Cinéphages n°329

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AVENGERS : ENDGAME
2019. USA. Réalisation Anthony & Joe Russo. Interprétation Robert Downey Jr., Chris Evans, Scarlett Johansson… Sorti le 24 avril 2019 (The Walt Disney Company France). 
« C’est la fin » scandent fièrement les départements marketing de Disney et Marvel. « La conclusion épique d’une aventure étirée sur 22 longs-métrages. » Au-delà même d’une construction narrative problématique, la sortie en juillet prochain de Spider-Man : Far From Home et l’annonce de Doctor Strange 2 ainsi que des Gardiens de la galaxie 3 ont, hélas, tendance à éclairer Endgame sous un angle très ordinaire.
Répercutée sur l’ensemble du Marvel Cinematic Universe, la grande limite de ce quatrième Avengers réside dans son moteur scénaristique central. Certes, l’aventure s’ouvre sur une ellipse audacieuse permettant d’étudier les effets de la victoire de Thanos sur l’ensemble des survivants. Mais ce que les spectateurs sceptiques craignaient face à la tragédie autoproclamée d’Avengers 3 se concrétise malheureusement dès le second acte, lorsque les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely décident de prendre le chemin du thriller temporel. L’enjeu principal étant d’inverser le génocide perpétré par le vilain Thanos à la fin d’Infinity War (et on se doute instinctivement que les initiateurs du projet n’imposeront pas deux défaites consécutives à leurs fans), le script fait davantage qu’atténuer le choc émotionnel supposément asséné par son prédécesseur ; il va jusqu’à sous-entendre que la notion de mort est devenue temporaire, pour ne pas dire totalement dérisoire. Les résurrections se comptaient déjà dans les productions précédentes par dizaines ? Elles pourraient bien ici atteindre des trilliards. 
THEY’LL BE BACK 
La question, dans Avengers : Endgame, n’est donc jamais de savoir si les héros réussiront leur mission, mais lesquels tireront définitivement leur révérence lorsque le rideau se refermera sur l’écran. Ces données sont globalement bien gérées et nourrissent quelques séquences poignantes, bien qu’une fois encore, les annonces récentes des comédiens en fin de contrat rendent le tout relativement prévisible. Pourquoi insister ici sur les attentes et les surprises potentielles du script ? Tout simplement parce que l’ensemble du projet semble construit sur la notion d’expectative, les réalisateurs eux-mêmes ayant publié une lettre implorant les spectateurs de ne pas révéler les « secrets » de ce film événement. À l’heure où le twist est devenu un concept coté en bourse, et le spoiler, un risque commercial ayant droit de cité dans les colonnes d’un bilan comptable, Avengers : Endgame se montre paradoxalement assez prudent dans sa manière de dénouer ses principaux enjeux. Un sentiment d’autocensure prédomine dès la séquence prégénérique : une famille y meurt hors champ, ce qui empêche le public de ressentir le traumatisme du seul survivant (comment peut-on sincèrement rater une scène pareille ?). Et s’il offre un pay off idéal au premier Captain America de Joe Johnston, nous vengeant au passage de la caractérisation laconique du personnage dans l’opus précédent, le film ne sort jamais vraiment du chemin tracé par ses producteurs… à quelques douloureuses exceptions près. 
ALL INCLUSIVE 
Le traitement de Hulk et Thor, s’il peut paraître courageux d’un certain point de vue, est sans doute ce qu’Avengers : Endgame a de pire à offrir. Évoquant le traitement de Bond dans GoldenEye, l’émasculation consciente de ces deux titans synthétise en effet une entreprise inclusive terriblement caricaturale qui frappe le long-métrage jusque dans ses scènes de dialogue les plus anodines. Bien sûr, nous sommes d’accord sur le fond avec toutes les valeurs que brandissent les frères Russo et Kevin Feige, mais leur implémentation ultra artificielle (cf. cette scène improbable où Cap anime un groupe d’entraide psychologique) rend la démarche politiquement correcte franchement exaspérante. Difficile de voir autre chose dans le nouveau Thor qu’une manière de donner à tout geek en surpoids une représentation positive à l’écran, où dans le nouveau Hulk un appel à considérer l’intellect et la sensibilité des sportifs ou des bodybuilders. Le film pervertit donc certaines de ses icônes pour enfoncer des portes ouvertes, la bonne conscience affichée des auteurs prévalant sur la cohérence de leurs trajectoires dramatiques. À cette messe digne de Glee s’ajoute une avalanche d’autocitations assez vaines, certaines situations prometteuses (la scène de l’ascenseur inspirée du Soldat de l’hiver, la destruction d’un bâtiment façon Iron Man 3) ne débouchant sur aucune situation réellement novatrice. 
MAXI BEST OF 
Cette obstination à revisiter son propre catalogue constitue sans doute le péché d’orgueil le plus gênant de Marvel. Assumant sa structure télévisuelle (l’influence de Community sur la saga n’a jamais été aussi évidente), Avengers : Endgame se risque ainsi à proposer un « best of » des chapitres précédents dont l’ambition narrative rappelle moins souvent Retour vers le futur 2 qu’un &eacu [...]

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