Cinéphages n°322
LA NONNE
The Nun. USA. 2018. Réalisation Corin Hardy. Interprétation Demián Bichir, Taissa Farmiga, Jonas Bloquet… Sorti le 19 septembre 2018 (Warner Bros. France).
Comme annoncé dans notre article preview du numéro 220, ce nouveau spin-off de la saga Conjuring joue la carte du gothique traditionnel, en accordant une jolie photo contrastée et une direction artistique soignée au décor d’un couvent roumain où un prêtre exorciste et une jeune novice sont venus enquêter sur le suicide suspect d’une bonne soeur. Le problème, c’est que ladite enquête est aussi sommaire que la caractérisation des personnages, tout étant sacrifié à un festival de sursauts en tous genres. Dommage, car la belle Taissa Farmiga est parfois émouvante, avec son visage expressif et ses yeux de biche.
G.E.
COLD GROUND
2017. France. Réalisation Fabien Delage. Interprétation Gala Besson, Fabrice Pierre, Doug Rand… Disponible en VOD.
En compagnie du film de zombies et, désormais, du film de paradoxe temporel, le found footage continue de pulluler dans les recoins du cinéma de genre des années 2010 avec la hargne d’un lapin priapique en pleine myxomatose. Ce représentant-ci se cache derrière un filtre vieillot pour mûrir – l’action se déroule en 1976, alors que deux journalistes français à la relation plutôt sensuelle s’en vont dans les Alpes suisses tirer au clair une sombre histoire de mutilations animales enneigées. Comme beaucoup trop souvent dans le genre, l’action ne se réveille qu’en fin de parcours, quand l’esprit du spectateur ne parvient à se raccrocher à l’intrigue qu’à grand-peine.
F.C.
DARKEST MINDS : RBELLION
The Darkest Minds. 2018. USA. Réalisation Jennifer Yuh Nelson. Interprétation Amandla Stenberg, Harris Dickinson, Skylan Brooks…Sorti le 8 août 2018 (20th Century Fox France).
Nouvelle histoire d’ados mutants en fuite, ce film se distingue par le fait que c’est carrément l’entière population non adulte qui a été placée dans des camps fermés. Une idée : les juniors se voient offrir un abri par des organisations clandestines rivales aux motivations discutables. Mais l’idée fait long feu puisqu’une fois de plus, nous avons affaire à un « pilote de franchise » adapté du premier tome d’une série de bouquins jeunesse. À suivre, donc, à moins que le box-office mitigé de cette Rébellion ne conduise la Fox à arrêter les frais.
G.E.
THE BRIDE
Nevesta. 2017. Russie. Réalisation Svyatoslav Podgaevskiy. Interprétation Viktoriya Agalakova, Vyacheslav Chepurchenko, Aleksandra Rebenok… Disponible en VOD.
Nastya débarque, ingénue, pour un week-end dans sa belle-famille, sans humer l’âcre parfum de malédiction qui plane au-dessus de la lignée de son cher et tendre. S’il semble un peu moins sous influence américaine que ses comparses des néo blockbusters russes, Svyatoslav Podgaevskiy a tout de même la main leste dans ses effets, et truffe ses scènes d’angoisse de bruitages démonstratifs sur lit de montage syncopé. Comme si la confiance lui manquait pour faire tenir son récit d’aplomb sans avoir recours à ces artifices. Ressaisis-toi, Svyatoslav, montre-nous qui tu es, bon Dieu, va, vis et deviens !
F.C.
THE SPY GONE NORTH
Gongjak. Corée du Sud. 2018. Réalisation Yoon Jong-bin. Interprétation Hwang Jung-min, Lee Sung-min, Cho Jin-woong… Sortie le 7 novembre 2018 (Metropolitan FilmExport).
