DVD/Blu-ray/VOD N°280

Massacre à la tronçonneuse
de Tobe Hooper
Zone B. TF1 Vidéo.

Histoire de compléter notre dossier d’il y a deux mois, TF1 Vidéo offre enfin au classique de Tobe Hooper un écrin qui lui rend justice avec une restauration HD à tomber par terre et, cadeau du ciel, la VF d’époque !

Drôle de sensation que de tenir entre les mains un coffret aussi luxueux pour un film qui fit partie de la collection « Les films que vous ne verrez jamais à la télévision » éditée en VHS en 1983 par René Chateau. Canonisé à Cannes quarante ans après y avoir été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs (ce qui lui valut à l’époque d’être qualifié par l’un de nos confrères d’« exécrable et condamnable dans la mesure où il participe d’un esprit proche d’un documentaire sur Dachau ou Auschwitz »), Massacre à la tronçonneuse est aujourd’hui célébré par l’« élite » de la cinéphilie, celle-là même qui le conspua durant tant d’années et a retourné sa veste après s’être aperçue que c’était le film de chevet de Nicolas Winding Refn (qui ne les avait pas attendus pour le considérer comme un chef-d’oeuvre à l’égal de Citizen Kane). En tout état de cause, cette prise de conscience aura au moins eu l’avantage de redonner au film la place qu’il mérite, comme l’atteste cette édition Blu-ray. Il y avait tout lieu de s’inquiéter d’une restauration 4K qui, même si elle part pour la première fois de la pellicule 16 mm inversible d’origine (la précédente venait du 35 mm), risquait de dénaturer l’oeuvre en nettoyant l’image plus que nécessaire. Revu en salle lors de sa ressortie en octobre dernier, le film y gagnait en effet traumatique – peu importe son léger lissage –, justement parce qu’on n’était pas habitué à le voir sur grand écran. Mais le procédé n’allait-il pas atténuer son impact viscéral en le regardant chez soi sur une télévision HD, lieu où on l’on apprit à l’aimer dans des conditions techniques nettement moins optimales ? Qu’on se rassure tout de suite : l’image (au format 1.78) gagne en clarté, mais elle ne perd ni sa texture ni sa lumière si particulière. Tobe Hooper a veillé au grain, c’est le cas de le dire : on n’ira pas jusqu’à prétendre que ce nouveau transfert correspond exactement au film tel qu’il fut montré en 1974, mais il en donne sacrément l’impression, ce qui est déjà énorme quand on sait à quel point les restaurations peuvent s’avérer dommageables pour l’essence temporelle d’une oeuvre. La sensation est d’autant plus forte que, grande nouvelle, la VF mono d’époque est enfin de retour, la VO étant quant à elle présentée en 7.1 sur le Blu-ray et en 5.1 sur la version DVD, également incluse dans cette édition. 

Un livret d’une cinquantaine de pages signé Jean-Baptiste Thoret (sorte de version expurgée de son magistral ouvrage Massacre à la tronçonneuse : une expérience américaine du chaos), quatre photos du film, une reproduction de l’affiche US originale, un tablier maculé de sang : le coffret est bien fourni en goodies mais aussi en suppléments. Même si nombre d’entre eux proviennent des précédentes éditions françaises et américaines (dont le documentaire Flesh Wounds, jamais vu chez nous), il y a suffisamment de matériau inédit à se mettre sous la dent. Presque trop, en fait : la production du film et le phénomène qui l’entoure sont détaillés avec un tel souci d’exhaustivité que l’aura de mystère qui a longtemps plané sur son tournage n’est désormais plus qu’un lointain souvenir. Ce n’est pas une raison pour bouder son plaisir de fan, puisque malgré l’absence des nouveaux commentaires audio de Tobe Hooper et de son directeur de la photographie Daniel Pearl présents sur l’édition US sortie récemment chez Dark Sky, les nouveaux bonus proposent notamment la conférence de presse de Cannes, une conversation entre Refn et Hooper, une analyse de la restauration par ce dernier, quinze minutes de scènes coupées supplémentaires, des entretiens avec le monteur, le directeur de production du film et John « Grandpa » Dugan, une visite des lieux du tournage et surtout deux oeuvres de jeunesse du réalisateur (déjà présentes sur le Blu-ray UK de Massacre à la tronçonneuse 2 édité par Arrow), le court-métrage The Heisters et son premier long Eggshells, accompagné d’un commentaire audio du cinéaste (en VO non sous-titrée). Tourné en 1964, The Heisters pourrait évoquer, par son aspect visuel, les adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman, s’il n’adoptait un ton burlesque hérité du muet et un surréalisme à la Dali. Quant à Eggshells, réalisé cinq ans plus tard, impossible d’y deviner le potentiel de Hooper, le seul point commun avec Massacre à la tronçonneuse étant l’approche documentaire de la mise en scène, même si elle n’augure en rien la sensation « prise sur le vif » de Massacre… et encore moins la précision hitchcockienne de son montage (rappelons que le film compte plus de 800 plans). L’histoire, si tant est qu’il y en ait une, s’intéresse à une communauté d’étudiants vivant dans une maison dont la cave est hantée par une « présence hyperélectrique crypto-embryonnaire », le tout sur fond de retour des troupes du Vietnam et de mariages hippies. Hooper tente vainement de faire du cinéma-vérité à l’italienne, le scénariste Kim Henkel, futur coauteur de Massacre…, se met à poil en full frontal et brûle une voiture, les acteurs improvisent, parlent de communisme en prenant leur bain et montent et descendent un escalier pendant plusieurs minutes sans qu’on sache très bien pourquoi. Ils terminent le film en se mettant des sacs-poubelle sur la tête avant d’être aspirés à travers des séchoirs de salon de coiffure par une machine qui les vide de leur sang. Bref, c’est aussi psychédélique qu’incompréhensible et surtout prodigieusement ennuyeux. On aurait préféré que Massacre à la tronçonneuse 2, sorti en DVD il y a sept ans chez MGM, prenne la place de ces deux ectoplasmes. Toujours est-il qu’on a coutume de dire que Massacre à la tronçonneuse se bonifie avec l’âge, et ça n’a jamais été aussi frappant que dans cette édition : même si on l’a vu des dizaines de fois, le film n’a jamais autant ressemblé à un authentique snuff movie et sa brutalité vous explose à la gueule comme une grenade à fragmentation. Que le parallèle qu’il établissait avec la guerre du Vietnam puisse aujourd’hui être fait avec le conflit au Moyen-Orient ou avec la haine des exclus pour une société qui les piétine aveuglément décuple sa puissance et le rend incroyablement moderne.

