DVD/Blu-ray/VOD N°288

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Le Venin de la peur
DE LUCIO FULCI
Zone B/2. Le Chat Qui Fume/StudioCanal.

Un beau transfert HD et des commentaires approfondis vous font découvrir les vies cachées de Carol Hammond, l’héroïne d’un des meilleurs giallos de l’auteur de LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME. 

Le Chat qui fume, StudioCanal et le précieux site luciofulci.fr ont uni leurs forces pour offrir une édition en béton à cette oeuvre-clé datant de 1971 : montage « intégral » recensant les menues différences entre les versions italienne, française et anglaise (seule une brève scène alternative de la copie transalpine est reléguée en bonus), combo Blu-ray/DVD avec la sublime bande originale d’Ennio Morricone sur un CD à part, et même le transfert complet d’une antique VHS en VF. Un gadget nostalgique, oui, mais pas dénué d’importance historique, car bien qu’il fasse aujourd’hui autorité, le titre Le Venin de la peur a en fait été inventé pour la cassette jadis éditée par Hollywood Vidéo. Auparavant, le film avait connu une sortie tardive à Paris sous l’identité passe-partout de Carole, après avoir semble-t-il hanté les circuits sexy de province sous l’appellation très poétique de Les Salopes vont en enfer (sic).

RENVOYÉS DOS À DOS
Il faut dire que cette nature fluctuante était déjà présente dans la structure du scénario, qui a l’air de passer en revue toutes les catégories du giallo sans s’inscrire vraiment dans aucune. De prime abord, on pense à ces thrillers à machination où des personnages s’appliquent à faire basculer une femme esseulée dans la folie pour faire main basse sur sa fortune. L’histoire s’intéresse en effet à une bourgeoise qui s’emmerde à cent balles de l’heure, assaillie par des cauchemars sado-érotiques où elle poignarde sa voisine partouzeuse. Et justement, cette dernière est assassinée dans des circonstances en tout point semblables aux rêves de l’héroïne collet monté…
Sauf qu’Una lucertola con la pelle di donna (titre original, qui veut dire « un lézard à la peau de femme ») va faire un sort aux conventions du récit policier, où l’introduction d’un coupable trop évident laisse penser qu’un autre a fait le coup. Car ici, quasiment TOUS les protagonistes sont des coupables trop évidents, et après avoir épuisé chaque possibilité, le film va ainsi pouvoir s’élancer dans quelque chose d’autre. Un « quelque chose d’autre » donnant beaucoup de grain à moudre aux intervenants de la partie bonus, au fil d’analyses complémentaires et parfois un peu contradictoires.
Pour commencer, les souvenirs des acteurs Anita Strindberg et Jean Sorel décrivent Lucio Fulci comme un homme très intelligent et cultivé, contredisant radicalement l’image primitive et brutale souvent accolée au cinéaste. De fait, Lionel Grenier remarque de savantes références au peintre Francis Bacon (sa fameuse série des Papes, dont on retrouve les étranges cubes aux arêtes dorées dans l’armature du lit de Carol) ou encore aux séquences de rêve conçues par Salvador Dali pour La Maison du docteur Edwardes de Hitchcock. De son côté, l’ami Olivier Père s’attaque à la prétendue misogynie de Fulci, qu’il élargit plutôt à une complète misanthropie le poussant par exemple à renvoyer dos à dos l’élite anglaise et les hippies du Swinging London, ici montrés comme tout aussi hypocrites, lâches et avides les uns que les autres. Ce qui distingue d’ailleurs nettement Le Venin de la peur des giallos contemporains de Dario Argento, qui prenaient au contraire le parti de la jeunesse en montrant des amateurs chevelus se substituer à une police incompétente. Quant à Jean-François Rauger, il note avec délectation le rôle ambigu que joue la psychanalyse dans le film. Comme ce dernier arrive à un moment où la doxa freudienne s’est imposée partout, les protagonistes ont forcément ce savoir et ils peuvent donc en jouer pour travestir la vérité. Et cela confère un statut très particulier aux images de cauchemar, dont on ne sait plus si elles sont vraiment issues de l’inconscient de l’héroïne.

