Carrière : Tommy Lee Wallace

Production designer et monteur sur les premiers films de John Carpenter, Tommy Lee Wallace est connu pour avoir créé le look de Michael Myers. Développant en ce moment trois projets différents (Scary Land, un slasher avec des étudiants dans une maison hantée ; Helliversity, un film d’horreur se déroulant dans une faculté du sud des États-Unis ; enfin, le show TV Midnight Motel, où les survivants de désastres en série se rassemblent dans un motel paumé), le réalisateur de Halloween III, le sang du sorcier et Ça a accepté de revenir sur sa drôle de carrière.

Comment avez-vous décidé de travailler dans le cinéma ?

John Carpenter et moi avons grandi dans la même ville. Nous nous connaissions depuis l’école primaire, et sommes devenus de très bons amis au lycée. Nous étions tous les deux musiciens, et nous nous sommes rapprochés grâce à notre admiration commune pour les Beatles, entre autres groupes anglais. Nous étions tous les deux intéressés par les choses créatives. John encore plus que moi : il m’a fait découvrir à quel point une personne pouvait être créative en me montrant des tas d’exemples. Il dessinait des comic-books, tournait des courts-métrages en 8 mm, écrivait pour un magazine de catch… John m’a rapidement fait savoir qu’il voulait devenir un réalisateur de cinéma. À cet âge-là, je ne savais même pas qu’un tel métier existait. J’avais déjà vu beaucoup de films, mais je n’avais pas la moindre idée de la manière dont ils étaient fabriqués. John m’a donc formé à ce sujet. Et en retour je l’ai aidé à s’inscrire à l’USC, en Californie du Sud, pour suivre des études de cinéma. De mon côté, je suis allé étudier dans une école d’art de l’Ohio, qui donnait également des cours de cinéma. Le cursus n’était pas centré sur la mise en scène, mais sur l’histoire du 7e Art et la lecture critique des films. Quelques cours m’ont tout de même permis de prendre en main une caméra et de fabriquer des courts-métrages rudimentaires. Mon intérêt pour le médium n’a cessé de grandir. À la fin de mes études de design, j’ai décidé de me rendre en Californie et de m’inscrire dans la même université que John. J’ai été accepté dans le département cinéma grâce à mon portfolio de designer. En revanche, mon point d’entrée était l’animation : on voulait que je donne vie à mes dessins. Ça m’a plu un temps, mais je me suis vite rendu compte que les prises de vues réelles me passionnaient davantage. J’ai beaucoup traîné avec John et un groupe de nouveaux amis, qui se destinaient à une carrière dans le cinéma traditionnel. 


Qu’avez-vous fait exactement sur Dark Star

Dark Star était une collaboration majeure entre John Carpenter et son ami Dan O’Bannon, qui était dans le même département universitaire. Dan était… comment dire… Dan ne supportait pas les incompétents. Ce n’était pas facile pour John et lui de trouver des gens capables de réaliser leurs visions. Il était production designer et directeur artistique sur Dark Star. Même si ça restait un film étudiant, ils avaient officiellement défini les catégories de métier pour chaque personne. Ceci étant dit, Dan jouait aussi dedans, et montait le film ! J’avais un background dans le design artistique et Dan m’a fait confiance. J’ai été son assistant sur Dark Star, et j’ai beaucoup appris. Vu qu’il avait trois rôles à jouer sur la production, j’ai pu lui enlever un peu de poids des épaules. Je me suis chargé de toute la scène du conduit d’ascenseur, avec la bulle extraterrestre. Et globalement, j’ai travaillé sur l’éclairage pour aider le directeur de la photographie Douglas Knapp. C’était vraiment un film d’étudiants, tourné par une toute petite équipe les week-ends. On faisait ce qu’on pouvait avec du scotch et du chewing-gum. 


Vous avez été promu directeur artistique sur Assaut

Après Dark Star, Dan O’Bannon et John Carpenter se sont fâchés. Ils ne travaillaient plus ensemble. John s’est donc tourné assez naturellement vers moi. À ce moment-là, il se construisait encore et il essayait de s’entourer de gens en qui il pouvait avoir confiance, et de collaborateurs qui pouvaient le soutenir. Pour être honnête, je n’avais pas encore les qualités nécessaires pour faire ce type de travail, mais j’ai appris très rapidement, sur le tas. Nous avons eu la chance de rencontrer un service de construction de décors très qualifié, des types très sympas qui essayaient eux aussi de se faire une place dans le milieu. J’ai beaucoup appris à leurs côtés, ne serait-ce que dans les techniques de fabrication des décors. C’est après tout la responsabilité première d’un directeur artistique ou d’un production designer. Sur Assaut, une grande partie de la réussite du film dépendait de ça : il devait y avoir un décor unique mais versatile, qui pouvait s’adapter à tous les besoins du scénario et de la mise en scène. Je pense que je m’en suis plutôt bien tiré. 


