Cinéma post-apocalyptique

Sans Mad Max, le post-apo n’aurait pas connu une histoire aussi riche. Ce qui l’a précédé, ce qu’il a provoqué, voilà ce sur quoi nous avons décidé de nous pencher en étant le plus exhaustif possible. Rechargez le fusil à pompe, faites chauffer le moteur, c’est parti !

Sous-genre de la SF, le post-apo (ou post-nuke) en a profité pour intégrer plusieurs thèmes chers au fantastique : les vampires avec les multiples adaptations de Je suis une légende de Richard Matheson, les zombies avec La Nuit des morts-vivants, ses suites et la légion de films qui s’en sont inspiré, l’animalité avec la franchise de La Planète des singes et les rongeurs des Rats de Manhattan, les machines avec Terminator et ses avatars, sans oublier des oeuvres plus introspectives (Quintet, Malevil, Le dernier combat, Le dernier survivant, La Route, Infectés), réalistes (Le dernier testament, le téléfilm Le jour d'après de Nicholas Meyer), météorologiques (Le Jour d'après de Roland Emmerich, Snowpiercer : le Transperceneige) ou dystopiennes, qu’elles soient pour ados (Hunger Games, Divergente) ou plus radicales (Les traqués de l'an 2000, Judge Dredd). En toute logique éditoriale, c’est au post-apo « madmaxien » que nous avons choisi de nous intéresser, l’occasion d’évoquer tout un pan du cinéma bis transalpin et ainsi de venir apporter un modeste complément au fabuleux hors-série que nous avions consacré à l’âge d’or du cinéma de genre italien il y a quelques années !


LES ARCHIVES DE L’APOCALYPSE

Si Mad Max a été une telle révolution, c’est essentiellement parce qu’il a su embrasser plusieurs autres genres pour se donner du carburant, à savoir le film policier dans le premier opus et le western dans Mad Max 2 : le défi, le tout lié par une bonne dose de chevalerie et un soupçon de survival. Mélanger plusieurs genres pour en créer un nouveau, tel fut l’exploit accompli par George Miller, à l’instar de John Carpenter avec New York 1997 (qui, comme on le verra, servit également de base de données à plusieurs films inspirés par Mad Max, les aventures de Snake Plissken tenant plus de la dystopie que du post-apo). Mad Max n’est pourtant pas le premier post-nuke de l’Histoire du cinéma, même si c’est l’empreinte qu’il laisse aujourd’hui sur la mémoire collective cinéphile. Dès 1933, Déluge raconte comment les rescapés d’un gigantesque tsunami ayant submergé les États-Unis tentent de refaire surface, tandis que ceux de Cinq survivants (1951), considéré comme le premier véritable post-apo, essaient de recréer une civilisation entièrement détruite par une guerre atomique. Quatre ans plus tard, la Terre subit le même sort dans Day the World Ended de Roger Corman, où un scientifique affronte un monstre créé par des radiations. Des créatures mutantes, on en trouve aussi dans World Without End (1956), où des astronautes revenus sur Terre après une mission spatiale se rendent compte qu’ils ont fait un bond dans un futur post-atomique. Dans Le Dernier rivage de Stanley Kramer (1959), l’équipage d’un sous-marin part d’Australie pour rallier la côte californienne suite à la réception d’un message insinuant que l’Amérique a survécu à la Troisième Guerre mondiale. Un film à la fois tragique et terrifiant, où s’exprime toute la peur atomique liée à la Guerre froide, au même titre que le moins funèbre Le Monde, la chair et le Diable, sorti la même année. Il n’y a que trois survivants, dont deux hommes, dans La Dernière femme sur terre de Roger Corman (1960), qui tient autant du drame conjugal que du survival. En 1962, tandis que Chris Marker signe La Jetée (qui est plus un diaporama sur le voyage dans le temps qu’un film sur la survie post-atomique), Panique année zéro, réalisé et interprété par l’acteur Ray Milland, raconte l’aventure d’une famille confrontée à la barbarie des rebuts d’une Humanité livrée à elle-même.


