Cinéphages n°331

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X-MEN : DARK PHOENIX 
2019. USA. Réalisation Simon Kinberg. Interprétation Sophie Turner, James McAvoy, Michael Fassbender… Sorti le 5 juin 2019 (20th Century Fox France).
Depuis L’Affrontement final de Brett Ratner, adaptation ignoble de l’intrigue du Phoenix Noir, le scénariste Simon Kinberg s’efforce de faire amende honorable. Ayant participé à la renaissance de la saga X-Men au début des années 2010, il aurait lui-même tourné de nombreuses séquences de Days of Future Past et Apocalypse pour pallier l’absentéisme chronique de Bryan Singer. En 2017, la 20th Century Fox décide de lui confier officiellement les rênes de la franchise… qui entreprend aussitôt de reconstruire le socle narratif de X-Men 3. Mais outre ses problèmes hérités d’Apocalypse (en particulier le miscasting absolu de Tye Sheridan dans le rôle de Scott Summers), Dark Phoenix réitère instinctivement les pires erreurs du film de Ratner. Greffée artificiellement à l’intrigue, la mort d’un personnage central occupe certes un temps de projection plus élevé que celle de Cyclope en 2006, mais les clichés que manie Kinberg (regards embrumés, funérailles sous la pluie, querelle familiale dans une cuisine) tendent vers la parodie involontaire. La scénographie désespérément plate de Dark Phoenix évoque elle aussi la banalité visuelle de L’Affrontement final : passée une énième confrontation dans une banlieue pavillonnaire, Kinberg a l’idée saugrenue de situer l’une de ses batailles sur le seuil d’un hôtel new-yorkais, et parvient à priver Genosha, le fameux havre de paix investi par Magneto, de toute sa substance utopique.
Ce décorum quotidien aurait pu être un parti pris audacieux, une manière pour Kinberg de dégraisser une formule usée par deux trilogies et une pléthore de spin-off. Dark Phoenix n’a toutefois rien d’un drame intimiste et reproduit volontiers les mécanismes du blockbuster standard, jusqu’à un climax d’une quinzaine de minutes où les story-boardeurs semblent murmurer des idées en pagaille à l’oreille du metteur en scène. Ce morceau de bravoure regorge de gags mémorables (cf. la manière dont Magneto compresse un wagon infesté de bad guys), mais souligne aussi l’incapacité de Kinberg à s’extraire d’une construction scénique en deux dimensions. Terriblement linéaire, à l’image du train où se déroule son grand final, Dark Phoenix n’envisage sa mise en scène qu’en ligne droite, et aplatit tous ses enjeux dramatiques sous les quatre accords répétés une heure trente durant par le synthé de Hans Zimmer. Pour faire ses adieux aux personnages avant leur intégration au MCU de Disney, autant relancer le Blu-ray de Logan

A.P.




INTERVIEW JAMES MCAVOY ACTEUR
Propulsé au sommet de la chaîne hollywoodienne avec X-Men : le commencement, James McAvoy fait ses adieux au professeur Xavier dans Dark Phoenix

Dans cette seconde saga, vos personnages ne vieillissent pas d’un épisode à l’autre, alors qu’on fait à chaque fois un bond de dix ans dans le temps. Avez-vous discuté de la possibilité d’utiliser des maquillages spéciaux ?

Non, jamais. Ce n’était pas pratique, pour commencer, et surtout ça aurait parasité l’histoire. Le spectateur aurait été tout de suite attiré par ces détails au lieu de s’intéresser aux vrais enjeux. Le public n’a pas eu l’air de trouver ça très important : je pense qu’en incarnant ces personnages aussi longtemps, on a établi une connexion émotionnelle qui fait que ça fonctionne.


Tout cela nous ramène aux choix de casting de Matthew Vaughn sur X-Men : le commencement. Il ne recherchait pas des sosies de Patrick Stewart et Ian McKellen, mais au contraire des acteurs capables de proposer une nouvelle interprétation de ces personnages.

Rebooter l’univers des X-Men sans perdre la continuité narrative était quand même sacrément culotté. C’est un point de vue très audacieux et très fort, et ça aurait pu foirer à tout moment. Il y a suffisamment cru pour que les spectateurs nous acceptent dans les rôles de Xavier et Magneto. D’ailleurs, je partage une séquence avec Patrick Stewart dans Days of Future Past, et je pense que le public accepte le fait qu’il s’agit du même personnage. Parmi tout ce que j’ai pu faire dans la saga X-Men, c’est sans doute la scène que je préfère.


