Cinéphages n°321
HOSTILE
2017. France. Réalisation Mathieu Turi. Interprétation Brittany Ashworth, Grégory Fitoussi, Javier Botet… Sortie le 26 septembre 2018 (Next Film Distribution).
Que Mathieu Turi désamorce toute tension dans son récit avec ses aller-retour temporels incessants, passe encore. Que Grégory Fitoussi tâtonne en anglais, ça se justifie d’un point de vue diégétique. Que les bonnes intentions ne rattrapent pas l’exécution, à la limite. Que le cinéma de genre français donne encore et toujours l’impression de peiner à trouver sa voix et sa voie, c’est pas grave, il s’en remettra. Mais que les dialogues balancent quasiment la même vanne sur Francis Bacon que Neuilly sa mère, sa mère !, là, c’en est trop. C’est non.
F.C.
HOW IT ENDS / EXTINCTION
How It Ends. 2018. USA. Réalisation David M. Rosenthal. Interprétation Theo James, Forest Whitaker, Grace Dove… Disponible en SVOD (Netflix).
Extinction. 2018. USA. Réalisation Ben Young. Interprétation Michael Peña, Lizzy Caplan, Mike Colter… Disponible en SVOD (Netflix).
Sans atteindre le niveau de frontalité de la saga American Nightmare, opportunément repositionnée en commentaire de l’idéologie Make America Great Again depuis son troisième épisode, les deux productions originales Netflix How It Ends et Extinction témoignent des inquiétudes à l’oeuvre dans des États-Unis profondément divisés. L’Amérique s’appréhende de plus en plus comme un no man’s land en devenir, à la merci d’une deuxième guerre civile et autres projections alarmistes.
How It Ends suit la traversée du pays par un péquin moyen pour rejoindre sa compagne enceinte, à la suite d’un mystérieux événement ayant entraîné un black-out général. Attaques ennemies, attentats domestiques, catastrophes naturelles ? David M. Rosenthal prend le risque de s’aliéner une bonne partie du public en ne révélant jamais l’origine du chaos, et emprunte avec une redoutable efficacité à une mutation passionnante du cinéma post-apocalyptique américain : la transposition des codes du western dans un futur invariablement pessimiste. Après la conquête de l’Ouest, son abandon, le retour à l’état sauvage.
Les emprunts d’Extinction de Ben Young à ce genre tombé en désuétude se révèlent surtout à compter de son twist à double tranchant : si l’idée en elle-même s’avère plutôt habile, son développement lourdement métaphorique en écho à l’Histoire des États-Unis et ses poussées lacrymales pour raccrocher les wagons assomment autant qu’un rallye trumpiste dans son intégralité.
F.C.
EN EAUX TROUBLES
The Meg. USA/Chine. 2018. Réalisation Jon Turteltaub. Interprétation Jason Statham, Bingbing Li, Ruby Rose… Sorti le 22 août 2018 (Warner Bros. France).
Blockbuster estival aussi inoffensif que divertissant, En eaux troubles aimerait bien ressembler aux Dents de la mer et à Abyss, qu’il pille sans vergogne et en dépit du bon sens : le héros est un plongeur professionnel affecté d’un lourd trauma, des spécialistes des requins ne trouvent rien de mieux à faire que de descendre dans une petite cage en plexiglas pour s’approcher d’un squale de la taille d’une baleine et s’étonnent quand il la croque comme une biscotte… Le résultat est donc plus proche de Sharknado, du très surestimé Peur bleue et des Dents de la mer 3 (en beaucoup plus soft) que des classiques suscités, à tel point qu’on a en permanence l’impression de regarder une production Asylum en plus friqué. Reste que Jason Statham, ancien nageur olympique, ferait un bel homme de l’Atlantide.
C.D.
ALPHA
2018. USA. Réalisation : Albert Hughes. Interprétation : Kodi Smit-McPhee, Jóhannes Haukur Jóhannesson, Leonor Varela… Sorti le 22 août 2018 (Sony Pictures Releasing France).
