Carrière : Malcolm McDowell

Honoré par une rétrospective à la Cinémathèque française en juin dernier, l’interprète de Caligula et de l’Alex d’Orange mécanique nous a parlé de ses rôles les plus mémorables tout en livrant, au sujet du métier d’acteur, des réflexions où il n’oublie pas de rendre hommage à ses éminents collègues.
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Nous inaugurons cette nouvelle formule avec le dernier Halloween. Vous-même avez incarné le Dr Loomis dans les deux longs-métrages de Rob Zombie. Il vous avait demandé d’étudier le jeu de Donald Pleasence dans le film original ?

À vrai dire, ç’a été le contraire. Quand j’ai rencontré Rob pour la première fois, je lui ai dit : « Pour être honnête, je n’ai jamais vu Halloween. Je dois ? ». Il m’a répondu que non, car il allait faire quelque chose d’assez différent. D’ailleurs, à ce jour, je n’ai toujours pas vu le film de John Carpenter. C’est mieux ainsi, car je préfère apposer ma propre empreinte. Bon, j’ai bien connu Donald Pleasence que je respectais énormément comme acteur, bien sûr, et je peux imaginer qu’il a fait un super boulot avec Loomis. Mais c’est le genre de rôle que tout acteur peut rendre intéressant, en se l’appropriant. Pour ma part, si l’on veut, j’ai aimé l’honnêteté de Loomis, sa croyance en des conneries. Car enfin, il ne raconte que des conneries ! Un homme dont l’un des patients, dont il s’occupe depuis 17 ans, finit par s’échapper et tuer la moitié d’une ville : vous appelez cela un bon médecin ? Loomis est donc un gars très égocentrique, ce qui le rend faillible, et j’ai trouvé très intéressant de bosser là-dessus. J’ai aussi beaucoup aimé le travail avec Rob, et quand il m’a proposé de faire un second Halloween, je lui ai répondu que je n’avais pas vraiment envie de répéter ce que j’avais déjà fait. Il m’a alors dit : « Nooon, ce serait ennuyeux, je suis d’accord. Cette fois, faisons de lui une merde totale. ». Là, j’ai déclaré que j’étais partant, et c’est ainsi que dans Halloween II, Loomis est le seul à profiter de ces horribles meurtres, ayant écrit un livre là-dessus.


Au départ, Rob Zombie vous avait choisi en référence à vos anciens films ?

Je n’en ai aucune idée, c’est à lui que vous devriez poser la question. Quand j’ai rencontré Rob, il a surtout voulu parler de son projet, des raisons pour lesquelles il l’entreprenait. Je lui ai alors dit qu’il avait écrit un scénario assez bon, où il avait apposé sa propre patte. Envisager Michael Myers comme un gamin paumé, c’était une approche très intéressante. Après, Rob est définitivement un admirateur de Kubrick, mais il faut dire que tout le monde a vu Orange mécanique à un moment de sa vie. Du coup, je n’ai jamais eu à présenter mes lettres de créance : elles étaient déjà là. Car de la même manière, chaque personne appartenant au milieu du cinéma a vu If…. ou même Caligula.


Il y a pourtant eu une période où vous ne vouliez plus entendre parler d’Orange mécanique, tellement le film vous avait catalogué dans les rôles de psychopathe… 

Ouais, pendant environ dix ans, j’en ai eu plein le dos d’Orange mécanique. Mais j’ai dépassé cela il y a longtemps. Maintenant, c’est un film dont je suis très fier. Mon Dieu, combien d’acteurs ont eu la chance, ne serait-ce qu’une fois dans leur vie, de faire une chose pareille, qui est encore montrée dans les musées 48 ans après sa réalisation ? C’est assez dingue. 


Mais sur le tournage, vous aviez le sentiment de participer à une oeuvre qui ferait date, ou bien vous étiez sceptique devant des décors et des costumes qui sont maintenant devenus presque « rétro-futuristes » ? 

