Carrière : Stephen Norrington

Découvert par Rick Baker sur Greystoke, la légende de Tarzan, Stephen Norrington travaille sur les effets spéciaux de maquillage d’Aliens, le retour, Le Secret de la pyramide ou encore Gremlins 2, avant de passer à la réalisation sur Death Machine. Surtout connu pour l’excellent Blade, le cinéaste a disparu du jour au lendemain après La Ligue des gentlemen extraordinaires. Après des mois de recherche, nous l’avons retrouvé et soumis à l’exercice périlleux de l’interview carrière !
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Vous souvenez-vous de vos premiers tests de maquillages ?

Je me souviens qu’à douze ou treize ans, j’ai commencé à coller des mouchoirs avec de l’eau sur le visage de mon beau-frère Malcolm. Je les peignais ensuite à l’acrylique. J’ai aussi fabriqué une tête coupée, une momie, un zombie, et un maquillage de grand brûlé. Un jour, Malc est allé au kiosque du coin déguisé en momie, dans l’espoir d’effrayer le propriétaire. Celui-ci n’en a rien eu à faire ! Plus tard, j’ai fabriqué un faux doigt coupé que j’ai abandonné dans la rue. Caché derrière notre portail, je guettais les réactions des passants… Je n’ai commencé à sculpter ou mouler qu’à la fin de l’adolescence. Avant ça, j’utilisais du bois, du tissu et de la mousse. En revanche, je me suis rapidement passionné pour l’animatronique. Avec Malcolm et un cousin, nous avons tourné un film de loup-garou en super 8, pour lequel j’ai conçu une tête mécanique et une scène de transformation.

Comment avez-vous rencontré Rick Baker ?

Vivant dans le nord de Londres, j’étais à des milliers de kilomètres d’où se passait toute l’action. Mais dans Fangoria, j’ai lu que Rick devait tourner Greystoke, la légende de Tarzan aux studios Elstree, c’est-à-dire à 30 minutes de chez moi. J’ai soudain réalisé qu’on recevait Fangoria avec un retard de cinq mois en Angleterre, et que Rick devait déjà être arrivé sur place. J’ai appelé Elstree et demandé qu’on me mette en relation « avec Rick Baker, sur Greystoke ». Ils m’ont connecté, et il a répondu ! En bafouillant, j’ai demandé si je pouvais lui montrer mon travail, et il m’a invité à visiter l’atelier, en fait un gigantesque studio consacré à la création des gorilles. Il m’a engagé sur-le-champ. Des années plus tard, il m’a avoué que ce que je lui avais montré était très mauvais, mais qu’il avait aimé mon enthousiasme. Avec le recul, il avait besoin de combler son équipe avec des petits Anglais qui crevaient la dalle. La paie était faible, les heures folles, mais on a tous pris notre pied. Beaucoup de gens m’ont aidé au fil des années, mais je dois le début de ma carrière à Rick Baker.



D’où vous est venue l’envie de passer à la réalisation ?

J’ai toujours été intéressé par la vision d’ensemble. Quand je travaillais comme maquilleur, j’exigeais d’être impliqué dans la manière dont les effets allaient être filmés. Je me chargeais ainsi des story-boards, qui influençaient la réalisation. J’ai toujours pensé de façon narrative, et ça a gonflé mon égo au point de me plonger dans un état de frustration pas très loin de l’arrogance. J’ai commencé à m’ennuyer sur Gremlins 2 vers 1989. En 1990, je n’en pouvais plus. J’ai écrit des scripts à partir du milieu des eighties, mais je n’ai jamais réussi à les vendre. Il y avait par exemple Terror at Blood Mansion, une comédie horrifique à la Tim Burton, avec des tonnes d’effets visuels. Je voulais le réaliser, mais mon background de maquilleur ne suffisait pas à convaincre les investisseurs. En Angleterre, on méprisait tout ce qui ressemblait aux trucs américains. J’ai tout de même autofinancé une fausse bande-annonce, en vain. Ce trailer a néanmoins impressionné un distributeur, Nigel Greene, qui cherchait des projets commerciaux. Je développais Death Machine avec une petite compagnie, Fugitive Features, et Nigel a adoré le concept. J’ai écrit le film en 1990, il a été financé en 1992, tourné en 1993 et est sorti en 1994. Ça s’est fait rapidement, si l’on considère l’état du cinéma anglais de l’époque. Tout le monde savait que les drames historiques pompeux n’intéressaient personne à l’internationale, mais ils continuaient d’en produire à la chaîne, tout en méprisant le divertissement « pour les gosses ». Nigel, en revanche, avait fait fortune en distribuant les films de New Line. Il nous a aidés à rassembler un budget de 4,5 millions de dollars – ce qui est encore aujourd’hui énorme pour une série B. Malheureusement, le film n’a fait aucun profit au-delà des préventes, car il était médiocre.

Les personnages s’appellent Cameron, Raimi, Carpenter, Dante, etc. Ça fait un peu fanboy, non ?

Souvenez-vous, pendant que je faisais Death Machine, Tarantino tournait Reservoir Dogs. Et on a le même âge ! Le gouffre de maturité est ridicule. Donc, oui, c’est embarrassant de voir à quel point j’étais un fanboy, et je ne m’en rendais même pas compte. Pire, je pestais contre les fanboys, comme si je n’en faisais pas partie ! Le plus embarrassant dans tout ça a été de reprendre les noms de mes réalisateurs favoris tels quels. Je n’ai même pas changé l’orthographe. Pendant la préproduction, je croyais que je faisais un thriller sérieux dans la veine de Terminator. Le script était écrit dans un style percutent à la Walter Hill. Je croyais que les dialogues dramatiques, les motivations et les événements impliqueraient réellement le spectateur. Mais quand j’ai commencé à tourner, j’ai réalisé – avec des sueurs froides – à quel point l’ensemble était ridicule. J’ai paniqué, je me suis dit qu’on se moquerait du film, et que j’aurais l’air idiot. Brad Dourif est arrivé et a tout de suite compris ce qui me rongeait. Il a décidé d’y aller à fond et sa performance a donné une certaine cohérence au projet. Soudain, ça devenait un film d’action à la Cameron croisé avec un délire à la Raimi.

Comment vous êtes-vous retrouvé sur Blade ?

Même s’il n’a pas rapporté beaucoup d’argent, Death Machine était une belle carte de visite d’un point de [...]

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