Dossier : L'été indé

Comme chaque été, la période estivale permet à des productions plus, modestes ou confidentielles de se frayer un chemin vers nos salles. L’occasion de découvrir sur grand écran des films très divers, entre vampire urbain, horreur socialo-zulawskienne et SF sensitive.



TRANSFIGURATION
2016. USA. Réalisation : Michael O’Shea. Interprétation : Eric Ruffin, Chloe Levine, Aaron Moten… Sortie le 26 juillet 2017 (ARP Sélection).
BLOOD N THE HOOD
Milo a 14 ans. Orphelin, son seul refuge est l’appartement qu’il partage avec son grand frère dans le quartier du Queens, à New York. Tenaillé par une soif de sang humain, le garçon tente de trouver sa place dans la société jusqu’au jour où l’arrivée d’une jolie voisine provoque en lui de nouveaux sentiments… À l’instar de Brother et de l’inédit Sleight, Transfiguration s’intéresse au cas d’un Afro-Américain dont la véritable nature le différencie de ses semblables. Ni extraterrestre ni mutant, le héros du premier effort de Michael O’Shea est un adolescent solitaire (Eric Ruffin, très juste) présentant tous les symptômes d’un… vampire. D’où le décalage constant entre un décor ô combien déprimant (une cité HLM) et une créature de la nuit dont le statut n’est jamais confirmé (ou infirmé) par un metteur en scène adoptant ouvertement une approche anthropologique. Filmée – caméra à l’épaule – dans un style aussi sobre que soigné, cette relecture « ‘n da hood » du Martin de George Romero joue la carte du conte initiatique en mode mineur, de ceux qui refusent de surligner leurs effets, qu’ils soient narratifs ou visuels. Dommage que ce minimalisme assumé par le cinéaste aboutisse à un manque de substantialité, à l’image de ce passage où Milo raille la saga Twilight d’un simple « C’est pas réaliste » au lieu de développer en profondeur la dégénérescence commerciale d’un mythe souvent malmené. On lui pardonne, d’autant que Transfiguration sait caresser l’amateur dans le sens du poil en offrant quelques caméos bienvenus à des pontes de la série B new-yorkaise tels que Lloyd Kaufman et Larry Fessenden.

J-B.H. 




INTERVIEW MICHAEL O’SHEA RÉALISATEUR & SCÉNARISTE

L’auteur de Transfiguration nous explique comment il a retrouvé l’ambiance poisseuse de New York… en tournant dans la plus bizarre de ses banlieues.

Le thème du vampirisme réel ou fantasmé était présent dès l’origine du scénario ?

C’est drôle, car au départ, je voulais faire le portrait d’un ado. Mais j’ai ensuite entendu parler d’un gamin obsédé par les vampires et qui s’appelait justement Milo, et je me suis dit : « OK, c’est du bon. ». Car j’adore Henry, portrait d’un serial killer, et notamment sa structure. Le film de John McNaughton vous manipule en vous montrant un sociopathe, puis en vous faisant vous demander si la fille qu’il rencontre va réussir à le changer. Et il répond à cette question de la façon la plus brutale possible. Moi, j’y réponds un peu différemment… Enfin, je venais de voir The Pleasure of Being Robbed des frères Safdie, qui est un de ces films tournés à New York et où les scènes sont captées depuis l’autre côté de la rue, grâce à des longues focales. Tout cela m’a donné l’idée d’une sorte de mélange entre Martin et un Henry adolescent, soit le portrait d’un serial killer débutant qui croit être en train de devenir un vampire, filmé à la manière des Safdie mais aussi de tous ces fabuleux réalisateurs des années 70 qui avaient un grand sens des extérieurs réels. 


Comment avez-vous trouvé cet incroyable acteur ?

En revoyant Henry…, je me suis dit que Michael Rooker était vraiment le film. Sans lui, ce ne serait pas un chef-d’oeuvre. De même, Transfiguration aurait été de la merde si je n’avais pas trouvé le bon visage. J’avais d’abord pensé à utiliser un acteur non professionnel, mais comme le tournage allait être très rapide, j’ai craint qu’un non-acteur ne s’avère pas capable de mémoriser les dialogues, de s’arrêter dans les marques, etc. Nous avons ainsi cherché pendant deux ans, puis, un jour, j’ai vu Eric Ruffin dans une série télé où il tenait un petit rôle, et j’ai su que c’était le visage dont j’avais besoin. Eric a eu 15 ans pendant le tournage, il est dans toutes les scènes, et il a été génial. Il était toujours partant pour des situations pouvant paraître ridicules, et il ne laissait pas distraire par l’agitation du quartier. Boum, il rentrait instantanément dans son rôle, et quand je disais « Coupez ! », boum, un grand sourire barrait soudain son visage. Car il n’est absolument pas comme son personnage : il adore le sport, il sourit tout le temps, c’est un garçon bien intégré qui a beaucoup d’amis.


Il a toujours été prévu que Milo soit un Noir ?

Oui. Pour moi, le personnage était un garçon afro-américain vivant dans une de ces cités HLM. Cela me permettait d’exprimer certaines idées politiques et sociales, et c’était aussi un souvenir personnel. Car j’ai grandi dans la péninsule de Rockaway, où nous avons tourné. Dans les années 60, on y a construit des barres d’immeubles qui sont ainsi coincées entre la baie et la plage. Il y a aussi de nombreux terrains vagues, des coins bizarres et désolés que je connaissais très bien. C’est un endroit déprimant, mais en même temps, il est à côté de la plage. Cela collait donc bien avec le ton général du film. Les autres extérieurs importants, ce sont des sites plus emblématiques de la ville de New York, où Milo part en chasse pour commettre ses meurtres.


Ces meurtres sont très crus…

En fait, la toute première personne que j’ai engagée a été le maquilleur Brian Spears. Car je voulais que les effets spéciaux soient exécutés en direct, et qu’ils aient l’air réels. En effet, Transfiguration est un mélange entre de l’horreur et un drame sur le passage à l’âge adulte. Du coup, il n’y a pas vraiment de suspense, ni de choses à la « Bou hou, fais-moi peur ! ». Il fallait donc qu’au moins, les meurtres eux-mêmes soient brutaux et perturbants pour le public. En particulier le dernier, car c’est celui qui vous fait comprendre la décision finale de Milo quant à son destin.

Merci à Michel BURSTEIN 

GILLES ESPOSITO






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