"Avatar : la voie de l'eau", no man's sea

Avatar : La voie de l'eau

Comment écrit-on la suite du plus gros succès de l’Histoire du cinéma ? « En prenant son temps pour faire les choses bien » nous répondait il y a quelques mois Jon Landau. Alliant une fresque familiale intimiste à un spectacle aux proportions inédites, La Voie de l’eau justifie largement les treize années qui le séparent du film original, et pave la voie à une saga qu’on peut déjà qualifier de colossale…

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Le modèle de James Cameron pour la saga Avatar, comme il l’explique à longueur d’interviews, a toujours été Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Tournés simultanément et complétés par des prises de vues additionnelles en 2002 et 2003, La Communauté de l’Anneau, Les Deux tours et Le Retour du roi étaient toutefois partis avec un avantage : le réalisateur néo-zélandais avait pu s’appuyer sur les romans de J.R.R. Tolkien pour expliquer aux comédiens l’arc complet de leurs personnages.

Les performances obtenues, superbement incarnées, étaient surtout cohérentes avec le projet d’ensemble, ce qui, dans une œuvre de fantaisie, est une nécessité souvent négligée. Souhaitant adopter la même approche créative à long terme, Cameron a décidé de rédiger toutes les suites d’Avatar en même temps, avec la collaboration de Rick Jaffa, Amanda Silver, Josh Friedman et Shane Salerno.

Bien avant d’arpenter le plateau des opus 2 et 3 (ce dernier devrait mettre en scène un clan na’vi belliqueux, le peuple des cendres, face à des humains moins manichéens que prévu), les acteurs auront ainsi été mis dans la confidence vis-à-vis des épisodes 4 (qui devrait se dérouler en partie dans l’espace) et 5 (qui posera ses caméras sur Terre).

Souhaitant exploiter tout le potentiel esthétique et thématique de son nouvel univers, Cameron avait promis d’aborder chaque long-métrage comme un récit autonome, proposant ses propres défis technologiques et son atmosphère bien spécifique. Fait rare, La Voie de l’eau confirme ce discours tenu durant depuis le début de la tournée promo tout en posant avec un sens impressionnant du dosage les bases d’une mythologie inépuisable.



Jake Sully (Sam Worthington) et sa famille en pleine transhumance.


LE TOUR DE LA QUESTION

En 1986, Cameron s’était déjà prêté au délicat exercice de la « séquelle », mais son cultissime Aliens, le retour reposait sur un univers imaginé par d’autres. Coécrit par William Wisher, Terminator 2 : Le jugement dernier avait de son côté transcendé l’intrigue de son modèle et élargi ses frontières thématiques, mais il avait aussi fait le tour de son sujet, de la guerre futuriste aux affrontements entre les deux cyborgs en passant par des réflexions kubrickiennes sur l’humanisation potentielle des machines.

Il est d’autant plus intéressant de comparer le world building de T2 à celui de La Voie de l’eau, dont le premier quart d’heure ouvre une infinité de pistes narratives impossibles à digérer en « seulement » trois heures. La brève visite de la capitale humaine évoque la manière dont Peter Jackson filmait Minas Tirith dans La Communauté de l’Anneau : les plans d’établissement sont suffisamment spectaculaires pour poser les enjeux industriels du décor, et suffisamment frustrants pour attiser la curiosité du public, en attendant que Cameron s’y attarde plus posément dans les épisodes à venir.

Difficile également de ne pas penser à la façon dont George Miller cadrait la « Bullet Farm » dans Mad Max: Fury Road : Furiosa dirigeait sa machine de guerre vers la cité lointaine avant de braquer soudainement, faisant ainsi pivoter le récit à 90 degrés. Dans le même ordre d’idée, tout le monde attendait de Cameron qu’il prolonge son œuvre de façon rectiligne, comme engoncé dans le confort d’un train lancé à vive allure. Le fait que l’aventure démarre justement par le sabotage d’un chemin de fer est une déclaration en soi, le cinéaste dynamitant le carcan créatif que Hollywood aurait sans doute aimé lui imposer. 


MICRO ET MACRO

L’ambition narrative de Cameron se reconnaît dans l’arbre généalogique des Sully, magnifiquement tracé au fil du prologue. Cette famille nombreuse aurait pu « disneyiser » le propos ; elle l’aide au contraire à optimiser son impact, chaque enfant apportant ses propres problématiques à une macro-dramaturgie d’une densité remarquable.

Assumant son rôle de chapitre de transition sans que jamais cela n’entame la précision de sa structure (il s’agit bien d’un film, et non d’un épisode de série TV), La Voie de l’eau cultive les contrastes et les paradoxes, comme celui de proposer une aventure beaucoup plus resserrée et intime que la précédente, et dans le même temps des visions encore [...]

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