CLIMAX de Gaspar Noé

Climax

En lieu et place d’une critique classique, vous trouverez dans les pages qui suivent une discussion à bâtons rompus entre plusieurs membres de la rédaction sur la dernière expérience – forcément clivante – du réalisateur d’Irréversible. Un mode opératoire que nous réitérerons selon l’actualité, lorsqu’un film présentera assez d’aspérités pour motiver un pugilat verbal au sein de la Mad Team. Are you ready to rumble ?
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F.F.
Les gars, Climax sort en salles le 19 septembre. L’idée est de discuter du cinéma de Gaspar Noé de manière très subjective, et en particulier de Climax. Laurent, qu’évoque pour toi le nom de Noé ? As-tu des réserves, ou est-ce un cinéaste qui, au contraire, te séduit intégralement dans sa manière de faire du cinéma ?

L.D.
C’est un réalisateur que j’ai appris à aimer quand j’ai réalisé que chacun de ses films, en dépit des excès que l’on connaît, parle vraiment d’amour fou, malgré la forme extrêmement impure que cet amour peut prendre. C’est le coeur de son cinéma : une fois que l’on passe la barrière technique ou la singularité des environnements dans lesquels il filme ses personnages, ces derniers sont toujours animés par des sentiments très purs. C’est un geste que j’aime beaucoup : cacher cette espèce de naïveté sous des strates de mise en scène, de provocation… 

F.F.
La naïveté et la provocation sont souvent ce que l’on reproche à Gaspar Noé. Cédric, je crois que tu n’es pas trop fan de son cinéma. J’imagine que c’est peut-être son goût de la provoc’ qui t’agace un peu ?

C.D.
Non, ce n’est pas tellement ça, car je suis assez d’accord avec ce que dit Laurent concernant le fait que l’amour fou est au centre de son cinéma. Un peu comme Fabrice Du Welz, même si celui-ci déteste être comparé à Gaspar Noé… Avec raison d’ailleurs, car au niveau du traitement narratif, ça n’a rien à voir. Je trouve le cinéma de Noé intéressant quand il essaye de raconter quelque chose, autrement dit dans Seul contre tous, Irréversible, et même dans Love. En revanche, quand il commence à partir dans une espèce de psychédélisme postmoderne comme avec Enter the Void ou Cilmax, je décroche totalement. Attention, j’irai toujours voir un film de Noé, car ça reste intéressant, et techniquement, c’est un ténor. Mais en revanche, quand il ne raconte rien – et je pense que Climax ne raconte pas grand-chose –, c’est non. 

J.-B.H.
Je me situerais plutôt du côté de Cédric. Je ne suis pas très fan du cinéma de Noé en général. Pourtant, j’ai vu tout ce qu’il a fait, car oui, son travail est toujours intéressant. Quel que soit le sujet ou la manière dont il aborde visuellement ses films, on a toujours envie de mettre le nez dedans. Et si tu aimes le cinéma mad, tu ne peux pas passer à côté. Mais, bizarrement, le résultat ne me convainc jamais, que ce soit d’un point de vue narratif ou émotionnel. On parlait de Du Welz, et même s’il ne faut pas forcément comparer, le cinéma de ce dernier me touche beaucoup, surtout au niveau des personnages. Pour moi, c’est la porte d’entrée d’un film, et je n’ai jamais retrouvé ça chez Noé. Donc, en soi, je n’attendais pas forcément Climax, même si je dois avouer que le petit côté « guérilla » du tournage – comme si c’était un premier film – me plaisait bien. Je me disais : « Peut-être que ce sera plus resserré, plus libre, un peu moins provoc’… ». C’est peut-être pour ça que j’ai été assez séduit par le résultat qui, pour moi, possède les qualités de ses films précédents, mais pas les défauts. 




F.F.
Et toi Gilles, que penses-tu du cinéma de Noé de manière générale ?

G.E.
En fait, je n’ai pas vraiment de regard général sur Noé, mais en revanche, je me rapprocherais assez de ce que raconte Jean-Baptiste… Noé est très souvent pris en bloc, et pourtant, j’ai très diversement aimé ses films. Malgré leurs excès et leur idiotie plus ou moins volontaire, j’aime beaucoup Carne et Seul contre tous, et je trouve d’ailleurs que Climax est son meilleur film depuis ce dernier. Entre-temps, je trouve qu’il s’était pas mal perdu, et c’est notamment dû à Enter the Void, qui était un vieux projet. À mon avis, Noé était un peu à bout de souffle quand il l’a terminé. Le grand problème que j’ai avec Enter the Void, c’est que finalement, toute l’histoire du film est résumée au début, quand le mec descend les escaliers et raconte à son pote Le Livre des morts tibétain. Ensuite, on avait la mise en images de ce qui avait été raconté au départ. J’ai un peu plus apprécié Love, dont je trouve le début catastrophique, mais ensuite, il se passe quelque chose, le film devenait lancinant. J’ai vraiment retrouvé Gaspar Noé avec Climax. Lui qui se prépare énormément à l’avance, j’ai trouvé qu’il s’ouvrait là à l’imprévu. Il a enfin ouvert la porte au réel dans Climax – ce qui peut sembler paradoxal, vu le côté très maîtrisé du film –, et tout à coup, j’ai retrouvé le Gaspar Noé de Seul contre tous, voire mieux. 

F.F.
Et c’est peut-être l’un des très rares cinéastes en France à avoir une identité visuelle et narrative aussi forte et identifiable. On reconnaît dès les premières secondes un film de Gaspar Noé. Gilles, pour rebondir sur ce que tu disais et utiliser un terme très « actuel », je trouve que Climax est vraiment un film « frais ». On sent l’énergie du metteur en scène, son ouverture, sa recherche d’accident d’une certaine façon… C’est quelque chose que je trouvais dans Irréversible, même si dans ce dernier, on savait qu’on allait très rapidement plonger dans la gravité. Dans Climax aussi, mais on y trouve un aspect festif beaucoup plus évident, qui est d’ailleurs revendiqué par l’affiche du film. Il y a une sorte d’hyper-énergie, quelque chose de très contemporain aussi. Comme tu disais, Gilles, on retrouve un Gaspar Noé « jeune ». 

G.E.
Oui, il s’ouvre à ces jeunes gens qu’il fait danser et jouer, il les montre tels qu’ils sont, parfois antipathiques, parfois sympathiques… C’est une jeunesse qui peut être pleine d’énergie, faire tomber les barrières, notamment sexuelles… et qui peut aussi être raciste, réac’, comme le mec qui ne veut pas que sa soeur couche avec des gens… D’ailleurs, Climax est assez complexe de ce point de vue. Et dès son entrée en matière : « Un fil [...]

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