D’abord, vous n’êtes jamais conscient de l’impact d’un film à long terme. Tout ce que vous pouvez faire, c’est vous demander si c’est bon ou pas, si cela fonctionne ou non. Je n’ai donc jamais mis en doute les costumes, qui n’étaient d’ailleurs rien d’autre que mes « blancs de cricket ». Je pratiquais en effet ce sport, et quand vous y jouez en Angleterre, vous êtes tout en blanc, avec des pantalons blancs, une chemise blanche, etc. Or, j’avais mes affaires de cricket dans ma voiture, et Stanley m’a donc suggéré de les mettre. Et pendant que je les enfilais, il m’a demandé : « Ça, qu’est-ce que c’est ? ». Je lui ai répondu qu’il s’agissait des protections qu’on met en dessous, la balle de cricket étant très dure. Il m’a dit de les mettre par-dessus les vêtements, et c’est ainsi devenu une sorte d’armure. Bref, le costume consistait fondamentalement en des blancs de cricket et des cils lourdement maquillés, c’était tout. À cela, Stanley a ajouté les boutons de manchette en forme de globes oculaires ensanglantés – je ne sais pas d’où il avait tiré cette idée. Il avait également toujours eu en tête ces incroyables bottes de Marines américains, qu’il a réussi à se faire envoyer par un ami depuis les États-Unis. Enfin, il y avait une grande boîte de chapeaux, et j’ai choisi le melon à cause du symbolisme renvoyant à la City boursière de Londres. C’était marrant de porter un chapeau melon, puisque c’était comme adresser un doigt d’honneur à l’establishment. C’était aussi simple que cela, vraiment. Po u r t a n t , Orange mécanique a été pris très au sérieux à sa sortie, à tel point que je ne comprenais pas de quoi les gens parlaient. Ce n’était pas le film que j’avais tourné. Pour moi, nous avions fait une comédie noire. Mais ils disaient que la violence était insoutenable, comme s’ils n’avaient jamais regardé le journal télévisé. S’ils voulaient voir de la violence, oh mon Dieu, il y avait à cette époque les images de la guerre du Vietnam. Ces réactions m’ont vraiment choqué. Des éditoriaux ont même attaqué le film comme fasciste, alors qu’il était ridicule de qualifier Stanley de fasciste. D’abord, Orange mécanique n’était pas sa vision, mais celle de l’écrivain Anthony Burgess. En outre, je crois qu’il s’agit de la meilleure traduction cinématographique d’un livre important. Alors que celui-ci était extrêmement difficile à traiter – il y a d’ailleurs pas mal de différences entre le roman et le film –, Stanley a réussi à l’adapter à l’écran de manière incroyable, tout en gardant la vibration du livre. 



Et quelles ont été les réactions devant Caligula, où des acteurs shakespeariens évoluaient au milieu de figurants nus ? 

Les Anglais étaient scandalisés, bien sûr. Mais comment peut-on être scandalisé par un divertissement ? Si vous voulez être scandalisé, soyez-le par les SDF dans la rue, pas par un putain de film à la con qui a été financé par un pornographe ! Car Caligula était avant tout l’oeuvre de Bob Guccione (l’éditeur de Penthouse – NDR), un commerçant avisé qui, je crois, a entrepris cela pour vendre ses magazines. Du coup, il ne voulait pas faire un porno de base, si bien qu’il a étoffé le projet avec de bons acteurs. Cependant, si vous lisez Suétone, l’historien de l’Antiquité, vous vous rendrez compte que beaucoup d’éléments du film sont étonnamment conformes à la réalité historique de cette époque, qui a été vraiment folle. Bref, Caligula contient pas mal de très bonnes choses, et d’autres vraiment débiles. 


Dans les bonnes choses, il y a ces décors de studio complètement déments… 

Oh oui. Ils avaient engagé Danilo Donati, le meilleur des décorateurs – celui de Fellini ! En plus, il a conçu à la fois le plateau et les costumes, ce qui est à mon avis la bonne façon de faire. Aux États-Unis, les décors et les costumes sont deux départements séparés, et c’est pour moi une erreur. D’une certaine manière, Donati a été le véritable auteur de Caligula, en relevant le défi de porter à l’écran cette sacrée époque. Cela dit, le script n’était pas très bon, si bien que nous avons tous essayé de l’améliorer. Et Gore Vidal ne nous l’a jamais pardonné. Très tôt, il a ainsi retiré son nom. Car au départ, le film s’intitulait Gore Vidal’s Caligula ! Mais c’était absurde : à moins que vous le réalisiez vous-même, ce ne sera jamais votre Caligula. Bien sûr, Gore était un homme très brillant à beaucoup d’égards, mais il avait un ego monstrueux. De plus, je ne pense pas qu’il comprenait l’écriture de scénario aussi bien qu’il le croyait. Du coup, le script avait vraiment besoin d’être retravaillé, et comme il ne voulait pas s’en occuper, nous av [...]

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