DVD/Blu-ray/VOD N°282
The Signal
de William Eubank
Zone B. Wild Side.
Depuis quelques années, la production fantastique hollywoodienne se divise à quelques exceptions près en deux catégories : les blockbusters au budget pharaonique et les projets indépendants fabriqués avec les moyens du bord. THE SIGNAL prouve que cette seconde famille a encore de quoi nous surprendre.
Avec son enveloppe de moins de dix millions de dollars, The Signal ne pouvait compter que sur la créativité et l’intelligence de son auteur pour assurer la crédibilité d’un pitch très ambitieux. Malin, William Eubank aura pris soin de considérer ses limites dès l’écriture, la structure et le production design volontairement aride s’efforçant de transformer les contraintes du projet en atouts, à la fois esthétiques et narratifs. En cela, The Signal est une vraie leçon de science-fiction à petit budget : le jeu sur le hors champ et les décors minimalistes (un désert, une cabane abandonnée, un bâtiment aux murs blancs) installent une atmosphère mystérieuse et réellement pesante, au lieu de trahir une quelconque pénurie financière. La manière dont Eubank gère sa production value est tout aussi efficace, les quelques morceaux de bravoure reposant chacun sur deux ou trois images fortes, suffisant à elles seules à capturer l’intention et la démesure du moment. Le bref making of proposé en bonus souligne cette débrouillardise, en dévoilant sans voix off les images d’un tournage à la fois dépouillé et mené à la baguette par un réalisateur visiblement sûr de lui. Bien qu’ouvertement influencé par Akira, Dragon Ball Z, Dark City et La Quatrième dimension (voir interview), Eubank parvient enfin à ne pas tomber dans la citation facile, le long-métrage évitant la plupart des écueils du délire de geek lambda. Suscitant l’empathie pour ses personnages grâce à des détails ingénieux (le handicap du héros, notamment, qui aura un impact direct sur la suite du récit), Eubank soigne sa caractérisation et laisse autant de place et de respirations que possible à ses comédiens. Trouvant un joli équilibre entre une écriture très structurée et un style favorable à l’improvisation (les dix minutes de scènes coupées présentes sur le Blu-ray en attestent), le premier acte en forme de road movie est ainsi d’une belle justesse, à peine entamée par une mise en images parfois exagérément clippesque. Si l’on devait reprocher une chose à Eubank, ce serait bien celle-ci : une tendance à produire à tout prix de la belle image, en jouant des très longues focales et des reports de point esthétisés à outrance, quitte à ce que tous ces atours ne s’accordent pas forcément avec les enjeux en cours. Un défaut excusable, dû à l’évidence au passé de directeur de la photographie de l’artiste, et qui ne parasite pas outre mesure une série B franchement attachante.
Alexandre PONCET
INTERVIEW
William Eubank
Réalisateur et coscénariste
Vous avez coécrit The Signal, en plus d’en être le metteur en scène. D’où vous est venu le projet, et quelles étaient vos principales influences ?
Je suis un grand fan de La Quatrième dimension, et de tous ces films où l’on ne peut pas deviner ce qui va se passer dans la scène suivante. J’aime ce type de structure. J’aime également quand le cœur d’un film repose sur quelque chose d’émotionnel, ou quand il parvient à mélanger plusieurs genres. J’ai voulu expérimenter en ce sens avec The Signal.
Le décor que vous avez choisi rappelle effectivement La Quatrième dimension. La manière dont vous jouez avec les frontières du désert est édifiante.
Merci. Je me souviens d’un épisode où des gens sortent d’un train et se retrouvent dans une petite ville où tout a l’air faux, avec une petite fille qui n’arrête pas de rire aux éclats sans raison. C’est un peu l’ambiance que je voulais retrouver.
J’imagine que vous connaissez Dark City d’Alex Proyas…
Bien sûr, j’adore Dark City. C’est un de mes films favoris. Je m’en suis inspiré plus ou moins consciemment, de la même manière que je me suis inspiré de plusieurs animés japonais, comme Dragon Ball Z ou Akira. L’idée qu’il y ait un pouvoir dans chaque individu, qui attend d’être libéré, me fascine.
Les influences japonaises sont particulièrement évidentes lors du climax.
En effet. J’ai grandi à l’époque où l’animation japonaise a commencé à être diffusée aux États-Unis le samedi matin. L’action était tellement plus cool et énergique que dans les dessins animés américains… J’ai toujours adoré ce style, cette faculté à exprimer par le dessin et le mouvement les états d’âme des protagonistes.
Pouvez-vous nous parler de votre background en tant que réalisateur ?
J’ai étudié à UCLA, mais pas dans le domaine du cinéma. J’ai par la suite été engagé chez Panavision, qui construit des caméras, et j’y suis resté huit ans. Le weekend, je tournais mes propres vidéos et films amateurs. J’ai ensuite travaillé comme directeur de la photographie sur quelques petits films. J’ai ainsi trouvé ma patte et je me suis fait connaître dans le milieu du cinéma indépendant. Enfin j’ai réalisé Space Time : l’ultime odyssée (sorti en DVD avec Mad Movies – NDLR), mon premier film en tant que réalisateur.