Vingt mille ans avant notre ère, un adolescent laissé pour mort lors d’une chasse aux buffles va tenter de retrouver la trace de son clan. Sur son chemin, il va domestiquer un loup, lui aussi égaré loin de sa meute… Révélés par les fabuleux Menace II Society et Génération sacrifiée, les frères Hughes ont officiellement mis un terme à leur collaboration en 2010, suite au succès très mitigé du post-apo biblique Le Livre d’Eli. En 2013, Allen revenait en solo avec le polar Broken City, avec Mark Wahlberg et Russell Crowe. L’adaptation d’Akira par les frangins ayant périclité, c’est aujourd’hui au tour d’Albert de montrer ce qu’il a dans le ventre. Son premier opus autonome, Alpha, éclaire indirectement la filmographie du duo, qui a toujours associé l’exploitation de genres très codifiés à une vraie vision mythologique (cf. From Hell). À en juger par Broken City et Alpha, le côté « genre » viendrait d’Allen, tandis que la quête de mythologie serait due à Albert. Probablement mis en chantier grâce au succès de L’Odyssée de Pi mais forcément inspiré par Apocalypto, Alpha est un film de survie étrange, maladroit mais hypnotisant. Bien qu’elle se destine a priori à un public large, l’oeuvre s’appuie sur des choix narratifs risqués : emploi d’une langue fictive pour l’ensemble des dialogues, récit avant tout visuel, violence clinique… Accouchant de quelques tableaux sublimes (dont l’un, situé sur un lac gelé, évoque tout de même beaucoup La Belle et la Bête de Gans), Albert Hughes s’efforce de donner à son argument très intimiste une perspective beaucoup plus vaste, et surtout totalement apolitique. Le cinéaste joue ainsi en permanence sur la frontière entre terre et ciel, cet infini étoilé et changeant d’où naissent les croyances des hommes. Plus encore que le personnage de Kodi Smit-McPhee et son dangereux compagnon, cette voûte est presque le protagoniste central d’Alpha, et nourrit ses plus beaux moments de contemplation.
A.P.
TRAFFIK
2018. USA. Réalisation : Deon Taylor. Interprétation : Paula Patton, Omar Epps, Luke Goss… Disponible en VOD (Amazon Prime).
À l’instar de Tyler Perry, Deon Taylor est l’un des fers de lance de la mouvance cinématographique afro-américaine, même si ses travaux s’avèrent plus modestes que ceux du créateur de Madea. Après le slasher (7eventy 5ive) et la comédie (Meet the Blacks), le réalisateur/producteur/scénariste s’attaque au survival avec Traffik, où un couple de citadins est traqué par des rednecks. Un pitch que Taylor traite avec la légèreté d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, que ce soit dans sa direction d’acteurs (Paula Patton en fait des tonnes dans le genre « journaliste bad ass »), son style tape-à-l’oeil (ah, cette scène de batifolage sur fond de R&B…) ou ses dialogues d’exposition (« Toi, tu es garagiste ! ») carrément embarrassants. Des tares que lui pardonneraient peut-être les amateurs de Délivrance et autre Judgement Night si Traffik ne mettait pas littéralement 50 minutes à entrer dans le vif du sujet…
J.-B.H.
KIN : LE COMMENCEMENT
2018. USA. Réalisation Jonathan & Josh Baker. Interprétation Myles Truitt, Jack Reynor, Zoë Kravitz… Sorti le 29 août 2018 (SND).
Mal dans sa peau, un gosse découvre par hasard une arme futuriste… Tranquillement, Kin : le commencement s’approprie le synopsis de Rayon laser, une production Charles Band de 1978 qui avait déjà inspiré Le Jeu du tueur de Michael Miner dix ans plus tard. En dépit d’un casting prestigieux (Dennis Quaid, Michael B. Jordan et un James Franco mauvais c [...]
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