DES CENDRES AUX CENDRES

De toute évidence, David Bowie a bien plus marqué l’Histoire du rock que celle du cinéma. Pourtant, la carrière tout entière du « Thin White Duke », qu’elle prenne place sur les scènes de concert ou les plateaux de tournage, revêt une allure de happening cinématographique, ce qui explique peut-être que le chanteur ne trouvera que très peu de rôles à la hauteur de celui – ou plutôt ceux – qu’il a lui-même façonnés pour accompagner sa musique.
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Bowie était autant acteur que chanteur. Cette fusion a toujours été très consciente : en 1966, alors que sa carrière musicale peine à décoller, il va à la rencontre de Lindsay Kemp, mime et chorégraphe qui a étudié auprès du mime Marceau, et lui demande de le prendre comme élève. « Je lui ai appris à s’exprimer et à communiquer à travers son corps » se rappelle Kemp. « Je lui ai aussi appris à danser, je lui ai inculqué l’importance du look via le maquillage, les costumes, la mise en scène, la performance technique… Je lui ai donné des livres à lire et des images à regarder. Nous avons discuté de kabuki, d’artistes avant-gardistes… » (1) Une formation qui sera pour beaucoup dans l’explosion de l’artiste, d’abord en 1970 avec la pochette de The Man Who Sold the World, où Bowie pose habillé en femme, mais surtout en 1972 avec l’album The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, où Bowie se fond dans la peau du premier (même si Major Tom pourrait hériter de cet honneur) des personnages musicaux qui jalonneront sa discographie. Si Ziggy Stardust deviendra l’un des étendards du glam rock, son origine est purement science-fictionnelle, le personnage étant la manifestation terrienne d’une entité alien désireuse de délivrer un message aux habitants de la planète Terre. Cheveux rouges, maquillages outranciers, costumes délirants et flashys, scénographie outrée (notamment dirigée par Lindsay Kemp) : la musique est accompagnée d’une création de personnage et d’univers fantastiques. « Je n’ai jamais eu vraiment confiance en ma voix en tant que chanteur » explique-t-il, « je pensais que si je ne faisais que chanter, j’ennuierais tout le monde. J’avais envie de mettre les chansons en scène plutôt que de simplement les chanter. C’est vraiment comme ça que tout a commencé. Je voulais leur donner une dimension supplémentaire. » (2) Pourtant, Bowie n’avait pas attendu 1972 et Ziggy pour endosser un rôle : en 1967, il incarne une figure maléfique qui s’extrait d’un tableau pour en terroriser l’auteur dans le court-métrage de 13 minutes The Image du débutant Michael Armstrong, qui réalisera trois ans plus tard le culte La Marque du Diable.


VENU D’AILLEURS

Après deux captations télé de shows montés par Kemp (The Pistol Shot en 1968 et Pierrot in Turquoise or The Looking Glass Murders en 1970) ainsi qu’une apparition fugace dans le long-métrage The Virgin Soldiers (1969), Bowie mettra ses aspirations cinématographiques en veilleuse le temps de forger sa légende musicale. Après avoir tué Ziggy Stardust lors d’un légendaire concert américain, il façonne Aladdin Sane (un jeu de mots sur « a lad insane », soit « un gars taré »), puis Halloween Jack, « héros » de l’album Diamond Dogs qui devait être, à l’origine, une adaptation musicale du 1984 de George Orwell (projet refusé par les héritiers de l’écrivain). La science-fiction et l’imaginaire continuent donc d’infuser la musique de Bowie, qui crée ensuite The Thin White Duke, avatar post-glam rock plus terre à terre. C’est pourtant durant cette période, où le chanteur est en pleine parano cocaïnée, qu’il accepte le premier rôle de L’Homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg. Il n’est pas le premier choix du réalisateur, qui avait auparavant pensé à Peter O’Toole, puis Mick Jagger, avec lequel il a fait Performance en 1970, et enfin Michael Crichton, le futur auteur de Jurassic Park. C’est ap [...]

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