Quelle est la meilleure leçon que vous ayez apprise en tant que directeur de la photographie ?
J’ai appris à préparer mes tournages au maximum, mais surtout à trouver l’équilibre entre être prêt, et être flexible. Certains réalisateurs préparent leurs tournages comme des dingues puis se retrouvent confrontés à des problèmes inattendus, qui compte tenu de leur maigre budget les mettent dans une impasse. Je pense qu’il faut surtout mettre en avant les performances des comédiens et compter sur un environnement de tournage facilement adaptable. Ça ne veut pas dire qu’il faut arriver sur le plateau les mains dans les poches. Sur The Signal, j’ai travaillé sur les story-boards pendant des mois. J’avais une vision assez précise de ce que je voulais obtenir, mais sur le plateau, il faut savoir faire une croix sur ce qu’on avait en tête et trouver des solutions qui se rapprochent au plus près de la vision d’origine. Certaines solutions peuvent mettre être meilleures que ce qu’on avait prévu, une fois qu’on observe la scène sous un angle nouveau. Ça, je l’ai appris sur mes premiers longs-métrages en tant que chef-opérateur, et surtout en coulisse de Space Time.
C’est assez parlant durant la première partie du film, très road movie. On sent que la structure est cohérente, que la narration a un objectif et des enjeux précis, mais la mise en forme et les performances semblent extrêmement libres. On sent également durant la seconde partie du film que vous prenez plaisir à jouer avec le hors champ, à capturer l’essence d’une scène d’action en un ou deux plans marquants. Pensez-vous que votre mise en scène serait vraiment différente avec un budget de blockbuster ?
C’est difficile à dire. J’aime à penser que le film garderait son âme avec plus d’argent. Quand on a de l’argent, il est plus facile de trouver des solutions à ses problèmes lors du tournage. Quand on n’a pas d’argent, il faut être créatif en permanence, sinon l’histoire en pâtit. Je collabore actuellement avec un très grand réalisateur, et je dois dire qu’il est agréable de pouvoir travailler avec des moyens conséquents. Mais ça ne doit pas conditionner votre vision. Je crois que Stanley Kubrick disait à peu près ceci : la première fois qu’on est sûr d’avoir trouvé la bonne direction pour un film, c’est justement à ce moment-là qu’il faut prendre du recul et reconsidérer le projet dans son ensemble. Il faut toujours explorer de nouvelles pistes, qui finiront peut-être par être encore plus excitantes que celles qu’on avait trouvées au départ.
Pouvez-vous nous parler des trucages ?
J’ai travaillé avec une compagnie d’effets visuels située à Toronto, Spin VFX. Colin Davies, leur superviseur, est venu nous voir pendant la préproduction. Nous n’avions pas beaucoup d’argent mais il a proposé de nous soutenir malgré tout. Nous avons également travaillé avec Legacy Effects, les anciens de Stan Winston Studio. Je leur ai montré mon premier film, pour lequel j’avais créé une station spatiale dans ma maison. Je n’avais pas les moyens de m’offrir leurs services mais ils ont tellement aimé Space Time qu’ils ont décidé de m’aider. Ils ont conçu les fausses jambes et les faux bras que vous voyez dans le film. Colin est parti de leur design et ensemble, nous avons étudié les story-boards pendant des semaines pour décider du nombre maximum de plans à effets visuels, et de la façon de les rendre crédibles. Nous avons décidé de nous appuyer sur des plans fixes ou des mouvements panoramiques, beaucoup moins chers à truquer. The Signal doit vraiment beaucoup à Legacy et Spin VFX. Je n’aurais jamais pu faire le film sans eux avec un budget aussi mince.
Propos recueillis et traduits par Alexandre PONCET (Merci à Jean-Baptiste PÉAN)
Images
de Robert Altman
Zone 2. M6 Vidéo.
Jusqu’ici uniquement disponible à l’étranger, ce long-métrage à la fois cryptique, anxiogène et fascinant débarque enfin chez nous sous la forme d’un DVD techniquement imparfait, mais indispensable.
Généralement considéré par ses détracteurs comme un misanthrope de premier ordre, un démiurge prompt à prendre de haut des personnages qu’il se complait à voir échouer, le regretté Robert Altman ne mérite pas cette étiquette réductrice. Car s’il ne fait aucun doute que ce cinéaste touche-à-tout (comédie, drame, western, polar, SF : rien ne lui a échappé) n’avait pas son pareil pour pointer du doigt les petits défauts et les grosses névroses de ses semblables, il s’est toujours gardé de porter un quelconque jugement moral sur ses protagonistes. Adepte d’une caméra distante et discrète souvent cachée derrière les éléments du décor (en témoigne le long travelling à travers la baie vitrée lors de la visite chez le gynécologue dans That Cold Day in the Park), Altman était, de son propre aveu, une espèce d’anthropologue, un observateur fasciné par [...]
Il vous reste 70 % de l'article à lire
Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.
Découvrir nos offres d'abonnement