Dark Phoenix a été repoussé au dernier moment, et a fini par sortir après Glass

Nous avons tourné Dark Phoenix juste avant Glass. Ce report a été décidé par le studio, après avoir découvert le premier montage. C’était censé être un film pour la Saint Valentin, et ils ont décidé de le marketer comme un blockbuster estival, ce qui est généralement plus vendeur.


Qu’avez-vous retourné entre-temps ?

Pas mal de choses. Mais c’est une situation assez habituelle dans le genre ; je crois que tous les films Marvel doivent contractuellement y passer. Pour être honnête, j’ai fait des reshoots sur presque tous les films que j’ai tournés, même ceux qui avaient un budget minuscule. Sur celui-là, toutefois, la scène finale ressemblait énormément à celle d’un film concurrent, qui a été produit en même temps (Captain Marvel – NDR). C’étaient les mêmes vilains et la même résolution, donc nous avons dû changer la fin.


Avez-vous également retourné des scènes sur Glass ?

Sur Glass non, mais sur Split, des tas. Nous avons eu cinq sessions de reshoots, pour un total de deux semaines environ. Split et Glass ont été passionnants à faire. La Bête est une sorte de vilain, mais il est persuadé qu’il fait le bien. Il est plein d’amour, en un sens.


De votre point de vue d’acteur, le personnage de Xavier dans Dark Phoenix vous propose-t-il des défis aussi stimulants que la Horde de Shyamalan ?

Il y une scène dans Dark Phoenix où un personnage meurt, et Charles est partagé entre des émotions contradictoires. Il est bouleversé évidemment, mais il refuse toujours d’accepter sa part de responsabilité. Cette réaction étrange était très intéressante à jouer. Travailler sur un blockbuster peut être gratifiant. La différence, c’est qu’on attend beaucoup plus longtemps entre les prises, car les effets spéciaux prennent énormément de temps. Mon record, c’est deux jours d’attente avant de pouvoir tourner un plan. C’est fou. Je crois qu’il y avait eu un problème… Et quand la caméra se met à tourner, il faut instantanément redevenir le personnage. J’ai étudié le théâtre, pas le cinéma. Ce sont deux terrains d’expression très différents…

Propos recueillis par ALEXANDRE PONCET. 




CHILD’S PLAY : LA POUPE DU MAL 
2019. USA. Réalisation Lars Klevberg. Interprétation Aubrey Plaza, Mark Hamill, Gabriel Bateman… Sorti le 19 juin 2019 (Paramount Pictures France).
Ce remake de l’excellent Jeu d’enfant de Tom Holland était-il nécessaire ? Non, pas plus que certaines suites du film original (que les fans de Chucky 2 et 3 lèvent la main). Se demander si Paramount et MGM via sa filiale Orion avaient le droit moral de revisiter la légende de la poupée Brave Gars n’est absolument pas pertinent : ils en avaient le droit légal, et n’allaient pas se priver de l’utiliser. Évidemment, on aurait pu consommer ce nouveau film les yeux entr’ouverts, prêts à l’oublier dès le générique de fin, comme tant de reboots inutiles (Fog, Hitcher, Les Griffes de la Nuit et on en passe). C’eût été injuste vis-à-vis de Lars Klevberg, réalisateur norvégien découvert en 2015 avec le court-métrage Polaroid.
Visiblement très à l’aise avec le genre horrifique, le cinéaste réussit à faire le grand écart entre une approche méta indissociable des années 2010 et un côté slasher à l’ancienne, avec juste ce qu’il faut de cruauté et de pointes d’humour macabre. Si les clins d’oeil aux fans de gore auraient gagné à être plus adroits (montrer des extraits de Massacre à la tronçonneuse 2 pour inspirer la poupée est une brillante idée ; les monter dans le désordre n’a absolument aucun sens), les quelques mises à mort qui rythment le récit sont franchement inventives, les auteurs posant une multitude de menaces imminentes avant de jouer le plus longtemps possible sur l’attente du spectateur. La gestion des punchlines de Chucky est tout aussi jouissive (« This is for Tupac » !), et bénéficie d’une interprétation vocale comme toujours furieusement géniale de Mark Hamill, connu pour être la voix du Joker dans la plupart des adaptations animées de Batman.
Face à Chucky, Aubrey Plaza et le jeune Gabriel Bateman font honneur à Catherine Hicks et Alex Vincent, et si l’abandon du thème vaudou au profit de l’intelligence artificielle rend l’expérience beaucoup moins riche sur le plan mystique, le commentaire sur la société de consommation et la démocratisation de l’espionnage domestique donne au projet une résonance plus contemporaine. S’il ne marquera pas forcément l’histoire du genre, notamment en raison du character design totalement raté de sa poupée maléfique, ce Child’s Play nouvelle formule reste un objet d’exploitation plaisant et un peu plus féroce que la moyenne actuelle. Typiquement le film qu’on aurait joyeusement loué en vidéo club il y a 25 ans, entre un épisode de Halloween et une aventure de Freddy Krueger.

