DVD/Blu-ray/VOD N°287
X-Men : Days of Future Past The Rogue cut
DE BRYAN SINGER
Zone B. FPE.
Si l’on connaissait déjà l’admiration de Bryan Singer à l’égard de Peter Jackson, celle-ci devient encore plus évidente à la vision de la version longue de DAYS OF FUTURE PAST. Comparable dans ses choix éditoriaux aux extended cut du SEIGNEUR DES ANNEAUX, ce nouveau montage révèle un film bien différent, plus complet, complexe et abouti.
Alors qu’on attendait une extension de la séquence prégénérique, sous haute influence des deux Terminator de James Cameron, la première modification intervient en fait quelques minutes plus tard, lors d’un dialogue tendu entre les mutants dirigés par Bishop (Omar Sy) et le groupe du Professeur X. Redéfinissant d’emblée les enjeux dramatiques du film, chacun étant désormais bien conscient de sa propre mort en cas de mission réussie, la scène éclaire le voyage de Wolverine sous un tout nouvel angle, et pèse hors-champ sur le reste du récit. Ce souci de fluidité accru est une constante du Rogue Cut. Lorsque Logan récupère la voiture de ses agresseurs après son réveil en 1973, un talk-show radiophonique annonce désormais la fin de la Guerre du Vietnam, rendant la transition vers le Pentagone infiniment plus souple. De nombreux ajouts quasi subliminaux participent à donner à l’ensemble une cohésion accrue, tout en développant la mythologie de la série. La soeur jumelle de Quicksilver est désormais évoquée, et un échange entre Beast et Wolverine scelle leur future amitié.
PARENTAL ADVISORY
Singer, son monteur John Ottman et le scénariste Simon Kinberg en profitent également pour ancrer le long-métrage dans une réalité plus crue, éloignant encore un peu plus la saga du genre super-héroïque que se disputent actuellement Marvel et DC. Découvrant les événements de Paris sur son écran de télévision, Nixon lance un « Fuck » décomplexé. S’apprêtant à scanner le public amassé autour de la Maison-Blanche, Charles Xavier est interrompu par un vétéran amputé des deux jambes, désireux de connaître les causes de son handicap (sa réponse sera splendide). Avant de récupérer son fameux casque, Magneto aperçoit dans les archives de l’État-Major américain une pièce nazie qu’il connaît bien, encore tachée du sang de sa Némésis Sebastian Shaw (Kevin Bacon dans X-Men : le commencement). Percutant. Développant ses protagonistes et leurs interactions au-delà des espérances, la version longue permet également de gommer de nombreux raccourcis narratifs du montage salle. Comme son nom l’indique, le Rogue Cut ressuscite déjà le personnage de Malicia, obligé au début de l’acte final de prendre le relai d’une Kitty Pryde mourante. Montée en parallèle avec l’arrivée du jeune Erik Lensherr au Pentagone, une longue et généreuse scène d’action montre Iceman et Magneto porter secours au personnage d’Anna Paquin, concluant de façon cruelle une intrigue amoureuse entamée dans le tout premier opus. La love story contrariée du film de Matthew Vaughn trouve elle aussi un écho, via un corps-à-corps bestial entre Nicholas Hoult et Jennifer Lawrence. Sans doute l’une des séquences les plus inattendues et les plus enthousiasmantes de ce nouveau montage.
CHACUN SON CAMP
Intelligemment, le Rogue Cut laisse de côté la plupart des scènes coupées présentes en suppléments du précédent disque. Le climax, par exemple, n’a pas été retouché outre mesure, afin de ne pas briser l’équilibre exemplaire de la version cinéma. Les bonus sont d’ailleurs ici flambant neufs, culminant en une passionnante conversation d’une demi-heure entre Singer, Kinberg et la majorité du casting. Proposant les deux montages en Seamless Branching, à l’instar du collector trois disques d’Avatar, cette nouvelle édition Blu-ray laisse finalement au spectateur la possibilité de faire son propre choix. Le nouveau commentaire audio de Singer et Ottman ironise d’ailleurs sur leur propre maladresse lors du tournage de certaines séquences, en particulier une première version avortée du retour de Mystique dans le manoir de Xavier. Si leur expérience en coulisse leur permet un certain recul et une autocritique bienvenue, la version longue ne s’impose pas moins de l’extérieur comme un modèle d’écriture et de focalisation, doublé d’un spectacle à la fois incroyablement ambitieux et doté d’une esthétique en marge des standards hollywoodiens actuels. À l’heure où Terminator Genisys se fond bêtement dans le moule d’une production Marvel, le Rogue Cut de Days of Future Past évoque les blockbusters que Cameron, Jackson et Spielberg nous concoctaient dans les années 1990 et 2000.
Alexandre PONCET
Everly
DE JOE LYNCH
VOD. TF1.
Les distributeurs français continuent d’appuyer le concept d’eCinéma, autrement dit de direct-to-VOD, comme le montre la disponibilité dans ce format d’EVERLY, où Salma Hayek se fritte méchamment avec la mafia nipponne.
