Cinéphages n°328

Array

CAPTAIN MARVEL  
2019. USA. Réalisation Anna Boden & Ryan Fleck. Interprétation Brie Larson, Jude Law, Samuel L. Jackson… Sorti le 6 mars 2019 (The Walt Disney Company France).
En décimant (temporairement) la moitié de l’univers à la fin de l’ambitieux mais problématique Avengers : Infinity War, Kevin Feige et sa horde d’exécutifs ont pris le risque d’enrayer leur calendrier de sortie métronomique. Produisant au moins trois longs-métrages par an, rythme validé par des succès commerciaux croissants (allez comprendre pourquoi les mêmes spectateurs accusent Lucasfilm, l’autre poule aux oeufs d’or de Disney, d’en vouloir à leur porte-monnaie), Marvel devait contractuellement livrer deux blockbusters entre Avengers 3 et 4. Après le remplissage d’Ant-Man et la Guêpe, Captain Marvel avait pour mission d’introduire le dernier protagoniste d’Endgame. Située en 1995, l’intrigue laissait toutefois espérer un semblant de recul vis-à-vis de la saga en cours…
S’il s’ouvre à des années-lumière de la Terre, sur la planète des Kree dont fait visiblement partie l’arrogante guerrière Vers (Brie Larson), Captain Marvel ne tarde pas à troquer son space opera façon Star Trek : la nouvelle génération contre un buddy movie 90’s, où une alien amnésique doit faire équipe avec un agent spécial très à cheval sur le protocole (Nick Fury, ici dépourvu de tout ce qui faisait la saveur de son personnage). Peu inspirés, Anna Boden et Ryan Fleck (Under Pressure avec Ryan Reynolds et Ben Mendelsohn) tentent de respecter le cahier des charges des superproductions d’antan : poursuites en Chevrolet, parties de cache-cache dans des bâtiments fédéraux, temporalité resserrée, le tout rehaussé d’une pointe de paranoïa à la X Files.
Si le film évoque sur le fond l’excellent Au revoir à jamais de Renny Harlin (écrit par Shane Black, l’auteur d’Iron Man 3), le résultat ressemble hélas à Independence Day de Roland Emmerich, dont plusieurs séquences sont reprises telles quelles. Il est d’ailleurs ironique de voir les auteurs (six en tout, sans compter les script doctors) appliquer à la décennie qu’ils entendent référencer des clichés issus des années 2000. Exemple : cette parenthèse dans un cybercafé braquant ses projecteurs sur AltaVista (moteur de recherche en réalité déployé six mois après les événements du film ; passons). Le climax ponctué par I’m Just a girl de No Doubt est tout aussi artificiel, et diminue un impact émotionnel qui aurait dû être fondamental. Reste la prestation de Brie Larson et la belle aura de son personnage, même si le moment le plus féministe du film (un montage où l’héroïne se relève à différents âges pour surmonter sa peur) est honteusement pompé sur l’épisode final de Buffy contre les vampires. Poussé vers la sortie après Avengers : l’ère d’Ultron, Joss Whedon ne doit pas trop apprécier…

A.P.




MIRAGE
Durante la tormenta. 2018. Espagne. Réalisation Oriol Paulo. Interprétation Adriana Ugarte, Chino Darín, Álvaro Morte… Disponible en SVOD (Netflix).
Après les excellents thrillers chafouins The Body et Contratiempo, Oriol Paulo se laisse griser par le fantastique, nimbé d’une enquête à cheval fougueux sur deux temporalités. Et ce sont toutes les fondations structurelles de son cinéma (la résolution machiavélique d’un crime a priori impossible) qui s’effondrent, avec pour première victime collatérale le ton, plus léger, plus centré sur la charge émotionnelle de son héroïne. Ses deux précédents films définissaient ses personnages dans l’action, Mirage invite à la passivité, au retour à la case départ. D’autant plus frustrant que son art de la mise en scène en immersion va toujours bien, il t’embrasse, même.

F.C.



SUPERFLY 
2018. USA. Réalisation Director X. Interprétation Trevor Jackson, Jennifer Morrison, Michael Kenneth Williams… Disponible en VOD.
À sa sortie en 1972, le film de Gordon Parks Jr. s’était vu reproché, pas vraiment à tort, sa représentation complaisante de la cocaïne. À une scène près, ce vague et clinquant remake élude cet aspect. Les dealers y sont des entrepreneurs comme les autres, avec des trains de vie de ministre, une vie de trouple épanouie et une coupe de cheveux qui a déjà mal vieilli. Les rues crasseuses du New York des années 1970 ont été gentrifiées, les gangsters font pleuvoir les billets dans des clubs de strip-tease encore plus vulgaires que leurs fringues. Seul le sublime morceau éponyme de Curtis Mayfield tient encore la route. Il n’est joué que dans la dernière minute avant le générique.

