Cinéphages n°345

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ALONE 
2020. USA. Réalisation John Hyams. Interprétation Jules Willcox, Marc Menchaca, Anthony Heald… Disponible en VOD. 
John Hyams ne s’est pas contenté d’infuser du Apocalypse Now et du Gaspar Noé dans son Universal Soldier : le jour du jugement, il l’a fait avec talent. On pourrait même dire qu’il a fait de Scott Adkins un acteur digne de ce nom. La réussite de la série Black Summer pour SyFy lui doit énormément, au point de faire de l’ombre au show Z Nation, dont il constituait la préquelle. Même lorsqu’il donne l’impression de rentrer dans le rang avec un bestiau de festival comme All Square, il parvient à irriguer ce récit sportif d’assez de méchanceté pour émerger du marasme d’un genre balisé. Alone marque une nouvelle étape dans son passionnant parcours. À première vue, un récit à l’os, d’une simplicité déroutante sur le harcèlement d’une femme a priori fragile, et sa résilience pour échapper à son bourreau. Le remake très appliqué du film suédois Försvunnen, qui évoque en outre le beaucoup plus énervé Hunted de Vincent Paronnaud. La vraie mise en danger, pour John Hyams, se niche dans le renoncement à ses gimmicks tapageurs de mise en scène. Exit les séquences stroboscopiques, les plans-séquences spectaculaires, les artifices de montage : resserré jusqu’à l’étouffement sur les performances d’un casting impeccable, Alone est un modèle de thriller angoissant, et le témoignage que John Hyams n’est pas qu’une sensation fugace, mais un vrai putain de réalisateur.

F.C. 




THE POOL
2018. Thaïlande. Réalisation Ping Lumpraploeng. Interprétation Theeradej Wongpuapan, Ratnamon Ratchiratham… Disponible en SVOD (Shadowz). 
Le pitch de ce survival thaïlandais est particulièrement couillon : à l’issue d’une grosse soirée de fin de tournage, un technicien s’endort sur un matelas pneumatique dans une vaste piscine, et se réveille au fond de celle-ci, l’eau vidée, l’échelle inatteignable, avec un crocodile bientôt à ses basques. La suite se révèle encore pire, notre simili héros accumulant les pires décisions, bien souvent en dépit du bon sens. Pour le meilleur et pour le pire, The Pool est un pur produit de festival. Pour le meilleur, le voir dans une salle au public chauffé à blanc est un grand moment d’ivresse collective, où le moindre rebondissement est vécu de façon viscérale, entre l’angoisse et la franche jubilation. Pour le pire, voir le film seul chez soi risque fort de n’être qu’un grand moment de frustration face à un empilement dramaturgique relevant de la pure manipulation émotionnelle. Le sens de la fête étant ce qu’il est en ce moment, retrouvez-vous à six chez quelqu’un, portez des masques, ne criez pas trop fort, buvez avec modération, vous passerez peut-être un moment relativement sympathique.

F.C. 