Sur Halloween, vous avez trouvé le masque de Michael Myers… 

Oui ! John et Debra Hill avaient écrit le script de Halloween, et le masque de Michael Myers était décrit comme un « visage vide, dénué d’émotion ». Le budget était si modeste qu’on ne pouvait même pas se permettre de concevoir un masque par nous-mêmes, puis de le fabriquer. Ce n’était pas possible. J’ai suivi les conseils que m’avait donnés Dan O’Bannon au début de ma carrière, et j’ai décidé de trouver un masque dans un magasin de costumes, que je pourrais adapter au personnage. Je suis allé dans une boutique de Hollywood Boulevard, j’ai regardé partout, et il y avait énormément de possibilités. Il y avait des masques de Richard Nixon, Gerald Ford, d’autres célébrités de l’époque, mais rien ne me plaisait vraiment. J’ai soudain passé le rayon des masques de Monsieur Spock, et je suis tombé sur un « visage vide ». Le packaging disait que c’était le capitaine Kirk, mais je n’y voyais pas la moindre ressemblance avec William Shatner ! Ça ressemblait juste à un visage vide. Je me suis dit : « Ça, c’est vraiment un bon candidat. ». J’ai acheté un de ces masques, et pour donner à John un choix, j’ai aussi sélectionné un masque de clown triste. Ça me semblait à l’époque assez effrayant, et je crois que je ne me suis pas trompé. C’était des années avant Ça de Stephen King, que j’ai moi-même adapté à l’écran ! De retour dans le bureau de John, quelqu’un a essayé le masque de clown, et on a tous trouvé ça assez angoissant. Ça marchait plutôt bien. Mais ensuite, la personne a essayé l’autre masque, que j’avais déjà un peu modifié. J’avais agrandi les trous pour les yeux, peint le tout en blanc, façon craie, assombri la chevelure… En voyant ça, on a tous eu le souffle coupé. Sur quelqu’un, le résultat était terrifiant. On n’arrivait même pas à l’expliquer. C’était primal. On savait que le film allait faire peur avant même de le tourner. Toute la dynamique de la mise en scène était soudain superflue. Avec une seule photo de ce masque, on savait que les spectateurs allaient flipper. J’étais très fier de moi à l’époque, et aujourd’hui j’aimerais bien avoir un dollar pour chaque masque de Michael Myers vendu depuis. 


Vous avez également monté Halloween et Fog. Le métier n’a rien à voir avec le production design. Comment est-ce arrivé ? 

Tout a commencé sur Assaut. John montait le film sous le pseudonyme de John T. Chance, qui est le personnage joué par John Wayne dans Rio Bravo. Tout réalisateur sait qu’il est très difficile de monter ses propres images. Il faut un regard extérieur, quelqu’un de moins impliqué émotionnellement. À l’université, on vous apprend en général à tout faire sur un film. Je n’étais pas différent des autres. Vers la fin d’Assaut, je me suis senti un peu laissé de côté. Le film avançait, mais en tant que directeur artistique, je n’avais plus rien à faire durant la postproduction. Je suis allé rendre visite à John dans la salle de montage, et j’ai vu à quel point il était seul. Je lui ai dit : « Laisse-moi faire quelque chose ici. Donne-moi une mission ! Tu as besoin de quoi ? ». Il m’a répondu : « Eh bien, sais-tu monter des effets sonores ? ». J’avais une expérience très limitée en la matière, mais il n’y avait qu’une réponse à cette question. « Évidemment ! » (rires) J’ai donc monté les effets sonores, et j’ai appris le métier en temps réel. John était patient, et c’était un excellent professeur. Il a partagé avec moi tout ce qu’il savait. Une fois encore, ne connaissant pas les limites de chaque métier, j’en ai trop fait. Les monteurs d’effets sonores expérimentés ont chez eux de larges bibliothèques d’effets, mais moi, je n’avais rien. J’ai dû me montrer original et créer mes propres effets. Parfois, John me montrait ses séquences et me demandait ce que j’en pensais. Ce qu’il avait le plus de mal à gérer, c’était les scènes d’action. Lorsque les gens tirent, se baissent, se cachent, etc. Il a fini par me confier le montage de ces séquences. Je crois qu’il s’est souvenu de ça quand on a commencé à travailler sur Halloween, et il m’a engagé comme monteur. Compte tenu de mon expérience encore limitée, j’ai eu un assistant, Charles Bornstein, qui avait déjà travaillé sur des longs-métrages et savait comment préparer et organiser une salle de montage. Il était doué, aussi. À la fin, j’ai tenu à partager mon crédit de monteur avec lui. Il le méritait vraiment. 



Vous êtes passé à la réalisation avec Halloween III, le sang du sorcier, une fausse suite et un excellent film… 

Après tout ce temps, Halloween III commence enfin à être reconnu pour ce qu’il est. Ses débuts ont été difficiles, il n’a pas été bien reçu pour des [...]

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