F.C.




ALEX, LE DESTIN D’UN ROI
The Kid Who Would Be King. 2019. G-B. Réalisation Joe Cornish. Interprétation Louis Ashbourne Serkis, Angus Imrie, Patrick Stewart… Sortie le 10 avril 2019 (20th Century Fox France).
Ce ne sont pas les adaptations de la légende du roi Arthur qui manquent, mais les tentatives de la moderniser se sont jusque là soldées par des échecs plus ou moins cuisants. Réalisateur du peu mémorable Attack the Block et scénariste du Tintin de Spielberg, Joe Cornish n’est pourtant pas loin d’avoir trouvé la formule magique en faisant de l’héritier du souverain mythique un gosse issu d’un milieu populaire (Louis Ashbourne Serkis, le fils d’Andy). Ce dernier trouve l’épée Excalibur sur un chantier de la banlieue de Londres et recrute les sales gosses qui le martyrisent à l’école pour en faire ses chevaliers. Leur but : combattre le retour de la maléfique fée Morgane tout en traversant le pays pour essayer de retrouver le père d’Alex, qui détient le secret du garçon. Merlin est aussi du voyage, sous les traits d’un collégien excentrique qui renvoie directement au jeune Sherlock Holmes du Secret de la pyramide. Une référence bien plus marquée que celle de Harry Potter ou Percy Jackson alors que le sujet aurait pu s’y prêter, ce qui donne un charme fou à cette aventure aussi drôle que touchante (la quête du Graal est ici celle du père), portée par une formidable musique électro-symphonique signée par le collectif de Damon Albarn, Electric Wave Bureau.

C.D.



SUPERLOPEZ 
2018. Espagne. Réalisation Javier Ruiz Caldera. Interprétation Dani Rovira, Alexandra Jiménez, Julián López… Disponible en SVOD (Netflix).
Voir cette adaptation contemporaine d’une parodie espagnole de Superman créée dans les années 1970, truffée de jeu de mots intraduisibles (et d’ailleurs intraduits), sans être familier de ce personnage d’employé moustachu révélant ses super pouvoirs revient grosso modo à montrer le film Gaston Lagaffe à un non-Français. À quelques cruciales différences près : Javier Ruiz Caldera sait bien mieux se servir d’une caméra que Pierre-François Martin-Laval, les acteurs ont tous une belle présence comique, et les effets spéciaux ont parfois de la gueule. Pour le reste, une inclination coupable aux gags à base de moustache est vigoureusement conseillée.

F.C.




MEURS, MONSTRE, MEURS
Muere, monstruo, muere. 2018. Argentine/France/Chili. Réalisation Alejandro Fadel. Interprétation Victor Lopez, Esteban Bigliardi, Tania Casciani. Sortie le 15 mai 2019 (UFO Distribution).Dans une région reculée de la cordillère des Andes, les corps de plusieurs femmes sont retrouvés décapités. Très vite, l’officier de police en charge de l’enquête se met en tête qu’un monstre est responsable de ces crimes. Est-il fou ? Rien n’est moins sûr… Présenté à Cannes en 2018 dans la sélection Un Certain Regard, ce long-métrage franco-argentino-chilien s’est taillé une belle réputation auprès de la presse généraliste qui n’a pas manqué de souligner l’approche « adulte et austère » d’un sujet qui aurait pu, selon elle, virer à la série B décomplexée. De notre côté, on reste plus réservés quant au supposé génie du réalisateur Alejandro Fadel, même s’il faut reconnaître que Meurs, monstre, meurs manie assez adroitement les genres auxquels il se frotte. Un peu de polar, une bonne louche de drame rural, une pincée de fantastique… Fadel ratisse large afin de crédibiliser au maximum les rebondissements d’un scénario qui peine cependant à faire exister des personnages aux antipodes des canons d
e beauté standards (un bon point). Les amateurs de latex devront, eux, patient [...]

Il vous reste 70 % de l'article à lire

Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.

Découvrir nos offres d'abonnement

Ajout d'un commentaire

Connexion à votre compte

Connexion à votre compte