Cinéphages n°343

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CADAVER
Kadaver. 2020. Norvège. Réalisation Jarand Herdal. Interprétation Gitte Witt, Thomas Gullestad, Thorbjørn Harr… Disponible en SVOD (Netflix).
Dans une ville norvégienne qui ne lésine pas sur l’ambiance post-ap, un mystérieux Monsieur Loyal de passage propose aux quelques survivants une expérience théâtrale interactive dans un hôtel non loin. Sur place, une petite famille découvre avec ravissement un lieu faste, où ils sont nourris copieusement avant que l’expérience ne commence. Très vite, l’atmosphère dérape franchement et révèle un mécanisme de prédation des riches sur les plus faibles d’une grande violence. La structure narrative du deuxième long-métrage de Jarand Herdal est confondante de littéralité, d’une clarté cristalline dans les intentions… pour ne pas dire qu’elle tombe dans une candeur marxiste quasi adolescente. La finesse est morte, pendue pour le bon plaisir des nantis détenteurs d’un compte Netflix. Cadaver rappelle d’autant plus les maladresses de Furia, le premier long-métrage d’Alexandre Aja tourné à 20 ans par son auteur, que Jarand Herdal est lui aussi dans sa jeune vingtaine. Encore plus précoce, il avait réussi à trousser son premier film (Everywhen en 2013) à 17 ans, et à le sortir en salles, fort de la mention un poil amphigourique de « premier film de science-fiction norvégien ». Depuis, le bougre a persévéré dans la composition d’un univers futuriste bleuté pour des pointures pas très fraîches comme Steve Aoki, a invité Danny Trejo dans un autre clip, et a donc signé une exclusivité Netflix pour son nouveau long-métrage. Aussi compliqué que ça puisse sembler sur le papier, il faut néanmoins dépasser l’évidence discursive du film pour se repaître goulument de ses qualités.
Une fois que les protagonistes pénètrent l’enceinte de l’hôtel, Herdal met de côté son obsession pour le bleu, présente dans le prologue post-apocalyptique, et mise tout sur le rouge, pour une raison encore une fois évidente. Il y aura du gore, merveilleusement accentué par des prises de vues anamorphiques captant tous les détails dérangeants, et par un sound design spongieux à souhait. Le dispositif évoque celui du traumatisant premier épisode de la saison 2 de Channel Zero, emprunte clairement à la mythologie des Hostel. Herdal s’en réapproprie tout le potentiel de fascination, construit méthodiquement son escalade dans l’horreur. Une fois lancé dans le labyrinthe, impossible de s’en détacher, quelles que soient les sorties de route, tel personnage principal expédié, telle réaction absurde face au danger. Cette histoire nous a déjà été racontée de nombreuses fois, de façon moins frontale, mais l’application du metteur en scène/scénariste et l’implication de ses acteurs happent et ne lâchent jamais prise. Cadaver remporte haut la main la compétition de films bis énervé du mois, et la marge de progression depuis Everywhen est à ce point impressionnante qu’il serait sage de guetter les prochains films de Jarand Herdal du coin de l’oeil énucléé…

F.C.




MANDIBULES
2020. France. Réalisation Quentin Dupieux. Interprétation David Marsais, Grégoire Ludig, Adèle Exarchopoulos… Sortie prévue fin 2020 (Memento Films Distribution 
« Après, tu vois, les films d’horreur, c’est des trucs qu’on n’a pas envie de revoir. […] Par exemple Re-Animator. Ça, c’étaient les films à voir absolument quand on était un jeune abruti de 15 ans, à mon époque. » Marrant comme les mots de Quentin Dupieux (extraits de l’émission Vidéo Club de Konbini enregistrée il y a deux ans) peuvent si bien s’appliquer à son propre cinéma. Ne retournons pas complètement notre veste par susceptibilité geek néanmoins : le réalisateur de Rubber a toujours bénéficié d’un traitement largement positif dans nos pages, et ce Mandibules piquait notre curiosité depuis déjà plusieurs mois. Sauf que l’hénaurme pitch-blague Carambar du long-métrage (deux neuneus apprivoisent une mouche géante trouvée dans le coffre d’une bagnole) accouche non pas de la farce nonsensique « promise », mais d’un petit objet branchouille replié sur lui-même, dont la folie ultra consciente annihile toute spontanéité et authentique dérision. Les grimaces et contre-emplois d’un casting qui hurle son hétéroclisme comme principal argument promo ne sauvent évidemment pas les meubles : Mandibules se subit une fois et pas deux, et contrairement à ce cinéma de genre que Dupieux juge ringard et irregardable aujourd’hui, ne risque pas de générer un quelconque culte, si ce n’est celui de l’autocentrisme de son metteur en scène.

F.F. 




DES VAMPIRES DANS LE BRONX
Vampires vs. the Bronx. 2020. USA. Réalisation Osmany Rodriguez. Interprétation Jaden Michael, Gerald Jones III, Gregory Diaz IV… Disponible en SVOD (Netflix). 
Le script a UNE idée : représenter le phénomène de gentrification par un groupe de vampires blancs comme neige venant prendre possession d’un quartier, de manière sanglante il va sans dire. Et cette idée, Des vampires dans le Bronx va la répéter, encore et encore, au risque de traiter tous ses personnages par-dessus la jambe, et de s’appuyer sur des caméos sympathiques mais trop faiblards (Method Man a rarement été aussi mauvais, c’est dire) pour susciter l’adhésion. Les férus de la chose vampirique sortiront consternés de la représentation d’une horde de suceurs de sang dont ne voudrait pas le plus obscur des carnavals.

