Cinéphages n°333

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GEMINI MAN 
2019. USA/Chine. Réalisation Ang Lee. Interprétation Will Smith, Mary Elizabeth Winstead, Clive Owen… Sorti le 2 octobre 2019 (Paramount Pictures France).
Ce film pose la question de savoir si une réelle réflexion sur la mise en scène peut surgir d’un scénario éventé. De manière presque caricaturale, l’histoire nous ramène en effet aux direct-to-DVD des années 90, au temps des actioners de SF hantés par la paranoïa et par le thème du double. Un espion d’élite prend sa retraite après avoir abattu un bioterroriste russe (sic), et bien sûr, comprend après coup qu’il a été trompé sur l’identité de sa cible. Poursuivi par ses anciens employeurs, il lève ainsi le lièvre d’un scandale d’État concernant la fabrication de super-soldats génétiquement modifiés… Bon, les dialogues, axés sur des sujets maousses costauds (la solitude et les doutes des assassins professionnels, le rapport aux pères de substitution), s’ils ne sont pas déshonorants, restent balisés au niveau psychologique. Sans doute faut-il y voir la volonté de Will Smith de rester un héros des familles, ce qui interdit toute plongée dans la véritable folie ou dans l’ivresse de puissance. Du coup, on est bien loin de l’excellent Replicant, où Van Damme livrait une prestation étonnante et auquel on pense pas mal.
Cependant, la présence de Smith est aussi un atout. Comme le public le connaît depuis l’époque où il était le Fresh Prince de Bel-Air, les trucages peuvent jouer sur les différentes strates temporelles de son personnage, en remodelant son visage à loisir. C’est assez fascinant, tout en achoppant sur les limites du procédé, bien que celui-ci ait fait des pas des géant depuis l’inénarrable apparition post-mortem de Peter Cushing dans Star Wars. En revanche, on est conquis par l’usage de la 3D+ ou HFR (120 images/seconde en natif, même si le film devrait être diffusé chez nous en 60 images/seconde en version 3D dans les salles équipées), déjà expérimentée par Ang Lee sur Un jour dans la vie de Billy Lynn. Déjà, le procédé créant automatiquement une impression accrue de réalité, l’auteur ne craint pas de revenir à un découpage serein. Et si la caméra s’excite à nouveau dans les séquences d’action, c’est selon des modalités adaptées à la situation : longs travellings à l’épaule pendant le duel/poursuite en Colombie, et dans les catacombes roumaines, flashes de lumière puis baston bien rugueuse au coeur de la pénombre. Bref, ce Gemini Man est un plus un objet composite (un thriller de SF sympa, jumelé à un rapport d’étape sur les technologies de l’image) qu’une oeuvre distillant une véritable émotion.

G.E.




SHAUN LE MOUTON, LE FILM : LA FERME CONTRE-ATTAQUE
A Shaun the Sheep Movie: Farmageddon. USA/France/G-B. 2019. Réalisation Will Becher & Richard Phelan. Sortie le 16 octobre 2019 (StudioCanal).
Cro Man, le précédent long-métrage des studios Aardman, nous avait laissé un goût amer : le génial Nick Park y était totalement passé à côté d’un sujet qu’il caressait pourtant depuis l’enfance. Les chiffres très mitigés de l’entreprise au box-office international, combinés au désastre commercial du récent Monsieur Link chez Laika, laissent à penser que l’animation en stop motion traverse la crise la plus grave de son Histoire. Lancée bien avant la sortie de Cro Man, la production du second Shaun le mouton apparaît dans ce contexte comme une question de survie pour Aardman, obligé de se replier sur ses franchises les plus populaires pour espérer perdurer face au monopole de plus en plus écrasant de l’animation en images de synthèse estampillée Disney. On a donc évidemment le droit d’être frustré face au manque d’ambition et d’originalité de La Ferme contre-attaque, bien loin des trésors d’imagination déployés dans Un mauvais pantalon, pour ne citer que lui. Mais dans le paysage actuel, on saura tout de même se contenter d’une direction artistique maîtrisée, de personnages en plasticine formidablement incarnés, d’une révérence constante vis-à-vis des codes du genre extraterrestre (dénicher tous les clins d’oeil est presque [...]

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