Carrière : Roberta Findlay

Le dernier Offscreen Film Festival de Bruxelles rendait hommage à l’une des papesses du cinéma d’exploitation américain. Dans les années 60, en compagnie de son mari Michael, Roberta Findlay a accouché d’une poignée de roughies qui ont marqué le genre. Après le décès de son pygmalion, elle a continué à nous gratifier de séries B hargneuses et de films hardcore, où les personnages féminins se révèlent d’une étonnante complexité.

D’où vient votre intérêt pour le cinéma ?

Je faisais des études pour devenir pianiste de concert. Michael, mon futur mari, traînait dans le coin et réalisait déjà des films. Je m’y suis intéressée à mon tour, et cette activité m’a vite semblée bien plus simple que de me produire sur scène en jouant de la musique. Honnêtement, je n’avais pas de meilleure raison pour me lancer dans le cinéma, et d’ailleurs, à l’époque, le sujet ne m’intéressait pas spécialement. Je voyais juste les films qui passaient sur les principales chaînes de télévision et je n’y portais pas une grande attention… J’étais juste une fille du Bronx. Ce sont le cinéma et Michael qui se sont conjointement présentés à moi.


Tout a donc découlé de votre rencontre…

Oui, il était plus passionné par la réalisation que moi. Il m’a en quelque sorte guidée. Les gens disaient qu’il était fou et qu’il mettait en scène des films très bizarres, qui ne ressemblaient qu’à lui. C’était un grand malade.


Dans quel sens ?

Dans tous les sens possibles ! (rires) C’était un catholique refoulé et non pratiquant, c’est la pire combinaison qu’on puisse imaginer ! C’est la clé de tout. Au lieu de tuer des femmes dans la vraie vie, il le faisait dans ses films. On l’aurait pendu en place publique pour tout ce qu’il leur a fait subir à l’écran… Après l’avoir quitté, j’ai appréhendé les choses par moi-même. Tout le monde pense que j’ai eu une grande carrière avec lui, mais ce n’est pas vraiment le cas. Nous étions simplement en couple. J’ai collaboré à certains de ses films, mais je n’en garde presque aucun souvenir. Du moins, jusqu’à ce que je commence à réaliser mes propres oeuvres.


Dans quelles circonstances l’avez-vous rencontré ?

Nous fréquentions le même collège. La famille de Michael aurait voulu qu’il devienne prêtre et ne l’avait inscrit dans aucune école, il suivait un cursus à part. Il avait donc dû reprendre son éducation depuis le début, ce qui explique la grande différence d’âge entre nous. Quand j’avais 16 ans, il en avait 26. Nous étions dans le même établissement scolaire. Il avait passé une petite annonce dans le journal de l’école, disant qu’il recherchait une pianiste pour jouer sur des films muets qu’il avait dénichés à la bibliothèque. Au final, j’ai dû toucher cinq dollars pour ce que que j’avais composé pour lui.


Ensuite, vous avez souvent travaillé avec votre époux. 

Non. Enfin, c’est ce qu’on dit. J’étais « physiquement présente ».


Vous n’étiez pas sur ses plateaux ?

Je ne m’en souviens pas. Je veux dire, j’étais probablement là…


Selon les projets, vous ne vous répartissiez pas les tâches ? 

Non. Du moins, je ne m’en rappelle pas… Je ne me remémore pas avoir appris quoi que ce soit sur ses tournages.


À l’occasion, vous ne teniez pas la caméra ou vous ne vous occupiez pas de l’installation lumière ?

Il m’a peut-être demandé de me placer quelque part avec la caméra et d’appuyer sur le bouton d’enregistrement parce qu’il était occupé. Par conséquent, je pense n’avoir eu aucune incidence sur l’aspect technique de ses films (pourtant, Roberta Findlay est créditée – sous les pseudos d’Anna Riva, Robert Norman et Robert Marx – pour avoir assuré la direction photo et/ou travaillé comme technicienne lumière/électricienne sur plusieurs réalisations de son mari, dont Body of a Female, Satan’s Bed, Take Me Naked ou encore The Kiss of Her Flesh – NDR).


Il paraît que vous appréciiez beaucoup votre activité de directrice de la photographie… 

C’était le cas. Mais je n’ai rien appris de manière académique et j’ai tout expérimenté sur le tas. J’étais une sorte d’autodidacte. J’ai instantanément senti que je pouvais le faire. Je comprenais d’instinct ce qui devait se trouver dans le champ de la caméra et où placer celle-ci. Pareil pour le montage. Je n’y avais jamais touché, jusqu’à ce que je me mette à monter The Altar of Lust (curieusement, Roberta Findlay n’est pas créditée à ce poste, officiellement occupé par un dénommé Chuck Schwartz – NDR).


Vous épanouissiez-vous plus dans votre travail de chef-opératrice que dans la réalisation ?

Oh oui. La réalisation, je le faisais plus par nécessité. Je me souciais surtout de composer un beau cadre. Ce qui m’intéressait le plus était le processus de tournage et la manipulation de la caméra.


Il paraît que l’on vous avait affublée d’un surnom bien spécifique : « le trépied humain ».

En effet. (rires) Ce surnom m’a été donné à l’époque où nous tournions des films X. Nous utilisions du matériel lourd et volumineux relié à la caméra, dont un énorme magasin dans lequel on chargeait la pellicule, qui était lui-même installé dans un caisson blindé insonorisé. Rien que le magasin chargé pesait entre 7 et 10 kilos. Je n’étais pas très grande ni corpulente, mais j’étais très stable lorsque j’étais équipée de ce matériel. Je pouvais bouger un peu, mais pas trop. Je ne tremblais pour ainsi dire pas. J’étais comme un « trépied humain ». Un vrai pied de caméra, d’une stabilité à toute épreuve !



Avec le recul, quel est votre regard sur la polémique qui a entouré Snuff, coréalisé par votre mari (il s’agit en fait d’un remontage de The Slaughter réalisé par Michael Findlay et sorti en 1971, auquel l’un des producteurs a décidé d’adjoindre une séquence finale aux allures de snuff movie – NDR) ? 

Je n’en pense pas grand-chose. Il y a eu des manifestations de féministes et des mouvements de protestation contre le film à New York… Je me souviens qu’une des activistes m’avait appelée en me disant que c’était scandaleux, que je devais venir protester avec elle devant les cinémas qui diffusaient le film.


Que pensez-vous de la séquence additionnelle qui clôture le film ?

Je ne l’ai jamais vue et je n’ai aucune idée de ce à quoi elle peut bien ressembler. Elle a été ajoutée au film bien après que les garçons – c’est-à-dire mon compagnon Michael et le producteur Jack Bravman – l’ont eu confié à Allan Shackleton pour qu’il s’occupe de la distribution. C’est ce dernier qui a décidé d’y inclure de nouvelles scènes.


À l’époque, comment procédiez-vous pour rassembler le budget nécessaire au tournage de vos films ? 

Pour The Altar of Lust, mon premier film, j’avais discuté avec Allan Shackleton, qui était surtout un distributeur de films érotiques softcore. Il m’avait octroyé un budget de 5000 dollars. C’était du 35 mm, et par conséquent, on n’a pas pu se permettre de tourner en son direct. Tout a été doublé par la suite. En 1972, on m’a confié un budget de 7000 dollars pour mon deuxième film, Rosebud. A [...]

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