Cinéphages n°339

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THE BEYOND
2017. G-B. Réalisation Hasraf Dulull. Interprétation Jane Perry, Nigel Barber, Noeleen Comiskey… Disponible en VOD. 
Traînant derrière lui une riche carrière dans les effets visuels hollywoodiens (Le Monde de Narnia 2, Hellboy II, The Dark Knight), Hasraf Dulull s’est émancipé des grands studios VFX en truquant en solo de nombreux documentaires et feuilletons destinés à la télévision anglaise. Concurrent direct de Gareth Edwards à la fin des années 2000, il voit son rival prendre son envol dans la réalisation avec le superbe Monsters et décide de lui emboîter le pas avec quatre courts-métrages de 2011 à 2016. Son cinquième, intitulé The Beyond, deviendra un long en cours de production. Cet objet hybride, entre documenteur et épopée de science-fiction, n’a évidemment rien à voir avec le film homonyme de Lucio Fulci. L’auteur tente plutôt de bricoler un récit métaphysique avec les faibles moyens dont il dispose, et s’en sort in extremis grâce à un épilogue visuellement sidérant pour une production de ce calibre. Dulull réitèrera l’année suivante avec 2036 origine inconnue (critique in Mad Movies 325), mais fera l’erreur de se frotter un peu trop directement à un certain classique de Stanley Kubrick…

A.P.



THE NIGHT CLERK
2020. USA. Réalisation Michael Cristofer. Interprétation Tye Sheridan, Ana de Armas, Helen Hunt… Disponible en VOD.
L’originalité d’un personnage principal suffit-elle à faire un film ? Celui de The Night Clerk n’est pas piqué des vers : affecté d’autisme, il excelle pourtant dans son job de réceptionniste d’hôtel, où sa maniaquerie fait merveille. Mais les choses dérapent quand il est témoin d’un meurtre passionnel qu’il ne peut pas dénoncer, car il l’a surpris grâce à une caméra-espion placée dans une chambre – le pauvre, ce n’était même pas pour mater des femmes à poil, mais pour observer les gens afin de mieux s’intégrer à la société. Trop d’émotions d’un coup : déjà asticoté par un flic suspicieux, il fait la connaissance inespérée d’une gentille cliente qui a le ravissant minois d’Ana de Armas… Comme l’a dernièrement montré À couteaux tirés, la Cubaine est une très bonne actrice, et il y a beaucoup de charme dans son tandem avec Tye Sheridan, qui livre une prestation détonante dans le rôle du Rain Man aubergiste. Reste à savoir si ces atouts peuvent racheter le rebondissement final, un peu désarmant tellement il est cousu de fil blanc. Pas sûr du tout.

G.E.



CHEZ MOI
Hogar. 2020. Espagne. Réalisation David & Àlex Pastor. Interprétation Javier Gutiérrez, Mario Casas, Bruna Cusí… Disponible en SVOD (Netflix).
Javier (Javier Gutiérrez) est un vétéran de la pub qui a depuis longtemps fait ses preuves, ce qui lui a permis de mener une existence luxueuse avec femme et enfant dans une résidence haut de gamme. Mais ses techniques de vente ont vieilli avec lui, et le voilà qui se retrouve au chômage du jour au lendemain. Après avoir échoué à tous ses entretiens d’embauche, il doit se résoudre à déménager dans un logement beaucoup plus modeste. Incapable de digérer cette déchéance sociale, Javier décide alors de de manipuler le jeune couple qui a emménagé dans son appartement afin de récupérer ce dernier… Repérés avec Infectés et Les Derniers jours, les frères Pastor sont ici plus proches du thriller domestique cher aux années 90 que du home invasion psychologique. Et de façon plutôt adroite, puisque le triste sort de Javier provoque d’abord l’empathie, alors que notre héros se révèle être en réalité un sociopathe de la pire espèce dont le machiavélisme ne connaît aucune limite. Dommage que le film, jusqu’au-boutiste dans sa progression immorale, souffre d’une intrigue inutilement tarabiscotée et d’une mise en scène paresseuse.
C.D.



