Dossier Mario Bava

L’été sera chaud, l’été sera beau, l’été sera Bava. En plus d’une rétrospective événement à la Cinémathèque française, le distributeur Théâtre du Temple ressort le 3 juillet trois films du maestro sous l’intitulé « Mario Bava le magicien des couleurs » (qui est également le titre d’un nouveau livre dédié au cinéaste). Trois cas d’école, trois facettes d’un génial touche-à-tout qui fut l’un des grands maîtres de l’épouvante gothique et influença durablement plusieurs générations de cinéastes, de Federico Fellini à Nicolas Winding Refn en passant par Ridley Scott et Tim Burton.
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C’est un cinéaste – et pas n’importe lequel – qui mit en évidence la nécessité de voir et revoir les films de Mario Bava. Dans le livre-entretien Scorsese on Scorsese, voilà comment le réalisateur de Taxi Driver parlait de Bava : « J’affectionne aussi tout particulièrement les films de Mario Bava : à peine une ébauche d’histoire, uniquement une atmosphère diffuse de brouillard, des femmes au teint diaphane déambulant le long des corridors. Une sorte de gothique transalpin. Je projetais ces films en boucle chez moi. Je possède plusieurs téléviseurs, disséminés dans plusieurs pièces de la maison, et plusieurs longs-métrages de Bava étaient ainsi diffusés simultanément, distillant une ambiance particulière et quelque peu surannée, très XIXe siècle… ». Même si ce dispositif très art contemporain peut laisser dubitatif, on ne peut pas donner tort au père Marty. Mais à vrai dire, même si ces propos, imprimés en 2003, sacraient définitivement le roi Bava, il faut rappeler que le metteur en scène fut reconnu à sa juste valeur… dès ses débuts. Il n’y a guère que dans son Italie natale que Bava en prenait régulièrement pour son grade de metteur en scène. Un grade obtenu tardivement, à l’âge de 46 ans. Bien entendu, au fil des ans il y eut quelques anicroches, quelques petits pépins et autres bouderies sans importance, mais dans l’ensemble, rien de bien grave, et Bava n’enfila le bonnet d’âne qu’à de très rares occasions. En tout cas beaucoup moins que ses collègues Antonio Margheriti, Giorgio Ferroni ou encore Renato Polselli. En France, les frères ennemis, Les Cahiers du cinéma et Positif, vantaient régulièrement la beauté vénéneuse de ses films. Positif consacra même une couverture – avec Le Masque du démon – à celui qui se considérait comme un ouvrier de la pellicule. Un an avant sa mort en 1980, Bava déclarait être conscient de n’avoir tourné que des conneries. Et d’ajouter : « Je suis un artisan. Un artisan au sens romantique du terme, comme il n’en existe plus. Je fais du cinéma comme on fabrique une chaise. ». Fin de citation et débrouillez-vous avec ça. Les brumes qui enveloppent souvent ses décors ne servent peut-être qu’à dissimuler une personnalité rongée par un sens de l’humour autodestructeur. D’une certaine façon, ce même sens de l’humour le protégera pendant longtemps d’une critique incapable de le faire parler, mais l’empêchera aussi de devenir un auteur tout ce qu’il y a de plus fréquentable et sérieux.



OBSESSIONS SM ET DANSES LASCIVES 
Mais il faut bien reconnaître que c’est sur ce principe de bricolage que s’est construit La Ruée des Vikings. Longtemps sous-estimé, même par les fans les plus hardcore du cinéaste, le film n’a jamais supporté la médiocrité de diffusion, et il faudra donc attendre les premiers DVD pour enfin pleinement apprécier ce divertissement de haut vol bricolé par un génie du 7e Art. Mais d’abord, il y eut Les Vikings (1958) de Richard Fleischer. Une sublime épopée barbare avec Kirk Douglas et Tony Curtis, dont le phénoménal triomphe décida les dirigeants de la Galatea à mettre en chantier une série de copies bon marché. Mais pour surfer sur cette vague, il faut faire vite. Très vite. L’un des premiers à arriver sur les lieux n’est pas Mario Bava, mais Giacomo Gentilomo avec son Dernier des Vikings en 1961. Gentilomo ne s’embarrasse pas, reprend peu ou prou les motifs des Vikings et les réarrange à toute berzingue, tant bien que mal. La sauce prend, la recette plaît et la Galatea renouvelle très logiquement. Et à peine sorti de Hercule contre les vampires, un péplum coloré et fantasque avec Christopher Lee, voilà Bava à la tête d’un frêle esquif qui tente de singer le Fleischer tout en réutilisant le casting du Dernier des vikings. À ma droite, Cameron Mitchell, à ma gauche, Giorgio Ardisson. D’un côté le brun, de l’autre le blond. Deux frères ennemis qui ignorent bien évidemment leurs liens familiaux et qui finiront par se liguer contre le félon qui a tué le père et les a séparés. Tout comme dans le modèle américain, le méchant est perfide, noble et anglais, et l’aventure se termine par l’assaut d’un château fort. On pourrait continuer longtemps à égrainer les similitudes entre les deux films, façon tableau Excel, alors qu’au final tout les sépare. Le somptueux prologue donne le ton. Bava en pleine pratique de la politique de l’inversion. Là où Richard Fleischer jouait à fond la carte du réalisme documentaire, Super Mario s’adonne au fantasme pur et dur et envoie bouler dans le fossé toute forme de réalité historique. Cérémonies païennes colorées, obsessions sadomasochistes et dans [...]

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