Joe Lynch ? Ah oui, le gars qui s’était fait remarquer avec un Détour mortel 2 aussi joyeusement bis que diantrement foutraque, puis qui avait foiré dans les grandes largeurs un concept réjouissant avec le très décevant Knights of Badassdom. Un réal’ foncièrement sympathique dans ses intentions, mais souvent à la limite de l’amateurisme dans son exécution. Eh bien, le bonhomme a fait du chemin à la vision d’Everly. La chose commence pourtant très mal : ladite Everly (Salma Hayek), réduite à l’état d’esclave sexuel par un yakuza sadique, se rebiffe contre ses « employeurs » et, grâce à la complicité d’un flic, se met à dessouder tous les mafieux du lupanar où elle est confinée. Elle doit ensuite éliminer ses « collègues », prostituées braillardes à qui il a été promis une récompense contre la mort de la renégate. Tout ça durant le premier quart-d’heure, dans la même unité de lieu et de temps. Ça gueule et ça shoote sans préavis, sans aucune espèce d’exposition ni souci de réalisme (comment une simple péripaté… périta… pute peut trucider autant de monde sans expérience ou entraînement ?), le tout avec des airs de bisserie hystérique. Pourtant, le charme opère peu à peu dès lors que le film dévoile ses particularismes. Au-delà de son ouverture bordélique, Everly se révèle être un huis clos d’action confrontant une mère désespérée à des ennemis de plus en plus barges, et dont l’apparente légèreté de ton se teinte rapidement d’une amertume que parvient à véhiculer Salma Hayek malgré un jeu parfois limité et les incohérences inhérentes à son personnage (totalement opérationnel avec un pruneau dans le buffet !). Le long-métrage déploie ainsi des charmes de plus en plus plaisants, entre une mise en scène inventive et maîtrisée (Joe Lynch ne nous avait pas habitués à autant de rigueur), une galerie de protagonistes assez jouissive et des situations de plus en plus what-the-fuckesques, comme ce duo de super-sados-masos accompagné d’énigmatiques ronins faisant de l’oeil aux méchants des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (et donc de Baby Cart). Voilà qui confère à Everly une touche d’exotisme barré plutôt détonante, à défaut d’être foncièrement originale puisqu’on reste dans le domaine de l’hommage tarantinien en diable, surtout lorsque la relation entre l’héroïne (assez peu habillée, ce qui est un plus quand il s’agit de madame Hayek) et son « propriétaire » se mue en histoire d’amour contrariée à la Kill Bill. Joe Lynch a donc toujours autant de mal à trouver sa propre voie/voix, mais il fait preuve ici d’assez de dextérité et de versatilité tonale pour faire de son petit dernier une chouette péloche du samedi soir.
Laurent DUROCHE
Mad-anomalies
JUPITER : LE DESTIN DE L’UNIVERS + KINGSMAN : SERVICES SECRETS
Zone B. Warner et FPE.
L’un a remporté un franc succès public, l’autre s’est violemment crashé dès son premier weekend. S’ils n’ont pas connu la même carrière en salles, KINGSMAN : SERVICES SECRETS et JUPITER : LE DESTIN DE L’UNIVERS partagent un même goût du risque.
Dans Kingsman et Jupiter, des citoyens ordinaires sont projetés malgré eux dans des univers extraordinaires, en raison d’un héritage longtemps caché et lourd de responsabilités. Si les Wachowski, tout juste sortis de l’orgie thématique et stylistique de Cloud Atlas, voient dans ce synopsis une occasion de mêler space opera et conte de fées à l’ancienne (l’héroïne, quoiqu’on en dise, est réduite ici à une princesse naïve sauvée encore et encore par son ténébreux prince charmant), Matthew Vaughn replonge pour sa part dans un cinéma d’espionnage disparu, peuplé de méchants caractérisés à l’extrême, ponctué par des trahisons et des retournements de situation improbables, et bondé de gadgets tous plus invraisemblables les uns que les autres. Dans les deux cas, la lutte des classes est au coeur de l’affaire, chacun des deux films renversant subtilement les valeurs attendues. Dans Kingsman, une racaille de banlieue devient un gentleman exemplaire, sans que l’argent n’entre jamais en ligne de compte. Dans Jupiter, l’héroïne permet à son bellâtre de s’élever socialement et non l’inverse, et choisit finalement de vivre comme le commun des mortels, afin de se souvenir des responsabilités de son rang.
Kingsman et Jupiter ne cessent ainsi de se télescoper, de se répondre et de se contredire sur des thématiques similaires. Assumant une direction artistique totalement à l’encontre des canons actuels du blockbuster (le premier vénère les sixties, le second emprunte à Star Trek et Flash Gordon), les deux longs-métrages se différencient néanmoins par leur tonalité fondamentale. D’un côté, les Wachowski nagent dans une naïveté mal dissimulée sous des dialogues alambiqués, et laissent ainsi passer des incohérences et des rebondissements que l’on pourrait qualifier de stupides. À l’opposé, Vaughn laisse éclater son cynisme avec une jubilation communicative, en particulier lors d’une scène de massacre en plan-séquence dans une église du Kentucky destinée à entrer dans la légende. Partageant la rage contestataire du John Carpenter de Los Angeles 2013, le réalisateur de Kick-Ass livre un spectacle anarchiste que la Fox, ici simple distributeur, essaiera d’émasculer en postproduction. En vain. Warner, en revanche, aurait sans doute préféré que la charge politique finalement inoffensive de Jupiter nourrisse une intrigue un peu plus inspirée. Piégé dès sa première demi-heure dans une unique situation répétée à l’infini, le film ne décolle en effet que lors d’une poursuite rocambolesque dans le ciel de Chicago, disséquée comme il se doit dans les bonus du Blu-ray. Bonus qui, plutôt que de revenir sur le report de sortie soudain en juillet 2014, s’efforcent de convaincre le spectateur du génie révolutionnaire des Wachowski, allant jusqu’à comparer l’impact du long-métrage à celui du premier Star Wars. Plus humble, le making of d’une heure trente de Kingsman est également beaucoup plus pointilleux et technique, notamment lorsqu’il s’agit de révéler les secrets du faux plan-séquence de l’église…
Alexandre PONCET
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