Carrière Michael Armstrong
Comment avez-vous réussi à réaliser The Haunted House of Horror en étant âgé de moins de 25 ans ?
Cela a été un chemin plein de détours. J’ai d’abord pensé à tourner un long-métrage de façon amateur, en 16 mm et pendant les week-ends. Mais sur les conseils d’un petit distributeur, j’ai envoyé plusieurs scripts au bureau de censure, qui m’a répondu que rien de cela ne serait jamais autorisé à la projection au Royaume-Uni, pas même le générique. J’étais fou de rage, et j’ai fait irruption dans leurs locaux en exigeant de rencontrer le chef du bureau, John Trevelyan. Il était si fasciné par les rapports des censeurs qu’il a accepté de me recevoir, et je lui ai lancé : « Qu’essayez-vous de faire ? Détruire ma carrière avant même qu’elle ne commence ? ». Il m’a prié de m’asseoir, et dès ce moment, nous sommes devenus amis. Il était très protecteur avec moi et je passais beaucoup de temps dans son bureau, à boire du whisky et fumer des cigarettes en le regardant couper les films des autres. (rires) Un jour où je lui racontais mes difficultés, il m’a dit : « Laisse-moi donner un coup de fil. Car il y a ce producteur, Tony Tenser, qui vient de lancer une compagnie de distribution appelée Tigon. Comme il a eu un grand succès avec un jeune réalisateur, Michael Reeves, ça devrait t’intéresser de le rencontrer. ». À l’âge de 16 ans, j’avais écrit un scénario que j’avais ensuite un peu adapté aux années 60, et je l’ai apporté à Tony le lendemain. Il a accepté de me laisser le réaliser, et j’ai signé la vente de mon script pour 300 misérables livres, tout en pensant : « Il a payé tout cet argent pour quelques mots sur du papier, waouh ! ». (rires) J’étais si naïf…
Tenser avait fait fortune en produisant Repulsion de Roman Polanski, sur le budget d’un petit film d’horreur sexy. Il voulait donner leur chance à de jeunes cinéastes ?
Parce que ceux-ci ne coûtaient pas cher, c’était aussi simple que cela. À l’époque, mes films et ceux de Reeves ou Polanski n’étaient pas considérés comme des classiques. Nous représentions le plus bas du bas de la brigade des réalisateurs, et même les productions Hammer étaient vues comme la honte du cinéma britannique. En outre, c’était une période où vous ne pouviez pas devenir metteur en scène comme cela, à cause d’un système fermé tenant du serpent qui se mord la queue : vous ne pouviez pas travailler dans le cinéma si vous n’étiez pas membre d’un syndicat, et pour en être membre, vous deviez déjà travailler dans le cinéma ! À un moment où j’étais critique pour le magazine Films and Filming, nous recevions ainsi des centaines de lettres par semaine, écrite par des gens essayant désespérément d’entrer dans l’industrie. Je n’en avais guère conscience alors, mais j’ai vraiment brisé une barrière en dirigeant mon premier long-métrage. Il ne reste cependant que la moitié de mon travail dans le résultat final, pour lequel un autre réalisateur a rajouté une enquête de police n’ayant rien à voir avec mon histoire. C’est comme s’il y avait deux films en un, que vous pouvez distinguer par les différences de colorimétrie.
Il y subsiste néanmoins une peinture acerbe du « Swinging London » des sixties, bien éloignée de la vision idyllique qu’on en a maintenant…
C’était effectivement une attaque contre l’image souriante colportée par les films de l’époque. Sous une surface heureuse, la période était en fait très cynique, avec des relations superficielles et factices qui créaient beaucoup de solitude. Par exemple, cela faisait seulement quelques années que l’homosexualité avait cessé d’être une infraction pénale, et les gays étaient encore dans une situation confuse, comme c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui pour diverses raisons. Je voulais donc refléter la frustration qui continuait à s’opérer malgré les cheveux longs et l’apparente liberté sexuelle, avec un scénario montrant à quel point les gens se connaissent très peu en réalité, ou plutôt se donnent très peu la peine de se connaître. Ces éléments étaient fondus dans une histoire qui rappelait les Agatha Christie de l’Âge d’Or, tout en étant la première tentative de se rapprocher des futurs slashers. Le premier jet du script avait en effet été écrit avant la sortie de Psychose, dont la fin est assez semblable… Mais vous allez vraiment traduire tout cela en français ? J’ai hâte de le lire ! (rires)
Vous avez eu une autre expérience difficile avec La Marque du Diable…
Oh !!! À ce moment, je m’apprêtais à faire The Kinky Death-Wish of Vernon Slim, une comédie où Udo Kier était déjà censé jouer. Et j’avais pour manager Dina Lom, une femme merveilleuse qui réussissait à me calmer même si je n’étais pas la personne la plus facile à gérer : maintenant, je vais à peu près bien, mais j’étais alors très, très émotif et j’oscillais entre de graves dépressions et des moments d’exaltation incroyables. Enfin bref, elle ne voulait pas me voir associé à des films d’exploitation à bas budget, elle me voyait chez les majors. Nous étions ainsi en discussion avec Paramount, quand il a soudain été décidé que toutes les filiales de production européennes des grosses compagnies américaines fermeraient, afin d’empêcher l’effondrement du système des studios. Kinky Death-Wish a donc été un des nombreux longs-métrages britanniques annulés du jour au lendemain, et Dina s’est écriée : « Mon Dieu, il faut vite trouver quelque chose. ». Cependant, il s’est avéré qu’Adrian Hoven produisait en Allemagne un film qu’il aurait voulu réaliser lui-même, et pour lequel le distributeur Gloria voulait un cinéaste britannique. En fait, ils souhaitaient à l’origine Michael Reeves, puisqu’il avait fait Le Grand inquisiteur, mais il était mort entretemps et j’étais le second sur la liste, d’autant que Haunted House avait eu de grosses recettes en Allemagne comme partout ailleurs. J’ai ainsi reçu un scénario intitulé The Witch Hunt of Dr. Dracula, qui était proprement infilmable et surtout illisible. Jusqu’à la page 30, c’était tout un embrouillamini sur un chasseur de sorcières appelé Albino qui battait et violait les femmes. Puis arrivait un autre inquisiteur, Gadshill Cromwell, qui marchait vers un canapé… et Dracula s’asseyait dessus ! Bref, c’était juste une suite de tortures non-stop, où le vampire séquestrait des filles pour étendre le règne d [...]
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