DVD/Blu-ray/VOD N°289

Mad Max : Fury Road
DE GEORGE MILLER
Zone B/2. Warner.

Comme vous avez sûrement déjà vu les scènes coupées sur Internet, concentrons-nous sur les suppléments du combo Blu-ray/DVD pour voir comment ce classique instantané a réussi à déployer un univers très riche et une énergie cinétique inouïe.

Quand la mise en chantier d’un quatrième Mad Max a été annoncée, beaucoup de fans ont eu la fibre nostalgique titillée à l’idée de retrouver le guerrier de la route, son blouson de cuir et son Interceptor au moteur rugissant. Or, on peut le parier, rares étaient ceux qui s’attendaient vraiment à recevoir la claque assénée par un film s’imposant haut la main comme le meilleur volet de la franchise, et même comme une des oeuvres les plus importantes de ces dernières années. Il serait donc un peu dérisoire d’ergoter sur tel ou tel aspect (comme le déséquilibre induit par l’effacement progressif du personnage de Max au profit de sa rivale Imperator Furiosa) d’une expérience qui reste fulgurante de bout en bout. Car ce qui est absolument terrassant dans Fury Road, c’est l’agencement quasi miraculeux de tous ses éléments, que ce soit au niveau de l’histoire globale (constituée pour l’essentiel d’une longue course-poursuite aller et retour), de la séquence ou du moindre raccord. Ainsi, l’ensemble des images et des sons fusionnent de manière organique dans un unique jaillissement, dont la pulsation est peut-être donnée par tel plan sur un bibelot métallique posé sur un tableau de bord, sorte de métronome battant le tempo d’un incroyable opéra barbare.
L’ACTION ENGENDRE LE DRAME
Du coup, la plupart des suppléments tournent autour de cette question : comment faire surgir des enjeux dramatiques et émotionnels au coeur d’un récit en perpétuel mouvement ? Une réponse est donnée par l’élaboration d’un combat à mains nues impliquant Charlize Theron. À un moment, l’actrice suggère que son personnage donne un coup de boule à son adversaire, symbolisant l’instant où elle reprend l’avantage. Et le coordinateur des cascades de noter que c’est donc l’action qui engendre ici la psychologie, et non l’inverse, comme il est de coutume. Plus généralement, le making of d’une demi-heure insiste sur le côté physique et concret des bagarres et des accidents automobiles. Même si elles ont parfois été intégrées numériquement dans des plans composites, toutes ces prouesses ont d’abord été exécutées « en vrai », y compris dans le cas stupéfiant de ces perches flexibles qui permettent aux méchants de sauter d’un véhicule à l’autre. George Miller explique en effet que les tests avaient révélé que les acrobates auraient eu l’air de marionnettes accrochées à des piquets s’ils n’avaient pas été placés sur des bagnoles lancées à pleine vitesse.
Par ailleurs, le cinéaste fait une intéressante remarque à propos du genre « post-apo » : les films ont coutume de montrer le monde en ruines comme une grande poubelle, alors que selon lui, il est beaucoup plus logique que les survivants aient ramassé tous les rebuts pour les réutiliser. Eh bien, c’est un peu ce qui s’est passé sur le plateau de tournage installé dans le désert namibien, pour profiter de vastes étendues où faire rouler les monstres mécaniques et aussi des nuages de poussière qui sont pour beaucoup dans l’esthétique du film. Au milieu des dunes, les décorateurs ont apporté un immense bric-à-brac d’objets de récup’, dans lequel ils ont pioché pour créer le moindre accessoire. Cela vaut même pour la double guitare/lance-flammes du barde juché sur le camion rempli de haut-parleurs : on constate avec stupeur qu’il s’agit bel et bien d’un véritable instrument, et qu’il peut effectivement cracher du feu ! D’où un univers complètement foisonnant, et dont la richesse de détails permet de distiller les informations au public sans pour autant lever le pied de l’accélérateur.
AVE IMPERATOR !
Miller conclut ainsi en disant que, malgré son côté sombre et dérangeant, il a voulu placer Mad Max : Fury Road dans une atmosphère de liesse, de fête primitive. Il faut sans doute chercher là les sources de l’exaltation saisissant le spectateur, de même que dans l’invention d’une figure féminine inoubliable. En plus de featurettes variées (dont une consacrée aux différentes identités visuelles des nombreux bolides), un module est en effet consacré aux relations entre Max et Imperator Furiosa. La belle Charlize Theron s’y déclare reconnaissante au cinéaste de lui avoir offert un rôle d’héroïne, ou plutôt d’anti-héroïne, à la mesure de celui que Mel Gibson avait créé voici 35 ans. Des mots à écouter attentivement à l’heure où des rumeurs insistantes parlent d’un éventuel spin-off centré sur son personnage, que laissait d’ailleurs présager les ultimes images de ce mirifique opus IV : Max-le-solitaire s’éloignant dans la foule, tandis qu’on commençait à se demander si Furiosa n’allait pas instaurer une nouvelle dictature, peut-être à peine moins féroce que celle d’Immortan Joe. Oups, voilà un sacré spoiler… mais bon, vous l’avez tous déjà vu, et vous allez maintenant le revoir en boucle, non ?

Gilles ESPOSITO




Tempus Fugit
(COFFRET NICOLAS ROEG : NE VOUS RETOURNEZ PAS + L’HOMME QUI VENAIT D’AILLEURS + ENQUETE SUR UNE PASSION)
Zone 2. Potemkine (Ne vous retournez pas et Enquête sur une passion disponibles en Blu-ray).

