DVD/Blu-ray/VOD N°285
Le fouet et la plume
FLEUR SECRÈTE + LA MAISON DES PERVERSITÉS
Zone 2. Luminor/Zootrope.
Au sein d’une collec’ érotique et mirifique, deux inédits de pointe nous replongent dans l’univers des romanciers japonais les plus délicieusement tordus.
Pas de panique : ce sont bien des « romans porno » produits par la Nikkatsu que vous trouverez dans cette nouvelle collection, rebaptisée « romans érotiques » pour éviter tout quiproquo au sujet de ces bandes tout à fait soft. Voilà donc l’occasion de (re)découvrir des films incroyables pour lesquels la major japonaise, en déroute à l’orée des années 70, a décidé de laisser une grande liberté aux cinéastes, tant qu’ils s’accommodaient de durées réduites (1h10 en moyenne), de budgets serrés et de la nécessité de caser de la fesse à chaque bobine. Au programme, des éditions simples de classiques déjà édités en double DVD par Zootrope, et signés par les spécialistes Noboru Tanaka (La Véritable histoire d’Abe Sada, Bondage), Masaru Konuma (La Vie secrète de madame Yoshino, Une femme à sacrifier) et Tatsumi Kumashiro (Sayuri strip-teaseuse, La Femme aux cheveux rouges). Et aussi deux titres naguère sortis dans nos salles mais demeurés inédits en vidéo, et adaptés de deux célèbres écrivains nippons. Aux racines d’une franchise qui se poursuit encore aujourd’hui, Fleur secrète (aka Flower and Snake aka Vices et supplices, 1974) est ainsi tiré d’un roman de l’auteur SM Oniroku Dan. D’où une intrigue folle voyant un patron, marié à une dame prude et distinguée, livrer cette dernière à un de ses employés, qu’il charge de la dresser à la dépravation ! Surprise : Konuma, réputé pour des oeuvres très dures, traite celle-ci sur un ton coloré et presque enjoué. Mais c’est seulement une apparence, la violence inouïe des rapports familiaux et sociaux déclenchant un engrenage infernal où, comme souvent, c’est paradoxalement la femme saucissonnée par les cordelettes qui tire en fait les ficelles… Autre ambiance avec La Maison des perversités de Tanaka (1976), puisque l’écrivain adapté est ici Edogawa Ranpo, pionnier local du fantastique (son pseudo n’est autre qu’une transcription phonétique d’Edgar Allan Poe). Mélangeant plusieurs nouvelles dont Le Promeneur du grenier (qui donne son titre original au film) et La Chaise humaine, le scénario montre un jeune oisif rampant sous les toits pour espionner les habitants de son immeuble. Il tombe ainsi sur les jeux adultérins d’une femme dont le chauffeur pousse la dévotion jusqu’à se glisser à l’intérieur d’un fauteuil truqué pour contenter sa maîtresse. Et ces deux personnages hors-normes finissent par pactiser pour commettre des meurtres gratuits, sources d’un « bonheur dans le crime » aux accents quasi sadiens. Le résultat est une oeuvre vénéneuse et ouatée, qui nous fait d’autant plus espérer une poursuite de la collection.
Gilles ESPOSITO
Vraiment « super » ?
CAPTAIN AMERICA + DOCTOR STRANGE
Zone 2. Elephant.
Si aujourd’hui, Hollywood s’enrichit grâce aux super-héros Marvel, ceux-ci ont longtemps été relégués au second plan, voire jetés en pâture aux seuls producteurs de télévision.
