Dossier : 2019 : L'année du Dragon

Si on vous a collé le roi des lézards en couverture de ce numéro, c’est bien entendu pour vous dire tout le bien qu’on pense de son retour en grâce, mais aussi des films qu’on attend le plus au cours des mois qui viennent. Tour d’horizon non exhaustif, totalement subjectif et par genres d’une année 2019 qui promet du lourd et du cochon.

On ne va pas vous mentir : le dernier Godzilla US en date, signé par Gareth Edwards en 2014, ne nous a que très moyennement convaincus. Un peu plus que celui de Roland Emmerich, certes, mais n’importe quel blockbuster est de toute façon plus réussi que le Godzilla du bourrin teuton, à l’exception peut-être de ses autres films à lui. Bref, à force, il était devenu difficile de croire à un Godzilla hollywoodien capable de rivaliser avec la démesure poétique et la dimension politique du classique de Ishirô Honda, là où King Kong eut droit à deux résurrections de fort belle allure (et on dira ce qu’on voudra, mais aussi Z soit-il, le King Kong 2 de John Guillermin est bien plus divertissant que le Godzilla de Roland, et on peut en dire autant du très bis Kong : Skull Island). Il était donc vital de corriger le tir une bonne fois pour toutes et le moins qu’on puisse dire, c’est que Godzilla II roi des monstres est attendu comme le Messie. Pourquoi tant d’impatience ? En grande partie parce que Gareth Edwards, censé rempiler, a préféré partir se concentrer sur des projets plus modestes après s’être épuisé sur Rogue One : A Star Wars Story, et qu’il cède la place au foutrement prometteur Michael Dougherty. Car même si l’homme ne s’est frotté à l’exercice du blockbuster qu’en tant que scénariste (X-Men 2, X-Men : Apocalypse, Superman Returns), il a su prouver par deux fois qu’il était un cinéaste passionnant avec l’anthologie horrifique Trick ‘r Treat et surtout Krampus, authentique film de monstre passant avec une virtuosité insolente de l’humour à la cruauté, sans jamais laisser de côté le facteur humain au beau milieu de scènes de pure terreur. De fait, Dougherty est bel et bien le choix idéal pour mettre en scène un Godzilla, son amour pour l’original l’ayant poussé à demander au compositeur Bear McCreary de baser son score sur les thèmes d’Akira Ifukube. Et c’est à un véritable choc des titans qu’il faut s’attendre, puisqu’on verra Godzilla livrer bataille contre (et avec ?) le papillon géant Mothra, le gigantesque reptile volant Rodan et le dragon tricéphale Ghidorah, le tout sous les yeux d’une Humanité qui ne sait plus si ces monstres sont des dieux ou les signes avant-coureurs de l’Apocalypse. D’une ampleur étourdissante, les premières images dévoilées passent cependant sous silence l’intrigue, qui se concentre essentiellement sur l’agence cryptozoologique Monarch et plus spécialement sur le Dr. Emma Russell (Vera Farmiga), une scientifique capable de communiquer avec les créatures qui est kidnappée avec sa fille (Millie Bobby Brown, l’héroïne de Stranger Things) par une organisation désireuse de soumettre les monstres (et dirigée par l’infâme Charles Dance). Mark (Kyle Chandler), l’ex-mari d’Emma, rejoint alors le commando chargé de les récupérer. « Gareth Edwards a pris beaucoup de plaisir à jouer au chat et à la souris dans son film, et j’ai aimé la façon dont il a fait lentement monter la pression » déclare Dougherty. « Mais notre film, lui, ne prend pas de gants. Pas question de faire dans la retenue ». Traduction : on s’emmerdait un peu dans le précédent, mais vous verrez, celui-là rentre dans le lard (tout en laissant entendre que le film comptera quelques créatures tenues secrètes). De quoi se préparer au Godzilla vs. Kong prévu pour 2020, quatrième film du Monsterverse de Legendary Pictures. Eh oui, ainsi va Hollywood : chez Marvel, on a le S.H.I.E.L.D et des freaks, chez Warner, on a Monarch et des monstres. En attendant, Godzilla II roi des monstres fera du 5 juin (date de sortie française) le « kaiju eiga day » ! `




