâtifs. Revoir le film aujourd’hui est plus qu’une surprise : une authentique révélation.

Le vague souvenir d’une série B sympathique, hérité d’une lointaine consommation en vidéoclub, ne survivra pas à la ressortie en Blu-ray de Punisher. Dès son générique ultra-stylisé, suivi d’un faux journal TV tout droit sorti de RoboCop (sur lequel Goldblatt officiait, un an auparavant, en tant que réalisateur de seconde équipe), le film tente de s’extraire du carcan du cinéma d’exploitation. D’une noirceur impressionnante, et d’une violence exacerbée par un director’s cut impitoyable, Punisher aborde son sujet avec un premier degré déstabilisant. Plutôt que de choisir la facilité, Goldblatt questionne réellement la morale de son antihéros en humanisant progressivement ses adversaires. Ce refus du manichéisme caractérisera, près de trois décennies plus tard, le Caïd de la série Daredevil. Avec le recul, justement, il est incroyable de constater combien les adaptations de comic-books « adultes » ont répété les choix de Goldblatt. Le climax sanglant de Blade dans des couloirs étroits ? Déjà dans Punisher. Le design neutre des costumes de X-Men ? Déjà dans Punisher. Les guerres de gangs de The Dark Knight ? Déjà dans Punisher. Les mano a mano tranchants de Daredevil ? Déjà dans Punisher.
Visionnaire dans le contexte du genre, le long-métrage offre également à contempler le talent de metteur en scène tragiquement mésestimé de Goldblatt. Monteur de génie, l’homme aura visiblement beaucoup appris auprès de James Cameron et Paul Verhoeven. Son art de la mise en place est ici impressionnant (voir le plan-séquence du bar clandestin, démarrant à la troisième personne, passant en vue subjective, avant de retrouver un point de vue extérieur), de même que son sens du découpage ( [...]

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