En 1978, visiblement motivés par le Superman cinéma, la chaîne CBS et la Universal bricolent leur première adaptation du comic-book Captain America de Jack Kirby et Joe Simon, un téléfilm qui réécrit l’Histoire. Loin de ses origines liées à la Seconde Guerre mondiale, Steve Rogers s’y présente d’emblée sous les traits d’un colosse débonnaire (le malabar Reb Brown), ex-marine dont le défunt père, scientifique, crée un stéroïde particulièrement performant. Gravement blessé, il se remet de manière spectaculaire grâce au sérum et, reprenant justement le surnom donné à son patriotique papa, il prend les habits de Captain America, super-héros assez ringard, sous influence du Steve Austin de L’Homme qui valait trois milliards. Sa première mission : empêcher une organisation criminelle de faire sauter une bombe à neutrons et de voler un gigantesque stock d’or ! Un scénario vraiment peu inspiré, poussif et laborieusement illustré par Rod Holcomb. Logique que ce téléfilm soit resté inédit en France. D’où l’absence de doublage dans la langue de Molière. En revanche, sa séquelle connaît dans l’Hexagone un destin autrement plus prestigieux : elle sort carrément dans les salles de cinéma.
Réalisé par Ivan Nagy (un tâcheron qui sombre dans le porno après avoir été mis en cause dans une affaire de prostitution de luxe !), Captain America 2 confronte cette fois son redresseur de torts à Miguel (Christopher Lee), un terroriste international demandant une rançon d’un million de dollars afin de ne pas vaporiser un produit de sa décoction qui accélère le vieillissement. Une suite un peu plus rythmée que son modèle. Deux ou trois cascades font même illusion, de même que la fonction deltaplane, très 007, de la moto high-tech du justicier.
Produit quelques mois avant les Captain America, Doctor Strange compte également parmi les curiosités vintage de Marvel. Si Stan Lee, créateur du personnage avec le dessinateur Steve Ditko, se dit « satisfait » du résultat, le personnage subit un adoucissement radical lors de l’écriture du scénario. Le neurochirurgien cupide, cynique, dépravé et handicapé de la bédé s’efface ainsi au profit d’un médecin coureur de jupons et aimablement égoïste. Stephen Strange, donc, est choisi par un sorcier de 500 ans (John Mills) comme successeur dans son combat contre les forces des ténèbres, dont la maléfique Morgan LeFay (Jessica Walter)… Piloté par Philip DeGuere Jr, futur créateur de séries comme Simon et Simon et JAG, ce Doctor Strange édulcoré tranche avec le comic-book, ses personnages sombres, son mysticisme oriental… Reste une tentative bizarroïde, nettement plus proche du thriller occulte que de l’envol d’un nouveau super-héros. Totalement inédit en France (et par conséquent jamais doublé), le téléfilm nous arrive par le biais d’un DVD à l’image médiocre. Il faut dire que le négatif original a brûlé lors de l’incendie d’une partie des studios Universal en juin 2008.
Marc TOULLEC
The Fan
DE ECKHART SCHMIDT
Zone All. Mondo Macabro.
Portrait fiévreux d’une adolescente obsédée par un séduisant chanteur à la mode, THE FAN fait partie de ces oeuvres obscures souvent maltraitées en vidéo. Une erreur réparée par l’arrivée de ce Blu-ray qui propose pour la première fois ce film hypnotique dans son format cinéma et en version originale allemande sous-titrée anglais.
Veste en jean à épaulettes, nuques longues, walkman aussi gros qu’une brique, musique new wave… The Fan (Der Fan en VO) suinte les années 80. Chaque élément de ce film écrit et réalisé par le documentariste Eckhart Schmidt trahit en effet l’époque de sa conception, ce qui pourrait refroidir les spectateurs réfractaires au style kitsch de cette décennie inimitable. Il serait pourtant dommage de se laisser rebuter par cet aspect un brin daté, car l’ensemble regorge de qualités qui en font une histoire à la force intemporelle. Plus sensitif que cérébral, The Fan n’a rien d’une thèse scolaire explorant les causes et conséquences de la démence, son auteur cherchant ouvertement à adopter le point de vue totalement déconnecté de sa jeune protagoniste, sorte de cousine germanique dérangée de la Vic de La Boum. À la manière d’Andrzej Zulawski (Possession), Schimdt instaure patiemment un profond malaise au [...]
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