Carrière : Steve De Jarnatt

Malgré son passage remarqué à Avoriaz en 1990, une sortie confidentielle en salle et sa belle vie dans les vidéoclubs hexagonaux, Appel d’urgence n’a jamais connu les honneurs qu’il méritait. La projection lors d’une séance Panic ! x Chroma au Forum des images, dans une salle comble et en présence de son auteur, a fait de nouveaux adeptes. À tel point qu’il est – enfin – question d’une édition vidéo chez nous. Rencontre avec un réalisateur à la carrière plus remplie qu’il n’y paraît…
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Vous avez commencé votre carrière avec Tarzana, un court-métrage qui rend hommage au cinéma noir américain…

J’ai fait mes études à l’American Film Institute de Los Angeles, mais j’ai abandonné quand j’ai commencé à tourner Tarzana. J’ai fait appel à de nombreux membres de ma promotion, qui comptait des gens comme John McTiernan, Edward Zwick ou Rick McCallum, le producteur de George Lucas. Quelques années avant, il y avait aussi Martin Brest (réalisateur du Flic de Beverly Hills – NDR) et Amy Heckerling (réalisatrice de Clueless – NDR).

 

À cette époque, vous vouliez être réalisateur ou scénariste ?

J’y suis allé pour suivre des cours de scénariste, mais je voulais déjà être réalisateur. C’est pour ça que je me suis lancé dans le tournage de Tarzana. J’ai mis deux ans à faire le film, en 35 mm et en noir et blanc. Il y a eu quatre sessions de tournage, avec trois chefs-opérateurs différents. J’ai commencé ma carrière à Hollywood grâce à ce film.

 

Qu’est-ce qui a nourri votre enfance : la télé ou le cinéma ?

Je n’ai jamais vraiment aimé la télévision, même quand j’ai réalisé mon épisode d’Alfred Hitchcock présente. Je n’ai pas vu beaucoup de films en grandissant, car j’habitais dans une petite ville de banlieue. J’en ai toutefois découvert certains au drive-in. Je me souviens de m’être dit devant Easy Rider : « Tiens, c’est très inhabituel… ». Quand je suis allé à l’université à Los Angeles, beaucoup de mes camarades voulaient devenir réalisateurs. J’ai commencé à tourner en super 8, et c’est là que j’ai attrapé le « virus ». 

 

C’est étonnant : dans tous vos films, on détecte une présence plus ou moins visible de la télévision, notamment dès le premier plan de Tarzana

Tiens, je n’avais pas remarqué. Aujourd’hui, la télévision est plus intéressante, et tous les scénaristes rêvent de créer une série. J’ai tourné de nombreuses productions télévisées dans les années 90 et j’ai écrit des centaines de pilotes télé, mais ç’a vraiment changé depuis. Pour revenir à mes références cinéma, le travail de Raoul Coutard (décédé la veille de l’interview – NDR), m’a beaucoup marqué. J’adore Godard, comme toute ma promo : on était vraiment fascinés par son travail. J’aime aussi les films noirs comme Le Grand sommeil. Quand Chinatown est sorti, je rêvais de « rentrer dans l’écran » et de vivre dans l’univers du film. Tarzana est mon hommage à Raymond Chandler et Dashiell Hammett.

 

C’est pour cette raison qu’on retrouve dans Tarzana l’acteur Charles Knapp, qui joue dans Chinatown ?

Exactement. Et vers la fin du film, on croise Kate Murtagh, qui joue dans Adieu ma jolie de Dick Richards, ou encore Eddie Constantine, héros d’Alphaville. Oh, et il y a surtout Timothy Carey, que vous avez vu dans L’Ultime razzia et Les Sentiers de la gloire de Kubrick. Il y a d’ailleurs une « outtake » (prise alternative – NDLR) qui constitue à elle seule un film à part.

 

C’est ce petit film que vous avez appelé Cinema justice ?

Exactement. C’est une longue séquence où je ne dis pas « coupez » et où je laisse Tim improviser. C’est à la fois hilarant et bizarre. C’est pour ça que le tournage de Tarzana s’est arrêté une première fois. On n’avait plus d’argent. Il était quatre heures du matin et je n’ai pas arrêté la prise, ce que j’aurais dû faire. Mais en même temps, Cinema justice n’existerait pas. (rires)

 

Tarzana a été exploité ? 

Romeo Carey, le fils de Timothy, a des copies de Tarzana et Cinema Justice et il les a un peu exploitées, surtout le second, en avant-programme de The World’s Greatest Sinner, réalisé par son père.

 

Avant la sortie de Tarzana, vous avez aussi coréalisé Eat the Sun.

Je suis crédité en tant que scénariste et réalisateur avec Jim Cox. En termes d’écriture, je pense qu’on a participé de manière égale. Mais en ce qui concerne la réalisation, c’est vraiment lui qui a apposé sa patte. C’est plus un film de Jim Cox, que j’ai aussi écrit et un peu dirigé. 

 

On raconte que ce faux documentaire sur une secte mystique aurait gagné un prix.

C’est exact. Et quand la télévision publique PBS l’a diffusé une fois à San Francisco, des gens nous ont appelés pour adopter la fausse religion que nous avions créée. Peut-être que si nous avions fondé notre propre croyance, un peu comme la scientologie, nous aurions gagné beaucoup d’argent. (rires) 

 

Nous sommes en 1974-75. Comment avez-vous rencontré Terrence Malick ? 

Jim Cox avait un job de projectionniste dans les locaux de BBS production. Ils ont fait Easy Rider, La Dernière séance, Cinq pièces faciles, ainsi que Les Moissons du ciel de Terrence Malick. Jim Cox est devenu son bras droit sur ce film, et je suis donc devenu projectionniste. J’assurais les projections de séquences des Moissons du ciel et je travaillais parfois sur le montage. 

 

Il vous a donné des conseils ?

Oui, plusieurs fois. Après le succès des Moissons du ciel, le studio lui a donné carte blanche. Il a travaillé sur un projet qui est devenu des années plus tard Tree of Life. Il devait tourner en Arctique, il était prêt, mais il s’est rendu à Paris et il a disparu pendant 20 ans. Il était fabuleux, très simple en dépit de sa réputation. 

 

Il avait la réputation de travailler longtemps sur ses projets, tout comme vous : huit ans pour Appel d’urgence

J’ai écrit un premier traitement de ce film en décembre 1979, donc j’ai mis en réalité dix ans à concrétiser le film. 

 

Votre première participation à un long-métrage est Strange Brew de Rick Moranis et Dave Thomas, sur lequel êtes crédité comme scénariste. 

Pendant que j’écrivais Appel d’urgence, Joel Silver m’a proposé de scénariser cette adaptation de la série de Dave et Rick, et ce en trois semaines. Je devais aussi la mettre en scène, mais comme c’était un film canadien, je ne pouvais pas le faire d’un point de vue contractuel. C’est un film un peu fou que j’aime bien. Il n’a pas été distribué en France, je crois. C’est un genre très américain, avec deux personnages idiots, du type [...]

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