Carrière : Luigi Cozzi

Nous avions déjà interrogé l’auteur de CONTAMINATION et STARCRASH, LE CHOC DES ÉTOILES sur sa collaboration avec Dario Argento dans le hors-série consacré à ce dernier, et nous reviendrons prochainement sur ses films d’heroic fantasy. Ici, nous avons donc choisi de le faire parler avant tout des arcanes pittoresques de l’industrie de la série B italienne, aujourd’hui défunte. D’autant qu’après 25 ans de silence, Luigi Cozzi effectue son comeback avec un long-métrage tourné en toute indépendance, BLOOD ON MÉLIÈS’ MOON, qu’il vient de présenter en première mondiale au BIFFF où il était également membre du jury.
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Lors de notre précédent entretien sur Dario Argento, nous nous en étions restés à votre premier long-métrage professionnel, L’Assassino è costretto ad uccidere ancora, qui n’est pas un giallo au sens strict. Le mystère policier de type « whodunit » est en effet remplacé par un montage parallèle entre, d’une part, un tueur en série qu’on fait chanter pour qu’il récidive, et d’autre part, des scènes où son commanditaire essaie de déjouer les soupçons des inspecteurs…

Des producteurs milanais avaient contacté Dario à propos d’un éventuel giallo, et il leur avait répondu : « Mes films, je les fais seul car j’ai ma propre société, mais si vous cherchez un réalisateur, il y a Luigi. ». En somme, il a vraiment été plus qu’un ami. Mais comme j’avais déjà donné dans le whodunit en coécrivant Quatre mouches de velours gris avec Dario, j’ai pensé qu’il était temps de faire quelque chose de différent de tous ces thrillers italiens où l’identité de l’assassin est dévoilée dans la dernière bobine. J’ai donc essayé de bouleverser les règles du giallo tout en gardant la même tension et la même peur. Du coup, le visage du tueur est montré dès la toute première image du film, et à partir de là, l’alternance des scènes était déjà prévue dans le scénario. Cela fonctionnait sur le papier, mais c’était un autre type de travail que de le concrétiser au montage. Il fallait doser précisément les plans, notamment au moment où la fille est violée par l’assassin pendant que son petit ami fait l’amour avec une inconnue dans un autre endroit. C’était vraiment la séquence la plus importante du film.

Un autre élément intéressant est la petite plage où se déroule une bonne partie de l’histoire. Elle est très jolie, mais en même temps, on comprend la sensation de malaise qu’elle inspire au personnage incarné par Cristina Galbó. Vous avez eu du mal à trouver cet endroit ?

Oui, nous en étions presque à la fin du tournage, et nous n’avions toujours pas trouvé ces extérieurs. Puis, un dimanche matin de novembre où il faisait froid, nous sommes arrivés sur cette plage située près de Gênes. Je l’ai choisie parce qu’elle était belle, isolée, et qu’il y avait cette étrange tour donnant sur la mer. Or, la porte du bâtiment était fermée, et nous ne savions pas qui était le propriétaire. Pour les plans rapprochés, j’ai donc fait construire une autre porte, que nous avons en fait suspendue sur la plage : il n’y avait rien derrière. Mais l’endroit me plaisait, car c’était presque le château de Dracula. Quant à Cristina Galbó, c’était une très bonne actrice qui avait un tempérament assez triste, lui donnant une intéressante expression de mélancolie. Je crois qu’aujourd’hui, elle enseigne le flamenco à Los Angeles.

À propos d’actrices, un récent livre sur Joe D’Amato dit que c’est vous qui avez découvert la première star du porno italien, Lucia Ramirez, dans les rues de Saint-Domingue…

Non, ce n’est pas moi, c’est le producteur exécutif italien Ugo Valenti, avec qui j’allais faire Contamination. Il était à Saint-Domingue avec sa femme et ses enfants, mais il courait après toutes les filles. Et quand il a croisé cette Lucia Ramirez dans la rue, il lui a dit pour l’aborder : « Vous êtes parfaite pour jouer dans un film. Vous voulez faire du cinéma ? Je suis producteur. ». Elle est ainsi devenue sa maîtresse, après qu’elle est apparue dans deux longs-métrages de Joe D’Amato, Orgasmo nero et Paradiso Blu. J’ai participé au scénario du second, mais c’était seulement un travail de commande pour moi : on m’a juste demandé d’écrire une chose dans le genre du Lagon bleu. En fait, ce devait être vendu comme un film d’Anna Bergman, car elle jouait dedans et l’idée était de faire croire que la fille d’Ingmar Bergman était passée à la réalisation. Mais c’est bien Aristide (Massaccesi, le vrai nom de Joe D’Amato – NDR) qui a dirigé Paradiso blu, pas elle. Je suis passé sur le tournage, car ils m’avaient invité à venir en vacances à Saint-Domingue avec ma femme, et j’avais tout de suite dit oui. (rires) De plus, avec Valenti, nous pensions à faire également Contamination à Saint-Domingue. À vrai dire, Valenti avait convaincu un riche Dominicain, qui était propriétaire de l’hôtel Sheraton local, d’investir dans le cinéma, en lui promettant de vendre le résultat en Italie et partout ailleurs. Ils ont ainsi produit les deux films de Joe D’Amato, mais ces derniers sont ensuite restés sur une étagère pendant une paire d’années. Alors, ils ont ainsi fini par les revendre à Aristide, qui était resté sur place et y avait réalisé entretemps quatre ou cinq longs-métrages pour sa propre société, car c’était très facile et bon marché de tourner là-bas.



Du coup, vous avez tourné
Contamination en Colombie, en regrettant de ne pouvoir utiliser la grande usine que vous aviez repérée à Saint-Domingue. Pour autant, le final est réussi, avec cette espèce de monstre à la Lovecraft…

C’est différent maintenant avec les effets numériques, mais auparavant, quand le public était frappé par une créature, c’est parce qu’il ne la voyait pratiquement pas. De plus, sur Contamination, le monstre ne fonctionnait pas sur le plateau. Les câbles étaient cassés, et on ne pouvait pas manoeuvrer les tentacules comme c’était prévu – un truc à l’italienne, quoi. Si vous regardez attentivement cette partie finale, vous verrez donc qu’elle est différente du reste du film au point de vue technique, car il y a un énorme travail de montage. J’ai mis en boîte une infinité de cadrages différents pour cacher les défauts, qui étaient nombreux. Heureusement, j’avais un très bon monteur, celui de Sergio Leone : Nino Baragli. En outre, pour dissimuler le fait que le monstre [...]

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