Dossier : Films de Secte

Un hors-série entier ne suffirait pas à traiter la totalité des films consacrés aux sectes, dont The Wicker Man est l’un des plus illustres représentants. Nous avons donc choisi d’éviter les classiques du genre ou les titres trop récents pour aller déterrer quelques pépites méconnues ou rarement évoquées. Bienvenue chez les dingues.
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Produit par Val Newton et antérieur au fameux Rendez-vous avec la peur de Jacques Tourneur, La Septième victime (The Seventh Victim, 1943) s’intéresse à Mary, une jeune femme lancée à la recherche de sa grande soeur mystérieusement disparue à Greenwich Village. Elle va découvrir que le quartier abrite une secte luciférienne à laquelle son aînée a tenté d’échapper. Éclairé par Nicholas Musuraca, le chef-opérateur de La Féline, et mis en scène par son monteur Mark Robson, le film baigne dans une étrangeté suffocante pas très éloignée de celle de Rosemary’s Baby, avec au passage une scène de douche dont Hitchcock semble s’être inspiré pour Psychose. Malheureusement, la suppression de plusieurs séquences cruciales rend la narration trop elliptique et laisse certains personnages dans le flou. Malgré ce parfum d’inabouti, on sent que Robson a été à bonne école : pour un peu, on se croirait chez Tourneur.




LA FAMILLE BÉLIER
Cinéaste trop souvent réduit à sa collaboration aussi tardive qu’inégale avec Charles Bronson alors qu’on lui doit de sacrés morceaux de cinoche (Les Nerfs à vif, Les Canons de Navarone, Passeur d’hommes, La Conquête de la planète des singes), J. Lee Thompson s’offre une virée en Dordogne avec Le Mystère des treize (Eye of the Devil, 1966), sorti chez nous en DVD sous le titre L’OEil du malin. Propriétaire d’un domaine viticole depuis des générations, le marquis Philippe de Montfaucon (David Niven) doit regagner son château suite à une mauvaise récolte. Sa femme Catherine (Deborah Kerr en mode Les Innocents), qui insiste pour l’accompagner malgré sa réticence, va réaliser que des messes noires sont célébrées dans le donjon. Dans le même temps, une belle et mystérieuse jeune femme (Sharon Tate) et son frère (David Hemmings) font leur apparition, et le curé du village (Donald Pleasence) se montre de plus en plus mystérieux. Singulier dans le contraste qu’il offre entre les voitures de sport des aristocrates et le caractère moyenâgeux de leur demeure (et les bacchanales qui s’y déroulent), le film baigne dans un noir et blanc très étudié et dégage un vénéneux parfum de parano, l’héroïne devant faire face à un entourage incrédule, quand elle n’est pas carrément tenue à l’écart des événements. Mais on retiendra surtout le couple tordu formé par le frère et la soeur, une scène terrifiante où Catherine, partie se promener dans la forêt, est peu à peu encerclée par des silhouettes encapuchonnées, et un passage furieusement sadien où Sharon Tate pousse des cris de plaisir sous les coups de cravache que lui administre le marquis pour la punir.
Écrit et réalisé par Beni Montresor, directeur artistique sur Les Vampires du tandem Freda/Bava, La Messe dorée (La profonda luce dei sensi, 1975) s’inscrit dans la lignée du Salo ou les 120 journées de Sodome de Pasolini dans sa volonté de dynamiter la bourgeoisie de l’intérieur, et plus particulièrement son organisation patriarcale. David (le génial Maurice Ronet, idéal en riche dépravé) et Hélène (Lucia Bosè, la comtesse Bathory de Cérémonie sanglante), un couple de bourgeois qui s’emmerde au lit, invite des jeunes à dîner dans leur château lors d’un banquet qui va vite se transformer en orgie de débauche : David couche avec sa fille de douze ans, Hélène avec son fils à peine plus âgé, une lesbienne (Stefania Casini, Suspiria) soumet une autre femme sous les yeux de son mari qui se masturbe dans un coin avant de se laisser torturer à mort, une jeune fille apprêtée en Sainte Vierge se déflore avec ses doigts tandis que l’assistance se barbouille le visage avec le sang de son hymen perforé… S’il est moins frontal à l’image que sur le papier, l’étalage de débauche du film est tel qu’il s’apparente bien plus à une cérémonie païenne qu’à du libertinage pervers, la demeure semblant servir de repaire à une secte menée par une femme aux appétits contre nature. Proche du cinéma de Tinto Brass, La Messe dorée n’a rien d’un banal bis érotique et mériterait amplement d’être exhumé par un éditeur français.


MALÉFICES BRITISH
Dix ans avant Venin, Piers Haggard réalise La Nuit des maléfices (The Blood on Satan’s Claw, 1971). Au XVIIIe siècle, les habitants d’un petit village d’Angleterre semblent soudain possédés par le Diable : de la fourrure pousse sur les demoiselles (c’est la marque de Satan), des villageois se mutilent ou assassinent leurs voisins et Angel Blake (Linda Hayden, Une messe pour Dracula)… Surtout, une adolescente très pieuse se met à recruter les jeunes de la région pour se livrer à des orgies démoniaques au cours desquelles se succèdent tortures, viols et sacrifices humains, ceci dans le but d’invoquer un démon aussi griffu que velu. Issu de la même maison de production que Le Grand inquisiteur (Tigon, concurrents de la Hammer) et encore plus réussi, La Nuit des maléfices est en apparence assez proche des Diables de Ken Russell ou de La Marque du Diable, mais présente également pas mal de similitudes avec The Wicker Man, ne serait-ce que dans la festivité dont sont empreints les rituels païens, au point qu’on se croirait dans une communauté hippie… jusqu’à ce qu’une gamine soit violée et poignardée dans l’allégresse générale. Un film totalement barré, souvent vulgaire et ouvertement malsain, parfois erratique mais fascinant dans sa volonté de montrer l’horreur en plein jour et de mettre le paquet en termes de sexe et de violence. Tout cela reste un poil décousu (le scénario est en fait un concentré de quatre histoires à l’origine destinées à une anthologie, et ça se sent), mais dans le genre secte du terroir, on a rarement vu plus généreux.
Évoquée dans Les Étrangleurs de Bombay de Terence Fisher et Indiana Jones et le temple maudit de Steven Spielberg, la secte des thugs est au centre des Imposteurs (The Deceivers, 1988), signé par le très doué Nicholas Meyer (C’était demain, Star Trek II : la colère de Khan). L’action se déroule en Inde au début du XIXe siècle, alors que le p [...]

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