MINUIT DANS L’UNIVERS
The Midnight Sky. 2020. USA. Réalisation George Clooney. Interprétation George Clooney, Felicity Jones, Kyle Chandler… Disponible en SVOD (Netflix).
Bénéficiant d’un énorme capital sympathie auprès du public en tant qu’acteur, George Clooney est régulièrement encensé par la presse américaine (et sa grille de lecture strictement politique) comme un metteur en scène de premier plan. Si l’homme peut effectivement être un très bon comédien (En pleine tempête, The Descendants), il est permis de se montrer plus réservé en ce qui concerne son travail de cinéaste, alors même qu’il se montre parfois un excellent producteur (Syriana, Argo). Très engagé à gauche, il pratique un cinéma certes influencé par le grand Sydney Pollack (qui produira Michael Clayton) mais souvent ennuyeux, manquant de subtilité, où l’émotion apparaît bien souvent mécanique. Cependant, les choses semblent s’être améliorées ces dernières années avec Monuments Men, agréable film de guerre old school qui n’a pas d’autre prétention que de divertir, et Bienvenue à Suburbicon, cruelle et jouissive comédie noire hitchcockienne écrite par les frères Coen avec son pote Matt Damon en père de famille parfaitement abject. Marqué par son expérience sur Gravity et (un peu trop) par la vision d’Interstellar, Clooney s’attaque au projet le plus ambitieux de sa carrière avec Minuit dans l’univers, qui mélange post-apo, science-fiction et mélodrame dans un spectacle où l’existentiel ne l’emporte jamais sur le suspense. L’histoire se passe dans un futur proche : l’espèce humaine a été décimée par des radiations qui ont rendu la quasi-totalité de la planète inhabitable. Atteint d’un cancer, le scientifique Augustine Lofthouse (George Clooney, impeccable) a préféré se retrancher dans une base en Arctique plutôt que d’être évacué. Pendant ce temps, dans l’espace, un vaisseau effectue son voyage de retour vers la Terre après avoir localisé une lune de Jupiter colonisable par l’homme, ignorant que rien ni personne ne l’attend à son arrivée. Augustine réussit à entrer brièvement en contact avec l’équipage, mais la liaison n’est pas suffisante pour qu’il puisse les avertir. Accompagné d’une petite fille qui s’était cachée dans la base, il se lance dans un périlleux voyage sur la banquise vers une antenne radio plus puissante, tandis que le vaisseau affronte une pluie de météorites qui endommage gravement l’appareil. Ponctuant la narration de flashes-back qui éclairent la personnalité de son héros, Clooney parvient par on ne sait quel miracle à trouver le juste équilibre entre les péripéties vécues sur Terre et dans l’espace tout en faisant exister chacun de ses personnages avec un amour évident pour ses excellents comédiens, jusqu’à un double twist final proprement bouleversant. L’autre bonne nouvelle, c’est que sa mise en scène est au diapason de ses ambitions dramatiques, avec notamment des séquences spatiales qui raviront les fans de Star Trek et ont de toute évidence inspiré le compositeur Alexandre Desplat. Toujours sobre dans ses effets, plein d’un mélange d’espoir et de résignation en l’Humanité, Minuit dans l’univers est aussi une oeuvre très intime : le fait que Clooney soit devenu père depuis peu n’est sûrement pas étranger à sa beauté mélancolique.

C.D. 




SONGBIRD
2020. USA. Réalisation Adam Mason. Interprétation K.J. Apa, Sofia Carson, Craig Robinson… Disponible en VOD.
Voilà ce qu’on appelle un film de petit malin. Ce qui n’est pas forcément un défaut en soi. Comment reprocher à un cinéaste – ici le Britannique Adam Mason – de profiter de la situation provoquée par le confinement lié à la COVID-19 pour mettre sur pied un long-métrage lui permettant de profiter gratuitement de vastes décors urbains totalement désertés ? Avec l’aide de quelques producteurs (dont Michael Bay et sa boîte Platinum Dunes) et comédiens en quête de travail, Mason a ainsi tourné, au printemps dernier, l’ambitieux Songbird, love story apocalyptique dans laquelle un coursier immunisé contre un virus ravageur (ici la COVID-23 !) tente de sauver sa dulcinée recherchée par les autorités sanitaires. Visiblement influencé par Robert Altman, le réalisateur de Hangman compose une mosaïque narrative visant à explorer les tenants et les aboutissants moraux, sociologiques et politiques d’une telle situation. Si l’ambition est louable, le scénario reste trop souvent à la surface des choses en exploitant de manière anecdotique les dilemmes d’une galerie de personnages hétéroclites, allant de la mère bourgeoise au vétéran de guerre en passant par la chanteuse sexy en quête de followers. Plutôt convaincants (à l’exception de Demi Moore, qui se livre à un véritable numéro de somnambulisme), les comédiens tirent le meilleur parti de leur (maigre) rôle, à commencer par Peter Stormare, interprète d’un fonctionnaire victime de son hubris démesuré. Question mise en scène, on se montrera moins enthousiaste vis-à-vis des capacités d’Adam Mason, tant celui-ci peine à gérer la topographie de ses scènes d’action, quand il n’a pas la fâcheuse manie de coller son grand angle sur le nez des acteurs. On tiendrait presque le fils spirituel de Jean-Marie Poiré… Heureusement, le travail des différents départements artistiques se montre suffisamment solide (photo, montage, musique, tout est carré) pour faire de Songbird une série B catastrophe honnête, mais instantanément oubliable, confirmant ainsi ce que l’on craignait lors de l’annonce du projet : le film ne doit son existence qu’à la situation sanitaire que nous traversons actuellement. Ce qui aurait pu aboutir à un résultat intéressant si la substance même du sujet ne surfait pas de façon aussi ostentatoire (et trop immédiate) sur [...]

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