LA DECADE PRODIGIEUSE

Dans les années 70, Zardoz de John Boorman (1974) nous dépeint un futur post-apo où vivent les « Éternels » (des immortels amorphes et impuissants) et les « Brutes » (des tueurs qui chassent pour leur fournir de quoi manger). Sean Connery et son poitrail velu font merveille dans ce pamphlet férocement anti-hippie très ancré dans son époque. En revanche, Les Survivants de la fin du monde (1977) s’impose comme un héritier direct des séries B de Corman. Tiré d’un roman du pape de la SF et de la fantasy Roger Zelazny, le film est réalisé par l’efficace Jack Smight (qui s’était déjà attaqué à Ray Bradbury dans L’Homme tatoué et à Mary Shelley dans le téléfilm Frankenstein : The True Story) et est autant porté par son casting mâle (Jan Michael Vincent et George Peppard) que par une partition musicale avant-gardiste signée Jerry Goldsmith. Pilotes de l’Air Force en partie responsables du désastre nucléaire d’une Troisième Guerre mondiale, les futures vedettes de Supercopter et de L’Agence tous risques, équipés d’un véhicule de combat blindé très madmaxien, y affrontent tempêtes radioactives, scorpions géants, cafards mutants capables d’écorcher leurs proies et maraudeurs montagnards armés jusqu’aux dents. Bien qu’il s’agisse d’une production de la Fox à huit millions de dollars (en laquelle le studio mettait bien plus d’espoir que dans La Guerre des étoiles mais qui ne rapporta que la moitié de son budget), le spectacle, ponctué par quelques stock-shots empruntés au Choc des mondes et à Tremblement de terre, fait preuve d’une belle générosité dans le bis, au même titre que la dystopie de L’Âge de cristal. Trop bis, sans doute, aux yeux de Robert Wise, qui jugea le script impossible à tourner, bien qu’il ait été rédigé par les scénaristes des Douze salopards et d’Osterman week-end. Quant au producteur de ce réjouissant post-apo, il fut plus tard à l’origine de la franchise Police Academy ! Autre future star du petit écran, Don Miami Vice Johnson est à l’affiche en 1975 d’Apocalypse 2024. Réalisé par l’acteur L. Q. Jones, connu pour ses rôles chez Sam Peckinpah, le film suit les aventures de Vic, un orphelin de dix-huit ans (Sonny Crockett en avait alors dix de plus, mais qu’importe) qui, laissé à l’abandon dans un monde post-apocalyptique et dénué de toute éducation (et donc de toute moralité), consacre son temps à la recherche du minimum vital, à savoir la nourriture et le sexe. Comme Mad Max, il est armé et flanqué d’un chien, celui-ci présentant la particularité de communiquer avec son maître par voie télépathique et de renifler à distance toute femme susceptible d’assouvir les pulsions du jeune homme. Chemin faisant, ils croisent aussi bien des androïdes que des mutants, ce qui n’empêche pas toutou d’espérer qu’ils puissent trouver refuge sur un territoire épargné par la catastrophe. Après avoir répugné à violer une jeune femme déjà mutilée, Vic, très en manque, croise la route d’une belle adolescente un poil chaudasse jouée par la playmate du numéro de Playboy de mai 1970. Elle le convainc de la suivre dans l’abri souterrain qu’elle habite avec son père (Jason Robards, affublé à juste titre du nom de Lou Craddock) et leurs semblables. Espérant y trouver d’autres donzelles peu farouches et n’écoutant que le cerveau qu’il a entre les cuisses, Vic abandonne son chien pour ce monde souterrain, ignorant qu’il vient de tomber dans un piège visant à faire bon usage de son goût pour l’éjaculation compulsive. Outre son approche unique dans le genre (la soif de sexe appliquée au post-apo, il fallait y penser sept ans avant le porno Café Flesh), on retiendra surtout du film la composition de Don Johnson et la relation qu’il entretient avec son fidèle compagnon, aussi drôle qu’émouvante, même si l’idée saugrenue de la télépathie lui retire une bonne part de sa crédibilité.
Spécialiste de l’action et des arts martiaux (le blaxploitation La Ceinture noire, L’Aventurière de Hong Kong) connu pour avoir dirigé Bruce Lee dans Opération dragon et Le Jeu de la mort (le Petit Dragon ayant été séduit par le combat opposant Rod Taylor à William Smith dans La Loi du talion), Robert Clouse réalise en 1975 New York ne répond plus où, suite à une pandémie ayant dévasté la population, le leader d’un clan de survivants a établi une forteresse dans les ruines de la ville dans le but de contrer les attaques de pillards (l’occasion pour William Smith, encore lui, d’en prendre plein la tête). Afin d’atteindre une île où sa fille enceinte sera en sécurité, il recrute un mercenaire à l’air très dissuasif (Yul Brynner). Mais gagner la côte s’avère moins évident que prévu. Le processus inverse, en somme, de New York 1997, puisqu’il s’agit de sortir de la ville au lieu d’y entrer, ce qui n’empêcha pas Carpenter de s’en inspirer. L’apport du film à Mad Max réside plus dans l’art du montage des scènes d’action (assuré par Michael Kahn, futur monteur attitré de Spielberg) et dans ses maraudeurs cruels que dans le propos, bien que les grands espaces urbains en partie vidés de leurs constructions soient tout aussi arides et dangereux que les grands espaces australiens.


MAX MON AMOUR

Inspiré à la fois par le choc pétrolier, l’expérience de George Miller en tant que médecin urgentiste (d’où le manque d’essence, le trop-plein de violence et la tôle froissée), le mouvement punk, le thriller routier Point limite zéro de Richard C. Sarafian et le cinéma de Sam Peckinpah, Mad Max, modeste production indépendante australienne, sort en 1979 (mais, censure oblige, mettra trois ans à débarquer en France, bien que couronné par un Prix du Jury au Festival d’Avoriaz 1980). Le succès est historique, non seulement d’un point de vue commercial (le film a coûté environ un demi-million de dollars et en rapporte 200 fois plus), mais aussi purement cinématographique. Miller réinvente l’art du montage, appliquant des méthodes chères à Hitchcock (il demande au compositeur Brian May de s’inspirer de Bernard Herrmann), prend le temps d’installer ses personnages au coeur de l’action, qu’il filme avec une énergie dévastatrice, procurant au spectateur une sensation de vitesse et d’urgence absolument stupéfiante. Héros tragique de cette aventure hyper violente (et icône gay instantanée avec son look cuir et sa gueule d’ange), engoncé dans son fameux V-8 Interceptor, le jeune Mel Gibson crève l’écran et n’est pas étranger à l’émotion que dégage le film. Émotion qui rend la vengeance du guerrier de la route aussi jouissive que terrible : sa famille tuée, Max Rockatansky n’est plus qu’un fantôme ignorant la pitié et n’a plus rien d’humain. Un sentiment d’autant plus fort que le drame a lieu très tard dans le film et qu’on a amplement eu le temps de s’attacher au fringant policier et à ses proches, qui évoluent dans un décor plus pré-apo que post-apo renforçant la crédibilité du récit. Alors que le premier Mad Max parle autan [...]

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