A.P.




TOY STORY 4 
2019. USA. Réalisation Josh Cooley. Interprétation (voix VO) Tom Hanks,Tim Allen, Annie Potts… Sorti le 26 juin 2019 (The Walt Disney Company France).
Depuis le temps que Pixar déroule sa formule, on pourrait croire que la source d’inspiration du studio aurait fini par se tarir. Toy Story 4 était en soi un terrain miné, puisqu’il faisait suite à un film d’animation absolument bouleversant, donnant à la saga la conclusion la plus cohérente que l’on puisse imaginer. On le sait, développer une nouvelle intrigue nécessite de rechercher une trajectoire dramatique encore inexplorée, celle-ci étant souvent liée organiquement à l’apparition d’un nouveau personnage. Si dans un film live, ce protagoniste peut être incarné par une infinité d’acteurs différents selon les désirs du réalisateur et de son directeur de casting, le format de l’animation place au même niveau la caractérisation manuscrite et l’étape du character design. Étonnamment, ce processus créatif se reflète directement à l’écran lorsque Bonnie, la petite fille qui a récupéré les jouets d’Andy à la fin de l’opus précédent, entreprend de se fabriquer un nouveau jouet à l’aide d’un bâtonnet de glace, d’une cuichette en plastique, d’un bout de fil de fer et d’une boule de pâte à fixe.
La créature qui naît de cet acte divin digne du professeur Frankenstein inscrit immédiatement Toy Story 4 dans l’héritage du fantastique classique, période Universal Monsters. Les auteurs s’amusent peu à peu à multiplier les ponts thématiques entre leur divertissement tout public et des sous-genres beaucoup moins accueillants : situé dans une fête foraine vieillissante, le film va jusqu’à jongler avec les codes du thriller redneck, le McGuffin étant littéralement un organe interne de Woody convoité par une vieille poupée, elle-même assistée de pantins tout droit sortis du Dead Silence de James Wan. Coscénariste du splendide Vice-versa ici promu au poste de réalisateur, Josh Cooley affiche fièrement son amour pour le genre, que ce soit à travers une idée de cadre à la Sam Raimi ou via une citation musicale de Shining. L’entreprise n’a évidemment pas le culot tonal du nihiliste Happy Feet de George Miller, qui faisait imploser son argument et son medium lors d’un dernier acte estomaquant, mais ses écarts de conduite enrichissent considérablement l’expérience. Ils contrebalancent aussi quelques tornades d’émotion enfantine, que l’on pensait inaccessibles après les sommets en la matière de Toy Story 3. Si Pixar conserve cette capacité à nous éponger systématiquement en fin de projection, le studio peut bien continuer à suivre Buzz et Woody pendant encore 20 ans…

A.P.




SPIDER-MAN : FAR FROM HOME 
2019. USA. Réalisation Jon Watts. Interprétation Tom Holland, Zendaya, Jake Gyllenhaal… Sorti le 3 juillet 2019 (Sony Pictures Releasing France).
Le « finale » de la saison 1 du MCU étant enfin derrière nous, Marvel nous propose une parenthèse estivale, suivant symboliquement un voyage scolaire de Peter Parker et ses amis à travers la vieille Europe. S’ouvrant sur un gag ironisant déjà sur la mort (allez, SPOILERS) de Tony Stark, les premières 45 minutes de Far from Home sont particulièrement indigestes, voire antipathiques dans leur incapacité à prendre au sérieux plus de deux secondes les conséquences supposément tragiques de l’épisode précédent. Peter Parker lui-même semble paum&eac [...]

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