Dossier White Zombie

White Zombie

« Il la fait revenir à la vie pour en faire son esclave ! » : White Zombie, production indépendante réalisée par Victor Halperin en 1932, est un conte cruel, aux pulsions perverses. Ce premier film de zombies confirma Bela Lugosi en star de l’épouvante. Retour sur un chef-d’oeuvre méconnu qui sort en Blu-ray chez Bach Films.

La renommée de White Zombie, sorti en France sous le titre Les Morts-vivants, ne semble reposer que sur sa thématique inédite du vaudou et des morts qui reviennent à la vie. Les historiens, qui lui préfèrent le canonique Vaudou (Jacques Tourneur, 1943), le qualifient de « classique mineur ». Premier film de morts-vivants, il inaugure un cycle qui se développera dans les années 1940, se poursuivra dans la SF atomique de la décennie suivante, jusqu’au coup d’éclat de George Romero en 1968. Dans les années 1930, son succès public influence des films confidentiels, situés à Haïti ou dans les îles des mers du Sud (1).
Excepté Freaks – la monstrueuse parade, sorti en février 1932, les premiers classiques de l’épouvante américaine sont des adaptations littéraires de prestige : Dracula, Frankenstein, Docteur Jekyll et Mr. Hyde, Double assassinat dans la rue Morgue. Victor Halperin et son scénariste Garnett Weston se distinguent par un script qui puise sa matière dans un récit ethnographique de 1929, L’île magique : les mystères du vaudou (2), de William B. Seabrook, romancier explorateur versé dans l’occultisme, qui rapporte de son voyage à Haïti, où il fut adopté par une communauté, la description des rites vaudous. Le livre provoque un engouement populaire considérable. Halperin en agrège plusieurs notations, comme l’enterrement au milieu d’une route, une pratique destinée à empêcher le vol de cadavres pour les zombifier. « Lune de miel au pays des ombres » peut résumer l’argument, que l’esprit grinçant de Tod Browning n’aurait pas renié. Madeline, la white zombie en titre, est convoitée par trois hommes. Neil, son futur époux et héros falot qui ne croit pas aux zombies, est selon Halperin « l’homme du Missouri », gars simple auquel le spectateur est censé d’identifier. S’oppose à lui Beaumont, plus tortueux, riche planteur qui a proposé au jeune couple de se marier dans son domaine haïtien pour mieux s’emparer de Madeline. Enfin le « maître des zombies », Murder Legendre, accepte d’aider Beaumont quand celui-ci découvre la résistance de Madeline. Sa proposition terrible : tuer la jeune femme pour se débarrasser de l’encombrant Neil, puis la zombifier pour en faire une amante obéissante. Murder entend bien sûr dominer tous les protagonistes. 



UNIVERSAL GOTHIC
À partir de ce récit scabreux – il est question d’avoir des rapports sexuels avec une morte –, Halperin crée une ambiance gothique comateuse, d’une beauté intemporelle, recyclant des décors de la Universal (Le Chat et le canari, Dracula, Frankenstein, Le Fantôme de l’Opéra). Les effets d’optique et les peintures sur verre qui les complètent renforcent l’onirisme. Le somnambulisme erratique des zombies se propage. Tout baigne dans un engourdissement délétère, orchestré par Murder/Bela Lugosi qui reprend la gestuelle théâtrale et lente de son Dracula. Il est une placide menace, sûre de sa domination. Ayant débuté dans les années 1920, Halperin s’inspire encore du climat du muet. Conscient des exigences du cinéma B, il privilégie l’action et se méfie des dialogues abondants. Il s’appuie au contraire sur une bande-son expressive, mais sans musique envahissante, privilégiant les bruits qui s’amplifient de façon angoissante : animaux dans la nuit, chants vaudou, cri du vautour fétiche de Murder, sinistres grincements du moulin sucrier.
Ce cauchemar porte aussi un écho de crise. White Zombie peut se lire comme une dénonciation appuyée du capitalisme, du travail à la chaîne et de ses appétits colonialistes. Murder s’enrichit avec la canne à sucre et suggère à Beaumont la zombification des travailleurs : « Ils n’ont pas peur de faire des heures en plus. ». Relégués à leur esclavage, les zombies hagards maquillés par Jack Pierce, l’immense artisan de la Universal, ne sont pas les monstres principaux du film, juste de pathétiques figurants sans issue. Pas davantage la white zombie, Madge Bellamy, une ex-gloire du muet victime d’un casting cruel. Le véritable monstre est évidemment Bela Lugosi, avec lequel White Zombie va s [...]

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