Carrière : Todd Masters

Artisan des effets spéciaux bien connu des consommateurs de séries B des années 80/90, Todd Masters a pu collaborer avec des cinéastes comme John Carpenter, John McTiernan, Stephen Hopkins, William Friedkin, Brian Yuzna, James Gunn, David Twohy ou Shane Black. Retour sur une carrière à la fois discrète et remarquable, qui court de l’Âge d’Or des effets pratiques à la prise de contrôle du numérique.
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J’imagine que vous vouliez faire des maquillages spéciaux dès votre plus jeune âge ?

J’étais un gosse très créatif, et mes parents étaient très encourageants, même quand je faisais des choses franchement bizarres. Ils m’ont laissé m’amuser avec cet art très tôt. À huit ou neuf ans, les murs de ma chambre étaient complètement recouverts de monstres. J’ai commencé à faire mes premiers films. Ça m’intéressait plus que le sport ou les activités habituelles. J’ai emprunté la caméra de mon père, et j’ai commencé à filmer des choses avec des voisins et des amis, que je réquisitionnais en tant qu’acteurs. La plupart du temps, ils se lassaient de mes projets et me posaient des lapins. Je me suis dit qu’il serait plus pratique de créer mes propres acteurs. J’avais grandi avec les films de Ray Harryhausen, et j’ai commencé à m’intéresser au processus de la stop motion. Ça m’a mené à mon premier vrai boulot : à douze ans, j’ai fait un stage dans une société d’animation, près de Washington. Je ne savais pas encore quelle carrière j’allais faire ; je voulais trouver un travail qui me permettrait de continuer mon art étrange. J’ai décidé de me focaliser sur les monstres et tout l’artisanat qui en découle. Au début, j’ai été engagé dans des laboratoires d’effets visuels, puis j’ai déménagé en Californie à l’âge de 18 ans. Là, j’ai bossé presque aussitôt sur Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin.


Vous avez été engagé par Steve Johnson directement, ou par la société mère Boss Film ?

J’ai été engagé par Steve. Il m’avait dit : « Si tu es dans les parages quand on commence le film, je t’engage. ». J’ai déménagé pour cette raison, et je l’ai rappelé. Heureusement, il ne m’avait pas menti. Le monde était vraiment différent à l’époque. Il n’y avait pas Internet, et savoir ce qui se passait en coulisse ou qui faisait quoi sur un film était très compliqué. Fangoria en était à ses débuts, Cinefex aussi, la revue Ciné Fantastique était encore là, mais c’était à peu près tout. Il n’y avait aucun endroit, aucune bibliothèque spéciale où l’on pouvait faire des recherches sur le sujet, ou même apprendre les techniques de base. Pour comprendre comment faire un moule, il fallait se planter de nombreuses fois. Il fallait le faire, répéter encore et encore. En réalité, il y avait une manière d’en savoir un peu plus : trouver un annuaire, et tenter sa chance. Dans Fangoria, je venais de lire un entretien avec Steve Johnson à propos de Vampire, vous avez dit vampire ?, dont il venait de signer les effets spéciaux. J’ai cherché son numéro, et je l’ai appelé. C’est aussi simple que ça ! J’ai fait la même chose avec Ray Harryhausen, Jim Danforth et tant d’autres. Je leur ai sucé le cerveau, en leur demandant comment créer telle ou telle matière. Ils ont tous été géniaux, d’une générosité incroyable.



Vous avez donc contacté Ray Harryhausen !

(rires) Oui et je crois que je l’ai appelé au milieu de la nuit. Le décalage horaire, je ne savais pas ce que c’était. J’étais adolescent, et j’ai donc appelé l’Angleterre avec le téléphone de mes parents. Leur facture a dû être salée, et pourtant, ils ne m’en ont pas voulu. Ray a été génial. Je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de lui parler. Pour les amateurs de monstres, c’est Dieu ! Il m’a conseillé d’appeler certaines personnes susceptibles de me former sur la stop motion. C’était comme ça à l’époque. Nous sommes quelques gamins rêveurs à nous être lancés dans une correspondance avec des génies de la profession. J.J. Abrams et Guillermo del Toro ont été formés par Dick Smith. On sentait qu’on arrivait à un tournant historique : plein de jeunes se dirigeaient vers la San Fernando Valley, avec les mêmes ambitions et à peu près la même histoire. On voulait tous créer des monstres.


Peu après, Steve Johnson a lancé son propre studio.

Oui, et je suis resté auprès de lui. Nous sommes toujours amis aujourd’hui. Il m’a vraiment appris à gérer le système hollywoodien, pour le meilleur et pour le pire. Et croyez-moi, il y a eu du pire.


Predator en fait-il partie ?

Pour moi, pas forcément. Le film s’appelait Hunter à l’époque. C’est amusant, en ce moment je travaille sur le nouveau film de Shane Black. La boucle est bouclée car dans le premier film, j’étais littéralement chargé de tuer Shane Black ! Shane était un jeune scénariste prometteur à l’époque, et Joel Silver lui avait donné ce tout petit rôle. Il y a un faux corps à son effigie dans le film, sur lequel j’ai travaillé. Aujourd’hui, on en rigole lui et moi. « Tu te souviens comment on t’a torturé, en prenant des empreintes de ton corps tout entier ? » Sur Predator, je me suis surtout occupé des maquillages spéciaux. Je n’ai pas beaucoup travaillé sur la créature rejetée, conçue par Steve et Boss Film. J’ai créé le faux bras de Carl Weathers, les corps déchiquetés pendus aux arbres…


Deux séquences m’ont particulièrement marqué à la première vision : le bras de Weathers et le torse perforé de Jesse Ventura.

C’est l’un des premiers films sur lequel on m’a donné d’importantes responsabilités. C’était fou de se retrouver projeté dans une énorme production hollywoodienne comme celle-là. J’essayais de garder la tête hors de l’eau. Et je crois que je ne m’en suis pas trop mal sorti. Rétrospectivement, mon approche sur certains trucages était un peu étrange. Le torse de Jesse, c’était vraiment du bricolage. Je ne referais plus jamais ça comme ça aujourd’hui ! Mais bon, ça fonctionne !


Avez-vous travaillé sur la scène de la boucherie asiatique de Flic ou zombie ?

Oui ! Quand le département maquillages sp& [...]

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