F.C. 




LIFECHANGER
2018. Canada. Réalisation Justin McConnell. Interprétation Lora Burke, Jack Foley, Elitsa Bako… Disponible en VOD. 
Si le principe de l’entité forcée de changer de corps quand son hôte se dégrade rappelle les glorieuses heures du Hidden de Jack Sholder ou même du plus taquin Borrower de John McNaughton, le quatrième long-métrage du Canadien Justin McConnell prend une direction sensiblement différente. Lifechanger pourra combler les fans de body horror de quelques effets prosthétiques du meilleur goût, mais son rythme empesé, ce fil rouge romanesque tissé aléatoirement et ce goût pour la pose évoquent plutôt le cinéma ultra indépendant de Shane Carruth (Primer, Upstream Color) et, dans son ensemble, une certaine vision du cinéma de genre qui a tendance à contaminer les productions anglophones modestes. La fin des années 2010 nous a légué cette image numérique grisâtre, rehaussée au petit bonheur la chance de touches de couleurs criardes. L’héritage ne s’arrête pas là : l’intrigue se compose pour grande partie au montage, des comédiens interchangeables défendent mollement des personnages fonction… Et même lorsque le film affiche certaines qualités cinématographiques, comme c’est le cas ici, son souvenir se noie dans la masse informe de ses compagnons esthétiques, parfois vus en festivals, systématiquement échus en VOD.

F.C. 




DEPRAVED
2019. USA. Réalisation Larry Fessenden. Interprétation Alex Breaux, David Call, Ana Kayne… Disponible en SVOD (Shadowz). 
Au début de sa carrière dans les marges du cinéma d’horreur américain, en 1991 pour être précis, Larry Fessenden flirtait déjà avec l’oeuvre phare de Mary Shelley dans Le Syndrome Frankenstein, et son énorme message clignotant contre les expérimentations sur les animaux. Il revient ici à la thématique du Prométhée moderne sur les traces de la version de Bernard Rose cuvée 2015, mais de l’autre côté des États- Unis. La créature de Fessenden, conçue pour apaiser le stress post-traumatique d’un médecin militaire, arpente les nuits new-yorkaises, boit des verres avec des filles, encaisse les lumières stroboscopiques avec aplomb entre deux bouffées psychédéliques. Depraved valse constamment entre un gros désir de bis, palpable dans la moindre scène, et une tentation auteuriste coupable ; une hésitation qui se reflète en permanence dans la performance « quitte ou double » d’Alex Breaux en agrégat de cadavres torves. En résulte un objet suffisamment étrange pour se laisser suivre sans déplaisir, quand bien même il ne cesse de dérouter sur ses intentions.

F.C. 




BONS BAISERS DU TUEUR
2020. USA/G-B. Réalisation Danis Tanovic. Interprétation Jeffrey Dean Morgan, Famke Janssen, Cush Jumbo… Disponible en SVOD (Prime Vidéo). 
En 2001, autant dire il y a une éternité, Danis Tanovic faisait le tour du monde avec son film No Man’s Land, comédie dramatique sur fond de conflit des Balkans. Par la suite, le bonhomme a connu un parcours classique de « one hit wonder » venue de l’Est : une production française atone, une américaine du même tonneau, puis un retour au pays la queue entre les jambes. Pire que ça : son dernier film, Mort à Sarajevo, poussait le déni de soi jusqu’à adapter une pièce de Bernard-Henri Lévy. Le karma étant une fille de joie, le voici logiquement de retour avec un direct-to-VOD anonyme au possible, truffé de tics de mise en scène et de montage désuets. Les acteurs, Jeffrey Dean Morgan et une Famke Janssen tristement botoxée en tête, affichent un sérieux papal tout du long d’un récit virant lentement mais sûrement à la pantalonnade (un couple de tueurs en série reproduit des tableaux avec leurs victimes et… envoie des cartes postales). Une poignée de compétences artistiques se devine, et n’en rend la vision que plus triste.

F.C. 




HUBIE HALLOWEEN
2020. USA. Réalisation Steven Brill. Interprétation Adam Sandler, Kevin James, Julie Bowen… Disponible en SVOD (Netflix). 
Niché au coeur du terrifiant Adam Sandler Cinematographic Universe (ASCU, ass-cul, vous l’avez ?), Hubie Halloween affiche la sempiternelle paresse des productions du comédien depuis au bas mot une trentaine d’années. Sandler joue l’un des trois seuls personnages auxquels il se cantonne désormais (ici le couillon au grand coeur à la voix fluette), l’intrigue s’étire indéfiniment autour d’une vague de disparitions pas du tout anxiogènes tant le désir est grand de voir le moindre personnage secondaire disparaître à tout jamais. Sauf que cette fois, Sandler et ses éternels camarades de jeu ne sont pas allés passer du bon temps dans un endroit paradisiaque, mais à Salem. Bel effort.

F.C.





NISHABDHAM 
2020. Inde. Réalisation Hemant Madhukar. Interprétation Anushka Shetty, Madhavan, Michael Madsen… Disponible en SVOD (Prime Vidéo). 
Attention, nanar réservé aux gourmets. Énième thriller indien bas d [...]

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