TYLER RAKE
Extraction. 2020. USA. Réalisation Sam Hargrave. Interprétation Chris Hemsworth, Rudhraksh Jaiswal, Golshifteh Farahani… Disponible en SVOD (Netflix).
LA TERRE ET LE SANG 
2020. France/Belgique. Réalisation Julien Leclercq. Interprétation Sami Bouajila, Eriq Ebouaney, Samy Seghir… Disponible en SVOD (Netflix).
Hasard du calendrier, Netfix accueille simultanément deux actioners particulièrement bourrins, mettant en scène des héros en bout de course cherchant à protéger une jeune proie fragile des griffes de violents trafiquants de drogue. Si l’argument est comparable à bien des égards, c’est sur le traitement que l’expérience diffère. Réalisateur de Chrysalis avec Albert Dupontel, L’Assaut (un drame hors sujet dédié à une tristement célèbre prise d’otages en 1994) ou dernièrement Lukas avec JCVD, Julien Leclercq entend tirer parti de son décorum franchouillard, et a la bonne idée de ne jamais s’excuser lorsqu’il filme des fusillades dans une campagne profonde on ne peut plus terre-à-terre. Hélas, le cinéaste propose le strict minimum en termes de structure narrative et de développement. La Terre et le sang dure à peine une heure quinze hors générique, les méchants sont des pions caricaturaux, et les protagonistes centraux sont définis soit par leur couleur de peau, soit par leur handicap physique (la fille du héros est muette… et c’est tout ce qu’on saura d’elle). On pourrait prendre cela pour un parti pris d’écriture mais cette théorie ne tient pas, Leclercq prenant le temps de s’interroger sur la vie amoureuse d’une amie du héros lors d’une séquence superficielle, qui aurait dû finir sur le sol de la salle de montage. Sami Bouajila est comme toujours impeccable dans le rôle principal, mais sa performance est noyée dans des fusillades et des courses-poursuites en forêt dont l’ambition chorégraphique peut laisser perplexe.
La chorégraphie est au contraire la préoccupation première de Sam Hargrave, ex-coordinateur des cascades sur des superproductions comme les derniers Hunger Games, Captain America: Civil War ou Avengers: Endgame. Vu en 2010 dans l’adaptation cinéma du jeu The King of Fighters (aux côtés de David Leitch, un autre cascadeur passé à la réalisation avec John Wick et Atomic Blonde), Sam Hargrave n’est pas non plus du genre à s’embarrasser avec des développements de caractères trop envahissants. L’introduction du personnage éponyme est ainsi un modèle de concision : en à peine trente secondes, on comprend son alcoolisme, son passé tragique, ses tendances suicidaires et ses capacités physiques hors du commun. Ce n’est clairement pas du Kubrick, mais le fait de définir les différentes facettes du personnage à travers l’action rappelle la manière dont Shane Black et Richard Donner avaient introduit Martin Riggs dans L’Arme fatale. Sans verser dans des questionnements moraux incessants, l’ambiguïté de la mission de Rake, basée sur une association avec une famille de criminels notoires, donne également un peu de piment à une aventure qui aurait pu être désincarnée et rectiligne. Si le film ne manque pas de morceaux de bravoure ni de férocité (on sent que le scénariste Joe Russo se défoule après avoir respecté des années durant le PG-13 contractuel de Marvel), on retiendra enfin une volonté de rivaliser avec les standards esthétiques des meilleurs jeux vidéo de Naughty Dog. Mission accomplie : le plan-séquence de douze minutes placé à mi-parcours aurait tout à fait pu figurer dans un épisode d’Uncharted, et légitime à lui seul le prix d’un mois d’abonnement…

A.P.



BLOODSHOT
2020. USA/Chine. Réalisation Dave Wilson. Interprétation Vin Diesel, Eiza González, Toby Kebbell… Disponible en SVOD (Prime Video).
Mathieu Kassovitz a tenté de nous prévenir, dès que la moindre esquisse d’occasion lui été donnée, et les années écoulées depuis Babylon A.D. n’ont fait que le confirmer. Pour dire les choses poliment, Vin Diesel ne fait strictement rien pour contrecarrer la profonde antipathie qu’il est naturel et légitime (insistons sur ce point) de ressentir à son endroit. Ce petit d’homme grommelant vante les vertus de la famille dans la franchise la plus ridicule de notre temps, mais son ego de gros fragile le pousse notamment, à l’instar d’un Steven Seagal, à refuser la moindre défaite à l’écran autrement que par traîtrise. Cette contrainte bouffe ses projets de l’intérieur, rend chaque orientation artistique caduque. Ici, quel intérêt pour son personnage de devenir une version augmentée de lui-même, sachant qu’il est déjà un surhomme ? Ah si, il peut frapper des gros piliers à poing nu, désormais, parce que quand Baboulinet content, Baboulinet casser des trucs. Non pas que le film de Dave Wilson aurait marqué outre mesure la science-fiction de son empreinte : abstraction faite de la boule de vanité en son centre, ne reste qu’un univers dépeint sans grâce, à faire passer Upgrade de Leigh Whannell pour une toile de Géricault. La pandémie aura au moins eu ce mérite de ravaler Vin Diesel à sa juste place, au milieu d’autres DTV plus honorables en ambition.

