Carrière : Mark Shostrom
Comment votre passion pour les effets spéciaux de maquillages a-t-elle commencé ?
En voyant La Planète des singes en 1968, à l’âge de douze ans, j’ai compris que je voulais faire ce métier. Il était très difficile à l’époque de trouver des informations sur le sujet. À la bibliothèque, ma mère m’a trouvé un livre sur le maquillage de scène, qui expliquait les techniques les plus basiques. Mon père m’a ensuite emmené dans un magasin de maquillage, qui fournissait les studios hollywoodiens depuis des décennies. Ils faisaient des faux nez, du faux sang, des perruques, tout ce qu’on peut imaginer. J’ai ramené beaucoup de choses à la maison, et je me suis entraîné sur mes parents, sur mon frère et sur moi-même.
C’est touchant !
Oui. Il n’y avait personne d’autre sur qui expérimenter : ils étaient là ! Mon premier maquillage, je l’ai fait sur ma mère, à partir du livre qu’elle avait ramené de la bibliothèque. Je l’ai transformée en Indienne à la peau foncée. J’étais tout excité ! C’était totalement stupide, avec le recul, mais c’était un premier pas.
À douze ans, vous étiez déjà sûr de vouloir faire ce métier ?
Quand on a cet âge-là, on ne pense pas en termes de carrière. C’était juste ma passion, mon hobby. D’autres faisaient du football, moi, je maquillais. En 1979 d’ailleurs, quand j’ai emménagé en Californie, j’avais deux idées en tête. Je voulais être soit maquilleur, soit musicien. Je me suis dit que la première chose qui fonctionnerait serait la bonne. J’étais sur le point de me marier à l’époque, et mon futur beau-père m’a demandé : « Quelles sont tes intentions vis-à-vis de ma fille ? Quels sont tes plans ? ». Je lui ai répondu : « Je veux faire des maquillages spéciaux comme dans La Planète des singes. ». Il m’a répondu : « Plus personne ne fait des films comme ça aujourd’hui ! ». Et il avait raison, je ne savais pas quoi répondre. Je ne le savais pas encore, mais en octobre 79, alors que je m’installais à Los Angeles, une révolution était sur le point d’éclater. Elephant Man allait sortir, puis Raging Bull, Au-delà du réel, Hurlements, Le Loup-garou de Londres, The Thing, Scanners… En moins de deux ans, tout a changé. De plus, Raging Bull, Au-delà du réel et Le Loup-garou de Londres étaient des films majeurs, des films de studios, des succès populaires qui allaient rapporter des Oscars. Quand je suis arrivé, les ateliers de maquillages étaient paradoxalement très rares. Rick Baker travaillait dans son garage, Tom Burman avait un petit atelier, Stan Winston et John Chambers aussi. Christopher Tucker était en Angleterre. En cinq ans, 70 ateliers se sont créés à Los Angeles, dont le mien. Dans les eighties, on travaillait constamment. C’était vraiment l’âge d’or. Et aujourd’hui, il n’y a plus que trois ou quatre vrais ateliers à L.A., à cause des images de synthèse. Donc pour vous répondre, je n’ai jamais eu le temps de penser à ma carrière. Je suis arrivé à Hollywood exactement au bon moment.
Avez-vous essayé de contacter Dick Smith, le parrain de tous les maquilleurs spéciaux, avant de vous lancer dans le métier ? Ou un autre grand maquilleur ?
C’est amusant, juste avant de déménager avec mes parents à Hong-Kong au début des années 1970, nous nous sommes arrêtés deux jours à Los Angeles. Et j’ai passé ces deux journées à éplucher le bottin, dans l’espoir de trouver le nom de Bud Westmore, l’un des maquilleurs en chef de la Universal. En vain. Quand je suis finalement arrivé à Los Angeles en 1979, j’ai essayé de joindre Dick Smith. J’ai fait la même chose : j’ai pris le bottin, et j’ai appelé le numéro d’un certain Dick Smith, mais il s’agissait d’un Afro-Américain qui ne travaillait pas dans le cinéma. Dans le magazine Famous Monsters of Filmland, ils écrivaient tout le temps : « Dick Smith, le grand maquilleur hollywoodien. ». J’en avais déduit qu’il vivait à Hollywood. J’ai appelé le syndicat des maquilleurs, et ils m’ont répondu qu’il vivait à New York ! En revanche, j’ai réussi à trouver le numéro de John Chambers, qui avait fait La Planète des singes, L’Île du docteur Moreau, Mission : impossible, Night Gallery… Je lui avais écrit en 1975, et il m’avait répondu. Nous avions correspondu pendant un temps. Il savait qui j’étais, donc je l’ai appelé. C’était un homme formidable. Il m’a donné beaucoup de contacts, il m’a présenté à Tom Burman. De fil en aiguille, un autre maquilleur m’a donné l’adresse de Dick Smith. Je lui ai écrit, et j’ai joint des photos de mon travail au courrier. C’était en 1980, et il m’a répondu, comme il le fait toujours. Il m’a dit : « Vos maquillages sont corrects. ». Pas top, mais corrects. C’était déjà ça ! Il m’a encouragé à continuer, m’a donné des conseils pour m’améliorer. Toutefois, il a insisté sur le fait que j’écrivais de très belles lettres. Ça l’avait impressionné. J’y ai travaillé très dur, en même temps. Je me souviens encore de ça aujourd’hui. Quand j’ai besoin de transmettre un scénario à quelqu’un que je ne connais pas, je l’accompagne d’une lettre bien sentie. Et ça marche ! Écrivez de belles lettres, ça vous aidera toujours. Bref, j’ai fini par discuter avec Dick au téléphone. Cet homme était extraordinaire, il partageait tout avec tout le monde, répondait à tous les appels. Voilà pourquoi tout le monde l’aime et le respecte tant dans cette industrie.
Quelque temps plus tard, vous avez travaillé sur Dar l’invincible de Don Coscarelli.
Oui, mais dans un monde parfait, ma page IMDb ne citerait pas Dar l’invincible en 1982… mais The Thing. Je venais d’emménager dans un petit appartement, et j’ai rencontré quelques personnes qui travaillaient sur le film de John Carpenter. Ils commençaient tout juste à bosser avec Rob Bottin. La préproduction a duré un an sur ce projet. Un ami à moi a été engagé sur The Thing, et il était incroyablement doué. Il m’a conseillé de postuler. Par chance, mon colocataire connaissait le production manager de Rob Bottin. Je l’ai rencontré, je lui ai montré mon book, mon travail n’était pas dément mais ils savaient que j’étais un vrai bosseur. Puis des mois se sont écoulés, et j’ai été appelé pour travailler sur Dar l’invincible. Je me suis engagé, j’ai commencé à bosser dessus, et l’équipe de Bottin m& [...]
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