SYMBOLIQUE ET PICTURAL
Le programmateur de la Cinémathèque salue aussi, et avec raison, l’interprétation de Jean Sorel, un comédien qu’on a souvent qualifié à tort de trop mou et lisse, mais qui a incarné idéalement un type de mari un peu veule et sans cesse ballotté par les événements. Christophe Gans, lui, privilégie plutôt le personnage du père de Carol (joué par le grand Leo Genn), dont l’attitude trop protectrice est au coeur d’une thématique « psychosexuelle » qui constitue selon lui le noyau dur du genre giallo. Au cours d’un témoignage où il évoque de façon émouvante ses quelques rencontres avec Fulci, il estime ainsi que les passages les plus sanglants (tel l’épisode impromptu de la vivisection des chiens, première scène véritablement gore du cinéaste) sont tout sauf absurdes ou gratuits, participant au contraire d’un ordre symbolique qui sert à brosser un portrait psychique de l’héroïne. Et le réalisateur de Silent Hill de repérer dans un détail satirique (la hippie lançant sur une toile des couteaux trempés dans la peinture) une clé expliquant l’évolution ultérieure de Fulci. Chez celui-ci, le gore a toujours été pictural, comme le confirmera dix ans plus tard sa fabuleuse trilogie avec Catriona MacColl (Frayeurs, L’Au-delà, La Maison près du cimetière) où les zombies s’éloignent des cadavres ambulants de la science-fiction pour devenir des entités issues de dimensions parallèles. Bref, voilà un film charnière dans la carrière de son auteur, en même temps qu’une oeuvre unique que vous pouvez maintenant décrypter à votre tour.

Gilles ESPOSITO



INVASION LOS ANGELES
DE JOHN CARPENTER
Zone B. StudioCanal.

La satire sci-fi — et pas si anti-capitaliste que le veut la légende — de John Carpenter déboule en HD pourbotter des fesses et mâcher du bubble-gum. Manque de bol, y a plus de bubble-gum ! 

S’il y a un film qui a durablement entretenu le mythe « Carpenter = gaucho », c’est bien Invasion Los Angeles (They Live en VO). Produit très rapidement après Prince des ténèbres, c’est à nouveau un little budget pour Big John après l’échec des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin. Pourtant, l’humeur pessimiste du film n’a pas tant à voir avec les démêlés du cinéaste avec l’industrie (même si on pourrait aisément tracer un parallèle entre Nada en lutte contre les nantis et Carpenter versus les exécutifs des studios) qu’avec le reaganisme rampant qui contamine toutes les strates de l’Amérique d’alors. Avec son héros découvrant comment une race alien manipule l’Humanité en l’enjoignant à consommer plus pour penser moins, le réalisateur de The Thing semblait livrer le parfait pamphlet anti-capitalisme. Sauf que John Nada le dit dès le début du film : « Je suis un travailleur, je suis sûr que mon tour viendra. Je crois en l’Amérique. Je joue le jeu. ». La colère de Carpenter n’est donc pas tant focalisée sur l’aspect économique que sur le plan humain : la réussite oui, mais en restant décent et respectueux. Un discours plus subtil qu’il n’y paraît, et qui confère une épaisseur supplémentaire au héros, l’un des plus touchants de la filmo du cinéaste (en grande partie grâce à la candeur du catcheur Roddy Piper, malheureusement décédé le 30 juillet dernier). Mais qui pourtant évolue dans ce qui est, il faut bien le dire, l’une de ses oeuvres les plus faibles en matière de rigueur scénaristique et visuelle. Bardé de raccourcis, boiteux dans sa progression dramatique, peu inventif en matière d’action, Invasion Los Angeles aurait eu besoin d’un planning et d’une enveloppe bien plus généreux pour s’épanouir pleinement. En l’état, le long-métrage procure toujours un immense plaisir grâce au savoir-faire de Carpenter, à un humour badass et désillusionné ainsi qu’à une poignée de séquences cultes et culottées (la découverte des aliens par Nada, la génialement interminable baston…), mais on est tout de même assez loin des plus grands faits d’armes du réalisateur. Mais oh, merde, on parle tout de même d’un film de tonton Carpy, là ! Donc achat indispensable en Blu-ray, même si là encore, la perfection n’est pas au rendez-vous. Si le master donne au film une seconde jeunesse, il n’est pas dénué de menus défauts (points blancs, lissage parfois trop présent…). Les bonus sont quant à eux issus du BR ricain édité par Shout ! Factory, avec notamment le fameux commentaire audio très « cool Raoul » de Carpenter et Piper, un making of d’époque promo mais sympatoche et une chouette interview de Keith David (Frank). Dommage que le documentaire sur le cinéaste naguère visible sur le DVD français du film manque ici à l’appel.

Laurent DUROCHE



DESTINATION PLANÈTE HYDRA + DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN

Zone 2. Artus. 

Artus nous régale avec des deux productions européennes où les extraterrestres sont accommodés à des sauces pour le moins inattendues. 

Après les excellents La Planète des vampire [...]

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