Carrière : Kevin Yagher
Quel fut votre premier job dans le business ?
À mon arrivée à L.A., j’ai été engagé par Greg Cannom pour travailler sur Starfighter sur la liquéfaction d’un visage. Juste après, j’ai bossé sur une fausse tête de serpent pour Dreamscape. Mon troisième job, c’était le clip Thriller ! Tout le monde s’est retrouvé sur ce projet. J’ai maquillé certains danseurs, puis Rick m’a demandé d’apparaître à l’écran : je suis un zombie dans trois ou quatre plans ! Le tout dernier zombie qui se retourne à la fin du clip, c’est Greg Cannom, et j’ai créé ses fausses dents. J’étais un grand admirateur de Michael Jackson, déjà du temps des Jackson 5. Ayant grandi dans l’Ohio, ça n’était pas forcément bien vu. Un petit blanc qui écoute de la musique noire ? On vous regardait de travers ! Me retrouver à bosser sur Thriller, c’était surréaliste. Et c’était vraiment le début de l’Âge d’Or des maquillages spéciaux qui avait commencé avec Hurlements et Le Loup-garou de Londres. On voyait Rick Baker et Rob Bottin aux journaux télévisés du soir. J’ai donc assisté au décollage du métier, mais aussi à sa chute. Une virée incroyable.
La Revanche de Freddy fut votre premier projet en solo, n’est-ce pas ?
Oui. J’ai travaillé avec Cannom sur Cocoon, puis avec Stan Winston sur L’Invasion vient de Mars. Entre les deux, j’avais passé un entretien pour La Revanche de Freddy. Je me suis bien entendu avec le réalisateur Jack Sholder, et j’ai été engagé. New Line était en conflit avec David Miller, qui avait créé le personnage dans Les Griffes de la nuit. On ne peut pas compter sur la fidélité de New Line : après mon troisième Freddy, ils ont filé les maquillages à quelqu’un d’autre sans me prévenir parce que mon devis dépassait leur budget d’à peine 5000 dollars. Ils n’ont même pas essayé de négocier ! Quand ils me l’ont annoncé, je leur ai dit : « Pourquoi ne pas en avoir parlé ? J’aurais pu baisser mon prix ! ». La même chose est arrivée à David Miller. Il demandait un peu trop, et en plus, il ne s’entendait pas très bien avec Sholder. J’ai donc hérité de son rôle, et Mark Shostrom (lire interview in Mad Movies 297 – NDR) s’est occupé d’une séquence de son côté.
J’imagine que David Miller ne vous a laissé aucune référence pour votre maquillage.
Pour le premier film, le studio n’avait qu’une poignée de photographies du personnage. Ils ne savaient pas ce qu’ils avaient entre les mains, et le succès les a pris par surprise. Le premier a coûté un million de dollars, et ils ne pouvaient pas se payer de photographe de plateau ! Les clichés que j’avais montraient des effets inachevés, maladroits. Pour moi, Freddy était une sorcière, un monstre tout droit sorti du Magicien d’Oz. J’ai voulu enfoncer davantage le contour de ses yeux, pour faire ressortir son crâne. Quand on voit des grands brûlés, ce qui frappe, c’est cette peau fondue qui glisse le long du crâne. J’ai voulu reproduire ça. J’ai aussi conçu un nez beaucoup plus crochu. J’ai enfin ajouté des lentilles de contact. Un jour, nous devions tourner dans une vieille usine à Fontana, bled perdu dans le désert de Californie. Mon assistant devait amener les lentilles, et il était en retard. Il avait fait quelques tests qui n’avaient pas fonctionné, et en grand perfectionniste, il avait tout repris à zéro. Il était en route vers le plateau, et le premier plan devait montrer Freddy en plan large. L’idée était de finir la journée avec les gros plans, ce qui est horrible pour un maquilleur, car les prothèses s’abiment. J’ai expliqué au patron de New Line, Bob Shaye, que mon assistant était en route, et c’est la première fois qu’on m’a hurlé dessus à la mode hollywoodienne. Il y a quelques grands hurleurs dans ce business ; c’est une question de domination et de pouvoir. Les films sont censés être un travail d’équipe, mais il y a toujours une forte tête quelque part. Et j’ai travaillé avec les têtes les plus fortes du métier ! C’est amusant, quand on buvait deux verres avec Bob Shaye, c’était le mec le plus adorable au monde, mais sobre, c’était un fils de pute ! Ce jour-là, il a pété un câble. Je lui ai dit qu’on pouvait tourner le large comme ça, qu’on ne verrait jamais les lentilles à cette distance, mais il continuait de hurler. J’ai fini par lui lancer : « Elles seront là dans cinq minutes, alors va chier ! ». Et il m’a laissé tranquille ! J’ai dû faire ça à Joel Silver sur Les Contes de la crypte. Il faut savoir se faire respecter face à des personnalités aussi fortes. Certains de ces hurleurs fous sont brillants, en particulier Paul Verhoeven. C’est le réalisateur le plus intelligent avec qui j’ai pu travailler, mais il m’est tombé dessus à plusieurs reprises ! Avec lui, je n’ai pas crié en retour. Sur Starship Troopers, j’ai juste répondu : « Je vais corriger le tir. ».
Comment s’est passée votre collaboration avec Chuck Russell sur Freddy 3 – les griffes du cauchemar ?
J’ai d’excellents souvenirs de ce film. J’ai pu créer ce gros serpent animatronique et la plupart des effets liés à Freddy. Cette créature était dès le départ un énorme symbole phallique. Vue de haut, elle ressemblait à un pénis géant. Chuck Russell avait même prévu un plan en plongée, qui n’est finalement pas dans le film. En maquette, le monstre était tout gris, mais quand nous avons peint la marionnette géante, elle était aussi rose qu’une bite. Chuck a paniqué. Il m’a dit : « Ça ressemble à un pénis… ». « Oui, c’était l’idée ! » On ne pouvait pas tout repeindre, donc on a préparé des litres de slime verdâtre pour masquer l’effet.
Et avec Renny Harlin sur Le Cauchemar de Freddy ?
J’ai travaillé très étroitement avec Renny. J’ai dessiné les story-boards de toutes les scènes à effets spéciaux. J’ai donc conçu la scène des cafards, que Screaming Mad George a fini par réaliser. J’ai conçu le climax, que Steve Joh [...]
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