DOSSIER : À LA DÉCOUVERTE DES CINÉMAS INDIENS

C’est terrible, mais il nous faut faire le deuil du cinéma de Hong Kong tel que nous avons appris à l’aimer dans les années 1990. Les productions de qualité issues de l’archipel se raréfient dangereusement au fil des ans… mais une alternative existe. Les catalogues de VOD cachent en leur sein des merveilles bourrines, novatrices, politiques, exaltantes, too much, et parfois tout en même temps. Leur point commun ? Leur pays d’origine. Cinéphiles en manque, l'Inde n’attend plus que vous.

Le cinéma indien a mauvaise presse – plus exactement, il n’a pas de presse du tout. De la petite agitation éphémère du début du millénaire autour de locomotives à vapeur comme Devdas, La Famille indienne ou Lagaan ne subsistent que des clichés tenaces, auxquels se raccrochent une désespérante majorité de spectateurs (et de journalistes, malheureusement) pour justifier leur désintérêt poli vis-à-vis de ces cinématographies. Autre obstacle de taille : le 7e Art indien est une planète à lui seul. La vitrine Bollywood ne concerne qu’une partie de la production nationale, répartie entre les principales régions et langues du pays. Évidemment, ces cinémas s’émulent les uns les autres via des multitudes de remakes et autres passerelles thématiques et artistiques, mais chacun vibre de ses singularités. Enfin, comme si ce grand saut dans l’inconnu n’était pas assez intimidant, suivre l’actualité du cinéma indien en France relève du parcours piégé.
Depuis le début des années 2000, il est toujours possible de s’approvisionner en DVD chez des revendeurs plus ou moins agréés – en la matière, le quartier parisien de la Chapelle et ses revendeurs à la sauvette sont l’équivalent de ce que fut la Galerie Oslo de l’avenue d’Ivry pour le cinéma de Hong Kong. Mais le marché du DVD indien, non content d’abriter parmi les plus stupéfiantes flying jaquettes de la création, a de faux airs de roulette russe. Trois films de trois heures peuvent être stockés sur une même galette, avec une compression fatalement dégueulasse, un, deux voire trois logos publicitaires peuvent occuper des coins ou carrément le centre de l’image, et en dépit de ce qui est annoncé sur la jaquette ou même dans le menu, les sous-titres peuvent briller par leur absence (s’ils sont bien présents,
ils peuvent s’avérer inintelligibles, enfants maudits d’une traduction Google hasardeuse et de caractères spéciaux caviardés de partout). Il est même possible de regrouper toutes ces tares en un même produit contrefait ET de se retrouver avec un screener. Pour ce qui est du grand écran, la situation s’avère presque aussi compliquée, les contingences techniques en moins.
À quelques rares exceptions près, seuls deux distributeurs (Aanna Films et Night ED Films) assument la charge de faire exister les cinémas indiens dans nos salles, et encore, toujours dans les mêmes circuits (des multiplexes de banlieue parisienne et une grosse dizaine de cinémas provinciaux pour les plus grosses sorties), sur une durée d’exploitation limitée à quelques mois – ce qui exclut donc l’existence de la plupart des sorties récentes en format physique dans les bacs nationaux, ces distributeurs n’ayant plus les droits après coup. Faute de meilleure visibilité, et en dépit du travail acharné de quelques passionnés, ces séances attirent un public à 95 % d’origine ou d’ascendance indienne.
Pour toutes ces raisons, l’avènement de la VOD peut jouer un rôle crucial dans la découverte de ces cinématographies. Les deux plus gros catalogues en la matière, Netflix et Prime Video, proposent un panel extrêmement varié de sorties récentes, et Mubi offre l’opportunité de (re)découvrir certains classiques des 50 dernières années dans une qualité d’image inédite. Attention, il ne s’agirait pas de tomber dans l’angélisme pour autant. Dans cette offre pléthorique, il y a à boire, à manger, et parfois même à s’étouffer – typiquement, le redoutable Drive de Tarun Mansukhani produit pour Netflix est sans nul doute l’un des films les plus vides jamais conçus. Il faut fureter, creuser, s’aventurer en territoires méconnus et mésestimés. Voici de quoi bien démarrer vos explorations, dans un esprit furieusement Mad.




Deewaar (Yash Chopra, 1975)
Sholay (Ramesh Sippy, 1975)
Don (Chandra Barot, 1978)
Avant de jouer les darons imposants avec sa grosse voix, sa taille immense et sa barbe à la blancheur écarlate (si Dieu existe, il ressemble sans doute à ça), Amitabh Bachchan fut dans les années 1970 l’incarnation par excellence du « jeune homme en colère », grande figure mythique du cinéma d’exploitation hindi énervé. Dans Deewaar, les événements le forcent à prendre les fautes du père sur ses épaules toute sa vie durant, et son jeu désabusé retranscrit à merveille toute la rage bouillonnant dans ses entrailles. Dans Don, il incarne un double rôle du mauvais côté de la loi, avec une classe et un charisme badass que Shah Rukh Khan aura le plus grand mal à reproduire dans le remake de 2006 et sa suite absurde de 2011. Mais c’est dans le western curry Sholay que sa persona d’acteur se fige : bagout insolent, charme de mauvais garçon élevé à la dure, présence physique idéale pour y projeter des [...]

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