Carrière : Michael Ironside
Faisons un entretien sur l’ensemble de votre carrière…
En quelques minutes ? Ça a été merveilleux !
Plus précisément, vous connaissiez David Cronenberg avant de jouer dans Scanners ?
Oui, je connaissais son travail. En fait, je devais juste tenir un rôle de deux jours : vous savez, dans la séquence où le scientifique projette un film à son auditoire. D’ailleurs, j’ai été payé seulement 5 300 dollars en tout. Dollars canadiens. Mais quand David a su que j’avais été engagé, il a commencé à réécrire le scénario, si bien que nous recevions les scènes peut-être un ou deux jours avant leur tournage. Ainsi, je n’ai jamais eu de vision d’ensemble de l’histoire, et je ne pense pas que David la connaissait non plus. Ce n’est pas souvent qu’on restructure un script pendant qu’on le tourne : c’est comme aller dans une forêt et déchirer la carte. Mais David est un homme de grand talent, un narrateur très compétent qui sait où il va. Nous avons cependant retourné des choses quatre mois plus tard.
Lesquelles ?
Les séquences dans le métro, où Larry Dane sert d’informateur à mon personnage. Nous avons aussi retourné toute la fin. Quand le héros me frappe avec la statue et que je tombe, c’est le 23 décembre. Quand je me relève et que je lui lance : « Nous allons régler ça à la manière scanner », c’est le 1er mai. Car Dick Smith (le maquilleur – NDLR) avait travaillé entretemps sur Au-delà du réel (le film de Ken Russell – NDLR), dont la production a été stoppée deux fois. Il avait ainsi conçu ces poches de liquide que tout le monde utilise aujourd’hui, pour créer des explosions sous la peau. Il est donc revenu en disant : « Je veux essayer quelque chose de nouveau. ». Et c’est dans Scanners que cet effet est apparu pour la première fois, quand les veines gonflent sous mon visage.
Comment avez-vous appréhendé le rôle du tueur misogyne de Terreur à l’hôpital central ?
Vous simplifiez : dans ce film, je n’étais pas un misogyne, j’étais un enfant adopté abusé. Avant le tournage, je suis allé au Clarke Institute of Psychiatry à Toronto, où j’ai assisté à des thérapies de groupe avec un tas de gars qui étaient en prison. Ils avaient tous été blessés par leurs parents, en particulier par leurs mères. Je me souviens qu’un gars avait eu le bout du pénis coupé par sa mère quand il avait 11 ans, un autre avait reçu de l’eau bouillante sur les parties génitales. Un troisième avait été ligoté dans un coin par sa mère, qui lui avait enfoncé des trucs dans l’anus. Car elle avait peur qu’il devienne homosexuel, et elle voulait qu’il sache ce que cela faisait d’être violé. Des trucs de malade. Si ces gars se transforment en sociopathes misogynes, c’est parce qu’entre 6 et 14 ans, ils ont été psychologiquement et physiquement détruits. Et ensuite, nous les enfermons pour cela. Je ne suis pas d’accord. Je dis juste que pour aborder un tel personnage, vous devez avoir un germe de réalité quelque part. Par exemple, son incapacité à avoir une relation sexuelle satisfaisante. Quand il se retrouve avec une fille, il la retourne et il n’utilise pas son pénis : nous sous-entendons qu’il se sert du manche de son couteau. Car tout chez lui est conflictuel… Mais allons-nous parler encore longtemps de ce que j’ai fait il y a 35 ans ?
C’est important car il s’agit de souvenirs de jeunesse pour une nouvelle génération de réalisateurs, qui vous rendent aujourd’hui hommage en vous faisant jouer dans des films comme Reeker, Extraterrestrial ou Turbo Kid. Vous êtes ainsi devenu une figure « culte » après avoir été un des durs à cuire officiels du cinéma américain…
Non, cela n’est pas vrai. C’est juste que vous ne connaissez pas les films où j’ai joué des pères, des prêtres, des professeurs, etc. Ma fille m’a dit récemment que j’avais joué dans près de 240 longs-métrages. Eh bien, seulement un quart d’entre eux sont des gros budgets où je joue les durs à cuire. Depuis toujours, j’accepte un rôle de ce type tous les 12 ou 18 mois, pour gagner de l’argent et maintenir mon statut d’acteur. Ainsi, je peux choisir avec qui je travaille par ailleurs, et aider de petits projets à se financer sur mon nom. Pour nous en tenir aux titres que vous citez, Reeker a été produit, réalisé, écrit et même distribué par une seule société. Ils ont fait la postproduction dans un garage ! Et le tournage était très fun, car je me disais que ces gars poussaient vraiment les choses jusqu’à l’extrême limite. Il y a là-dedans un personnage avec des tondeuses à gazon à la place des mains. (rires) De la même manière, quand j’ai demandé aux Vicious Brothers ce qu’ils comptaient faire avec Extraterrestrial, ils m’ont répondu : « Nous voulons prendre ce genre de film où des ados partent dans un cottage pour le week-end, et l’emmener aussi loin que possible dans les limites de notre budget. ». Et ils l’ont fait, jusqu’à la perceuse qui rentre dans le cul du gars. Enfin, ces gars-là (il désigne les réalisateurs de Turbo Kid qui donnent un entretien à la table voisine – NDR) étaient super. Leur scénario était bon, et ils m’ont dit qu’ils voulaient rendre le film ironique, satirique. J’ai trouvé ça cool et je leur ai fait quelques suggestions. Ils en ont accepté certaines et en rejeté d’autres. Mais je n’ai pas été gêné par leurs refus, car ils maîtrisaient leur s [...]
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