ADULT HORROR
Attendu au tournant après le coup de maître The Witch, Robert Eggers nous avait mis l’eau à la bouche en annonçant son intention de réaliser un remake de Nosferatu. Déception : le tournage est reporté, ce qui pousse le cinéaste à se concentrer sur The Knight, un film médiéval dont on ne sait rien sinon qu’il semble inspiré par Le Chien de guerre et la douleur du monde de Michael Moorcock, parallèlement à une série consacrée au moine fou Raspoutine. Nouvelle douche froide : aucun des deux projets ne verra le jour, et Eggers part mettre en boîte The Lighthouse, un conte horrifique situé en Terre-Neuve en 1890, où Willem Dafoe incarne un gardien de phare face à Robert Pattinson. Tourné en 35 mm noir et blanc avec un équipement datant du début du siècle dernier, le film n’a pas été une partie de plaisir pour les acteurs, qui se sont à peine adressé la parole entre les prises et en sont ressortis exténués par l’exigence physique de leurs rôles et celles du réalisateur. A24, la boîte spécialisée dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’« elevated genre » (entendez par là le fantastique arty type The Witch, Hérédité et A Ghost Story), se charge de distribuer le film aux USA dans les mois qui viennent. C’est également sous leur bannière que sortira début août Midsommar, le deuxième film d’Ari Aster, qui a fait sensation l’an passé avec Hérédité. Et il ne change pas son fusil d’épaule, puisque le film s’intéresse à un couple venu rendre visite à des amis en Suède alors que se prépare le festival d’été de la petite ville où ils résident, laquelle va se révéler être le fief d’une secte païenne. Aster, qui a affirmé qu’il s’agirait là de son dernier film d’horreur avant un bon bout de temps (il a en projet un thriller de SF), a précisé que Midsommar était un « conte horrifique scandinave apocalyptique ». Comme la belle Florence Pugh occupe la tête d’affiche (qui l’a vue dans The Young Lady n’en est pas ressorti indemne), c’est peu dire qu’on attend la chose avec impatience, car même s’il est permis de trouver Hérédité parfaitement ridicule, le talent formel et le bon goût de son réalisateur ne font aucun doute. Eux aussi déterminés à produire de l’horreur adulte (ils sont derrière toute la filmo de Mike Flanagan), les gens d’Intrepid Pictures s’appuient sur Ciarán Foy (Citadel, Sinister 2) pour Eli, où un jeune garçon soigné pour une maladie auto-immune dans une maison de repos tout ce qu’il y a de plus rassurante (et agréable, puisque Kelly Reilly joue une infirmière) se rend compte qu’il est en fait prisonnier d’une clinique peuplée de spectres. Adapté d’un script de la fameuse Black List rédigé par les scénaristes de The Jane Doe Identity, le film devait sortir en salles ces jours-ci mais a été acheté par Netflix, qui compte sans doute sur la présence au casting de Sadie Sink (Max dans Stranger Things) pour faire grimper l’audience. Quant à son partenaire dans la série Finn Wolfhard, il continue de monter en grade ; après Ça, voilà qu’il se retrouve dans l’un des films les plus bandants de l’année, à savoir The Turning, une nouvelle adaptation du Tour d’écrou de Henry James produite par Steven Spielberg. Et ce n’est pas qu’un label : celui-ci s’est impliqué dans le projet au point de virer le premier réalisateur envisagé (Juan Carlos Fresnadillo) parce qu’il n’était pas satisfait de la tournure prise par le script, et de le remplacer par Floria Sigismondi (The Handmaid’s Tale : la servante écarlate) avant de venir tous les jours sur le plateau pour superviser le tournage. On l’aura compris, la réalisatrice se retrouve un peu dans la même position que Tobe Hooper sur Poltergeist, Spielberg n’ayant d’ailleurs pas caché son désir de revenir à l’épouvante. Pour les étourdis qui n’auraient pas lu le livre ni vu Les Innocents, rappelons que l’histoire s’intéresse à une gouvernante (ici jouée par Mackenzie Davis) venue s’occuper de deux orphelins, Miles (Finn Wolfhard) et Flora (Brooklynn Prince, l’adorable fripouille de The Florida Project), et qui découvre que des fantômes rôdent dans la maison où elle a pris ses fonctions. Prévue en février, la sortie du film a été décalée mais ne saurait tarder. Autre gros morceau, Us marque le retour de Jordan Peele après Get Out et ne semble pas vraiment s’éloigner de ses thèmes d’élection. On y verra un jeune couple (Lupita Nyong’o et Winston Duke) et leurs enfants partir passer le week-end dans leur maison au bord de la plage avec quelques amis (dont Elisabeth Moss). Tout se passe bien jusqu’au moment où s’incrustent des invités non désirés. Tension raciale, home invasion et hypocrisie démocrate risquent fort d’être au menu le 20 mars, date de sortie du film chez nous. Révélé par l’excellent Under the Shadow, l’Iranien Babak Anvari signe quant à lui son premier film hollywoodien avec Wounds, qui met en vedette Dakota Johnson et l’excellent Armie Hammer. Celui-ci interprète un barman de la Nouvelle-Orléans qui ramasse un portable après une bagarre dans son pub et découvre qu’elle contient une série de photos et de vidéos qu’il aurait préféré ne jamais voir. Il va alors devenir la cible de forces qui les dépassent. Avec deux acteurs venus de chez Luca Guadagnino en tête d’affiche (l’une était dans Suspiria, l’autre dans Call Me by Your Name) et Annapurna Pictures à la prod’ (ils sont abonnés à Paul Thomas Anderson et Kathryn Bigelow), il y a fort à parier que le film, dont la sortie US est prévue fin mars, sera bien plus qu’un The Ring vaudou. 




BEGIN AGAIN
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