F.C.



STRANGLED (FAUSSE PISTE) 
A martfüi rém. 2016. Hongrie. Réalisation Árpád Sopsits. Interprétation Károly Hajduk, Gábor Jászberényi, Zsolt Anger… Disponible en VOD.
Dans la Hongrie des années 50/60, un pauvre diable avoue le viol et le meurtre d’une jeune femme avec une obstination telle qu’on est sûr qu’il s’accuse à tort : voilà qui empêche ce Strangled d’être tout à fait un gros thriller des familles, malgré son style un brin académique. D’abord, les meurtres continuent évidemment, et sont montrés d’une façon bien craspec qui a suscité quelques scrupules moraux chez François Cau, pourtant celui qui aime le plus le film chez nous. Par ailleurs, le démêlement des noeuds de l’intrigue sert autant à démasquer et coincer le vrai coupable qu’à fouiller le panier de crabes d’un appareil communiste s’attachant à étouffer l’affaire, trop content d’avoir trouvé un bouc-émissaire pour éviter de parler de tueur en série. Cela donne une certaine épaisseur romanesque à l’oeuvre, notamment quand on découvre avec surprise quels personnages ont participé en secret à l’insurrection antisoviétique de 1956 et sont donc obligés de faire profil bas. D’accord, Caucau, c’est quand pas mal, ce film.

G.E.



LE FLÉAU DE BRESLAU
Plagi Breslau. 2018. Pologne. Réalisation Patryk Vega. Interprétation Malgorzata Kozuchowska, Daria Widawska, Katarzyna Bujakiewicz… Disponible en SVOD (Netflix).
Un psychopathe exécute des notables de Breslau (en Pologne) au rythme d’un péché capital par jour, selon une vieille coutume locale charmante et malencontreusement oubliée des riverains. Le touriste appréciera l’absence de raffinement des mises à mort, tout en écartèlement et autres mises en scène macabres bien, bien bourrines – les petits gars des maquillages prosthétiques et des effets spéciaux ont dû se régaler. L’intrigue défile de façon attendue, de révélations en retournements de situation et la bonne vieille mécanique vengeresse tourne à plein régime. Que voulez-vous, quand les démarches administratives n’aboutissent pas, il faut bien trouver un moyen de se faire entendre ma bonne dame, fut-ce par équarrissage. Au-delà de son itinéraire tout tracé, le film surprend par son volontarisme dans l’écriture de ses personnages féminins. D’un côté, une enquêtrice blasée, dans les dispositions mentales d’une héroïne de série policière nordique en fin de troisième saison, après le gosse assassiné de trop. De l’autre, une légiste omnisciente et brute de décoffrage. Le jeu un poil forcé de Malgorzata Kozuchowska et Daria Widawska menace de faire basculer l’ensemble dans la grand-guignolade, mais donne au final sa singularité au projet. Patryk Vega se démarque d’une courte tête du tout-venant, à lui de bien négocier la suite.

F.C.



EXTRA ORDINARY
2019. Irlande/Belgique/G-B./Finlande. Réalisation Mike Ahern & Enda Loughman. Interprétation Maeve Higgins, Barry Ward, Will Forte… Disponible en VOD.
Derrière ses airs de monitrice d’auto-école timide, Rose est une médium capable de communiquer avec les esprits. Un don que la jeune femme va mettre à profit le jour où elle est contactée par un homme dont la fille lévite au-dessus de son lit… Si vous regrettez que Peter Jackson ait définitivement (?) abandonné la comédie horrifique de ses débuts, vous serez sans doute tenté de découvrir cette attachante coproduction européenne dont l’esprit renvoie aux premiers travaux de l’auteur de Fantômes contre fantômes. En moins gore évidemment même si Extra Ordinary concilie le film de genre pur à la comédie de situation avec autant de rigueur que chez l’ami Peter. Jusqu’au dernier acte du moins puisque ce long-métrage parfaitement interprété (formidable Maeve Higgins) perd une bonne partie de sa singularité en délaissant ses personnages au détriment d’une débauche d’effets spéciaux numériques ratés. Toujours frustrant de terminer sur une aussi mauvaise impression…

J-B.H.



LOST GIRLS 
2020. USA. Réalisation Liz Garbus. Interpréta [...]

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