Carrière : Mark Goldblatt

Mark Goldblatt a monté quelques films cultes comme PIRANHAS, HURLEMENTS, TERMINATOR, RAMBO II : LA MISSION, COMMANDO, CABAL, PREDATOR 2, TERMINATOR 2 – LE JUGEMENT DERNIER, LE DERNIER SAMARITAIN ou encore STARSHIP TROOPERS. À la fin des eighties, il s’est également essayé à la réalisation avec notamment PUNISHER, qui ressort actuellement en Blu-ray chez The Ecstasy of Films. Une bonne occasion pour soumettre ce technicien de génie à une copieuse rétrospection.

J’imagine que vous avez commencé en Super 8.

Oui, j’ai fait des courts-métrages, que je montais avec une machine d’assez mauvaise qualité. Au bout d’un moment, Kodak a sorti de la pellicule perforée pour les amateurs. J’ai commencé à en utiliser, mais elle avait tendance à se prendre dans le projecteur. À chaque coupe, la projection sautait. J’ai fini par monter en shootant. Je tournais un gros plan, puis un plan large, dans l’ordre. Il n’y avait de toute façon aucun dialogue.

Combien de courts-métrages avez-vous tournés ?

Oh bon sang… Beaucoup de petits films pseudo-documentaires. Ce que j’avais sous la main.

Vous saviez déjà ce que vous vouliez faire à l’âge adulte ?

Je voulais faire des films. Rien d’autre. Je voulais être réalisateur, parce qu’un réalisateur contrôle la vision globale.

Vous avez commencé chez Roger Corman, si je ne me trompe pas. 

Oui, j’ai été engagé en tant qu’assistant de production. Un jour, je suis allé voir un triple programme au World Theater sur Hollywood Boulevard, près de Vine Street. C’était une salle grindhouse. J’y ai découvert La Course à la mort de l’an 2000. J’ai vraiment beaucoup aimé le film, et j’ai adoré le fait qu’il avait été réalisé avec des moyens dérisoires. On sentait l’exubérance du réalisateur Paul Bartel, son sens de l’humour. C’est ce film qui m’a convaincu de frapper à la porte de Roger Corman. C’est ce que j’ai fait, d’ailleurs. Je suis allé là-bas. Une fille à l’entrée m’a dit d’aller voir quelqu’un à l’autre bout du couloir. C’était Jon Davison (futur producteur de Y a-t-il un pilote dans l’avion ?, RoboCop et Starship Troopers – NDLR). Jon et moi avons eu une très longue discussion. On s’est très bien entendus, et on avait beaucoup de goûts en commun. Nous étions tous les deux des « monster kids », des fans de la Hammer, des Universal Monsters, du magazine Famous Monsters of Filmland ou de Ray Harryhausen. Nous aimions également Antonioni, Bergman… Jon m’a proposé d’être assistant de production sur Hollywood Boulevard. J’amenais du café et des Donuts sur le plateau, je gérais le déjeuner de l’équipe, j’amenais les bobines au laboratoire, tout ce que vous pouvez imaginer. C’était 18 heures par jour, et au début, je n’étais pas censé avoir de salaire. Au bout de quelques jours à ce rythme-là, je leur ai dit : « Il faut me donner quelque chose ! ». Jon m’a répondu : « OK, ce sera soixante dollars par semaine, non rétroactifs. ». Je me suis fait beaucoup d’amis sur le plateau de Hollywood Boulevard, notamment Joe Dante et Allan Arkush, qui le coréalisaient. C’était super, il y avait une vraie camaraderie. J’ai survécu au tournage, et on m’a offert un autre contrat en tant que P.A. (Personnal Assistant – NDLR), sur Eat My Dust de Charles B. Griffith avec Ron Howard. Une chose en a amené une autre. J’ai appris la technique petit à petit. Un peu plus tard, je suis devenu l’assistant de Bob Estrin, qui avait monté La Balade sauvage. À ses côtés, j’ai appris à utiliser une Moviola (station de montage – NDLR). Puis j’ai assisté Joe Dante, qui montait Lâchez les bolides de Ron Howard (Grand Theft Auto, 1977 – NDLR). J’ai pu monter quelques scènes moi-même. Joe a ensuite pu réaliser Piranhas, toujours pour Corman, et il m’a engagé comme co-monteur. J’ai travaillé sur un rough cut pendant qu’il tournait, puis nous avons travaillé ensemble sur les finitions. J’ai donc été formé sur le terrain, parce qu’il fallait le faire. Il y avait dans l’équipe de Piranhas une passion dévorante, et une volonté de réaliser le meilleur film possible. Un jour, quelqu’un nous a appelés Joe et moi : « On fait la fête, vous voulez venir ? » « Non, on doit travailler. » « Vous ne comprenez pas, tout le monde est à poil dans le jacuzzi ! » « On aimerait bien, mais on doit travailler. ». Après Piranhas, j’ai retrouvé Joe sur Hurlements, puis j’ai rencontré Menahem Golan.

Arrêtons-nous un peu sur Hurlements. Le montage des scènes à effets spéciaux est très intéressant dans ce film. Pouvez-vous nous parler des rares plans de stop motion à avoir survécu ?

Les plans d’animation image par image qui avaient été réalisés étaient très bons si on les regardait séparément, mais ils ne s’intégraient pas bien du tout au reste du film. Les marionnettes et les têtes mécanisées de Rob Bottin étaient trop différentes. On a donc décidé d’utiliser la stop motion dans un montage rapide. C’est très stylisé au final, les loups-garous s’accouplent et la caméra se lève vers la Lune… Le fait que c’est de l’animation ne suscite pas le moindre doute. On le voit immédiatement, même si on n’y connaît rien en technique. Aujourd’hui, avec les effets visuels très sophistiqués dont nous disposons, on peut très facilement mélanger le numérique à des éléments filmés pour de vrai sur le plateau. C’est très propre, beaucoup plus que ce qu’on a pu faire à l’époque de Hurlements. En plus, on avait sept équipes différentes pour les plans en stop motion, donc même les plans animés semblent différents les uns des autres. Ça vous sort du film.

Joe Dante m’a raconté une anecdote : lorsque les distributeurs ont vu la première version de la scène de transformation, ils lui ont interdit de la retoucher. Or, elle dure près de deux minutes trente, et il ne se passe absolument rien en dehors des effets spéciaux de Bottin…

C’est une scène interminable, oui. Il y a un raisonnement que je peux comprendre, toutefois. Cette métamorphose est un « show-stopper », comme on dit dans l’industrie. C’est un gros numéro musical, qui s’étire sans doute un peu trop en longueur. Mais ça fait partie de son charme. À l’époque, personne n’avait jamais vu de pareilles images. La technologie était vraiment novatrice. Le public a été stupéfait. Alors oui, le temps s’arrête dans le film. On peut se dire qu’on vit la scène du point de vue de Dee Wallace : littéralement, sa mâchoire est tombée au sol, et elle ne peut plus détourner le regard.

Avez-vous essayé de la réduire à un moment ou un autre ?

Pas plus que ça. Joe a beaucoup travaillé sur cette séquence. Moi, j’ai juste préparé le montage avec ce qu’on m’a fourni. Avant de réduire une séquence, on veut utiliser tous les meilleurs passages des rushes. On ne veut rien oublier ou laisser de côté. On s’est toujours dit que c’était interminable, mais tellement cool à regarder…

Après Hurlements, vous avez donc monté un film de ninjas.

Oui, L’Implacable ninja (Enter the Ninja

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