Ne vous arrêtez pas au fait que ce film soit passé largement inaperçu au dernier Festival de Cannes, où il a été projeté en Séance de Minuit. C’est juste que la case n’était pas franchement idéale pour un thriller d’espionnage axé sur la tactique, les coups de bluff et les affrontements verbaux. Revu à une heure décente, The Spy Gone North apparaît pour ce qu’il est, c’est-à-dire une oeuvre distillant une sourde tension. Déjà, le scénario s’inspire d’une incroyable histoire vraie : celle de l’agent sud-coréen surnommé « Black Venus », qui s’est fait passer pour un entrepreneur sans scrupules afin d’infiltrer les hautes sphères du Nord et y enquêter sur le programme nucléaire du régime. Cela nous vaut une bonne moisson de scènes à suspense où l’espion est toujours à deux doigts d’être démasqué, des hôtels de luxe pékinois au bureau du dictateur Kim Jong-Il, en passant par des campagnes miséreuses où les cadavres s’entassent dans des charniers – en ce milieu des années 90, il y eut une terrible famine en Corée du Nord.
Mais le plus intéressant est la manière dont, ironiquement, le but de l’opération finit par s’effacer au profit de deux autres niveaux, à la fois complexes et futiles. D’une part, l’agent se retrouve coincé par l’attitude retorse de ses chefs. En effet, fragilisés par l’avènement de la démocratie, les services secrets du Sud essaient de se maintenir en brandissant la menace nucléaire de Pyongyang… mais sans aller trop loin, car l’existence avérée d’une bombe atomique signifierait qu’ils ont complètement échoué ! Et d’autre part, l’action de Black Venus débouche sur des résultats dérisoires (le tournage de publicités kitsch au Nord), qui semblent pourtant constituer une vraie possibilité de rapprochement entre les deux pays. C’est là que le dessin des personnages et l’interprétation font mouche. Obligé d’incarner un affairiste vulgaire, l’espion venu du Sud n’est au fond pas très différent de celui qu’il est en train de trahir copieusement, le fonctionnaire intègre joué avec une sobre dignité par un remarquable acteur du nom de Lee Sung-min. Le film choisit donc son camp : celui des hommes de bonne volonté qui se trouvent des deux côtés de la frontière. On en pense ce que l’on veut, mais cela donne un ultime plan absolument sublime.
G.E.
THE PREDATOR
2018. USA. Réalisation Shane Black. Interprétation Boyd Holbrook, Olivia Munn, Trevante Rhodes… Sortie le 17 octobre 2018 (20th Century Fox France).
Mis en boîte il y a un an et demi, puis largement refaçonné en postproduction (le dernier acte, qui se déroulait autrefois en plein jour, a été intégralement retourné par Shane Black), The Predator est effectivement l’oeuvre hybride et instable que l’on pouvait imaginer. Tentant d’ouvrir les horizons de la série, le film offre aussi une double lecture franchement kamikaze, à l’heure où les studios hollywoodiens évitent autant que possible de montrer à quel point ils aiment manipuler les fans…
Les premières minutes de The Predator ont une double fonction évidente. D’une part, l’affrontement entre le super soldat interprété par Boyd Holbrook et un Predator condense les péripéties que l’on attend d’une suite du chef-d’oeuvre de John McTiernan. Mission secrète dans la jungle, soldats écorchés pendus la tête en bas, apparition terrifiante de la créature derrière son camouflage thermique (ce dernier est parasité par un flot de sang qui ne laisse apparaître que les yeux de la bête ; nous voilà prévenus, le film est bel et bien « Rated R »)… En quelques secondes, Shane Black revisite son modèle avec une générosité indéniable dans le fan-service, puis change soudain les règles en confiant l’arsenal extraterrestre à son héros. Bizarrement inédit dans l’histoire de la série (Danny Glover brandissait bien un disque tranchant dans Predator 2, mais restait éloigné des casques et instruments furtifs), ce concept fait basculer d’emblée The Predator dans un registre de space opera. La démarche est confirmée par le prologue, où deux vaisseaux s’arrosent de lasers et se poursuivent à travers une faille spatio-temporelle. Autrefois décrits comme des chasseurs assez primaires, les Predators deviennent ici des cousins badass des Klingons de Star Trek. Ils ont même droit à des lignes de dialogue dans leur langage d’origine, et narguent à l’occasion leurs proies dans la langue des hommes. Une trahison ? Peut-être, mais celle-ci découle d’une ambition assez honnête : renouveler une formule usée jusqu’à la corde (sans être honteux, Predators l’aura prouvé de bien triste manière), et s’écarter autant que possible du classique de 1987. Une manière, pour [...]
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