L’éditeur Potemkine sort un très beau coffret regroupant trois des oeuvres où le style narratif unique de leur réalisateur, l’Anglais Nicolas Roeg, est porté à son paroxysme. 

Si Nicolas Roeg a fait ses armes en tant qu’opérateur caméra et directeur photo d’exception (il a oeuvré pour David Lean, Sidney J. Furie, John Schlesinger, François Truffaut…), rien n’annonçait la nature purement révolutionnaire de son approche de la narration et du montage. Une nature qui éclate brutalement à la face du monde avec le radical Performance en 1970, coréalisé avec Donald Cammell. Après le magnifique La Randonnée (1971), film d’aventure sensoriel et symbolique situé dans l’Outback, il atteint avec le fameux Ne vous retournez pas (1973) une fulgurante maturité de style. Mais attention, cette maturité n’a rien à voir avec un quelconque âge de raison, mais plutôt avec une totale maîtrise de son art. Tiré d’une nouvelle de Daphné Du Maurier, Ne vous retournez pas raconte comment un couple en deuil de sa petite fille croit retrouver la trace de cette dernière en plein Venise. Sur une pure trame de film d’horreur (certaines figures stylistiques du giallo transparaissent ici), Roeg déploie une mise en scène qui joue avec la temporalité non pas de la narration, mais des sentiments/sensations, préférant aux dialogues les associations d’idées visuelles et sonores. Le montage tient ici du miracle en ce qu’il décuple la portée des images et aboutit à cette idée puissante : seule la non-linéarité du temps permet de déceler la vérité des personnages (à ce titre, la magnifique séquence de sexe post-coïtale est l’une des plus belles scènes d’amour de l’Histoire du cinéma). En 1980, Roeg poussera cette idée dans ses derniers retranchements avec Enquête sur une passion (un homme veille au chevet de son ex petite amie, qui a tenté de se suicider, mais l’entêtement d’un policier révèlera la vraie nature de leur relation) : avant même que le scénario ne livre ses secrets, les cuts abrupts entre deux temporalités donnent au spectateur toutes les clés pour comprendre le pourquoi du comment. Du chaos nait ainsi la vraie nature des choses. Enquête sur une passion sera peut-être le dernier film authentiquement « roegien » du cinéaste, qui aura de plus en plus de mal à imposer sa vision au sein d’une industrie frileuse. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir influencé toute une génération de cinéastes, parmi lesquels Jonathan Glazer, dont le récent Under the Skin doit beaucoup à L’Homme qui venait d’ailleurs, que Roeg réalise en 1976. Histoire d’un extraterrestre (fascinant David Bowie) venu sur Terre pour tenter de trouver de quoi faire revivre sa planète mourante, sur laquelle il a abandonné femme et enfants, le film adopte un point de vue radical : les humains sont des sauvages et le pire qui peut arriver à l’extraterrestre serait de devenir l’un d’entre eux. Roeg a beau ne pas être tout à fait à l’aise avec l’imagerie SF, cette fable pop, hystérique, ironique et angoissante est souvent visionnaire par sa vision du monde (on y prédit la dématérialisation de la musique et l’émergence des gourous de la nouvelle technologie) et établit là encore de vertigineux parallèles en faisant fi de l’espace et du temps. Bref, trois films fascinants, essentiels, dotés de bonus pertinents et d’images vibrantes et naturelles.

Laurent DUROCHE




Eating Raoul
DE PAUL BARTEL
Zone 2. Rimini.

Il était temps que cette comédie culte issue du mouvement indé américain des années 80 atterrisse chez nous en vidéo. Même si c’est dans une édition encore plus nue qu’un DSK en goguette dans une boîte échangiste ! 

En France, on connait surtout Paul Bartel pour le téléfilm Tu es mon fils de Didier Le Pêcheur. Nominé au César du Meilleur Espoir Masculin en 2014, il… hein ? Ah, l’autre Paul Bartel ! Je me disais bien aussi, ça faisait bizarre dans Mad… On recommence. En France, on connait surtout Paul Bartel pour La Course à la mort de l’an 2000, réjouissant jeu de massacre motorisé produit par Roger Corman en 1975 (sorti naguère avec votre mag préféré), et le culto-couillon Cannonball, autre délire automobile. Eating Raoul est pourtant bien plus symptomatique du travail de Bartel, homosexuel qui préféra s’épanouir dans le milieu du cinéma indépendant, plus libre et tolérant, plutôt que de courir après les sirènes hollywoodiennes. Il faut dire que son amour des freaks et sa détestation de la terne normalité le prédisposaient plus aux budgets riquiquis et aux sujets brindezingues, comme le laissait déjà entendre son premier long, la comédie horrifique Private Parts.
Dans Eating Raoul, Paul (Bartel himself), vendeur de vin, et Mary (Mary Woronov, ancienne pensionnaire de la Factory de Warhol), diététicienne dans un hôpital, rêvent d’amasser assez d’argent pour ouvrir leur propre restaurant. Pour ce faire, ils ont l’idée d’attirer chez eux, au moyen d’une petite annonce, la racaille échangiste et lubrique qui hante Los Angeles (le film se déroule au milieu des 70’s, en pleine libération sexuelle), afin de les tuer puis de les détrousser…
Bien plus comédie de moeurs que comédie horrifique, Eating Raoul se délecte à procéder par inversion des valeurs pour mieux distiller son propos. Si Bartel raconte l’histoire du côté de son couple de parvenus coincés du cul, c&rsq [...]

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