Cédric DELELÉE

 

 

Utopia Intégrale
de Dennis Kelly
Zone 2. StudioCanal.

Une brillante série de conspiration sort chez nous dans une édition scandaleuse après avoir été annulée dans son pays d’origine, alors qu’une chaîne américaine a annoncé un remake… Vous avez dit parano ? 

Diffusée début janvier 2013 sur la chaîne britannique Channel 4, Utopia est un choc immédiat. Tout d’abord esthétique : la série est shootée en Cinémascope, ce qui lui confère à la fois une classe folle et une hyper-stylisation déroutante – décuplée par une photo aux couleurs primaires saturées – qui dérègle subtilement notre vision d’un univers par ailleurs ordinaire… à la surface. Car là est le propos d’Utopia : quatre personnes lambda, fans d’un comic-book underground appelé The Utopia Experiments, sont projetées dans une diabolique machination fomentée par une organisation qui n’hésite pas à tuer femmes et enfants pour parvenir à ses fins. 

Au fur et à mesure de ses développements, Utopia atteint un équilibre exceptionnel en termes d’enjeux (le but des conspirateurs est un formidable cas de conscience universel), de mise en scène, de caractérisation (le tueur génialement interprété par Neil Kill List Maskell est magnifique) et de modernité de ton. Si le soufflé retombe très légèrement en saison 2, le superbe premier épisode de cette dernière (un long flash-back entièrement cadré en faux 8 mm 4/3) et les ultimes révélations (politiquement très incorrectes, surtout en France !) achèvent de rendre le téléspectateur totalement addict. Sauf que. En raison d’audiences insuffisantes, Channel 4 annule la troisième saison et refuse même la production d’un épisode spécial de deux heures pour boucler l’intrigue. Dans le même temps, la chaîne américaine HBO annonce avoir acheté les droits du show pour produire un remake dont la saison 1 sera entièrement réalisée par David Fincher.Remake qui n’aura guère de problèmes pour conquérir le coeurdu public mondial, puisque l’original a été abattu en plein vol… 

Le triste point final de cette mort prématurée est apporté par la sortie d’un coffret DVD français estampillé StudioCanal. DVD et pas Blu-ray (alors que la série a été montrée en HD). Premier impair. Ça se corse par la suite : toute la saison 1 est hideusement recadrée en 1.85 (avec pistes audio en stéréo), et surtout, plusieurs épisodes de cette même saison ont été délestés de dialogues primordiaux. Censure ? Non : Channel 4 a raccourci ces épisodes pour les ventes internationales afin de correspondre aux chartes de programmation classiques. Canal+ Séries (diffuseur français) ne s’était aperçu de la bidouille qu’après coup, alertée par des téléspectateurs vigilants. Ce qui n’empêche pas le groupe de nous balancer ce coffret DVD en totale connaissance de cause, donc. Bien sûr, nous n’irons pas jusqu’à vous encourager à télécharger illégalement les épisodes concernés afin de voir Utopia dans son intégr(al)ité. Non, nous n’irons pas jusque-là…

Laurent DUROCHE

 

 

Predestination
des frères Spierig
Zone B. SPHE. 

Après DAYBREAKERS, dont le statut de série B s’effaçait peu à peu derrière des enjeux politiques et tragiques remarquablement équilib [...]

Il vous reste 70 % de l'article à lire

Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.

Découvrir nos offres d'abonnement

Ajout d'un commentaire

Connexion à votre compte

Connexion à votre compte