Carrière : James Glickenhaus
Votre premier long-métrage, The Astrologer, mêle des thèmes quasi mystiques à des spéculations technologiques…
C’était basé sur un roman écrit par le père de la femme à qui j’étais marié, et qui avait assez bien marché. Ce n’était donc pas mon idée, mais je la trouvais très intéressante. C’est drôle : beaucoup de mes films semblent avoir été en avance sur leur temps, car ils recèlent des thèmes que de nombreux cinéastes ont exploré par la suite, comme les rapports entre le monde réel et les univers engendrés par ordinateur. Ou encore les voyages dans le temps, avec des interrogations du type : « Et si vous pouviez modifier le passé ou le futur ? ».
Si les petits films ont souvent des sujets resserrés, The Astrologer a un récit très ample nous transportant aux quatre coins du monde. Vous vouliez montrer que vous étiez capable d’offrir d’énormes « production values » avec un budget très bas ?
C’était exactement le but. The Astrologer était un peu un film d’étudiant, un moyen d’apprendre. J’ai essayé de faire un long-métrage avec beaucoup de production values pour peu d’argent, afin de montrer aux investisseurs que nous pouvions livrer un résultat qui paraissait plus coûteux qu’il ne l’était en réalité. Et ça a fonctionné. L’autre chose avec The Astrologer, c’est que nous avons tourné sans aucun réel intérêt de la part des distributeurs. Nous avons donc auto-distribué le film, et je crois que cela m’a montré la manière dont le business fonctionne : comment traiter avec les salles, comment réunir un budget, comment vendre le résultat à la télévision ou à un éditeur vidéo…
La légende dit en effet que vous avez vous-même démarché des patrons de salles dans les états ruraux du sud, avant qu’un distributeur ne rachète le film et le rebaptise Suicide Cult…
C’est tout à fait vrai : nous avons trimbalé The Astrologer partout, et cela a marché. Et oui, il a ensuite été repris par un autre distributeur, qui l’a ressorti sous un autre titre. Mais à ce moment-là, j’étais déjà passé à autre chose, puisque tout le monde était content de l’argent que nous avions eu en retour. Il faut cependant dire que c’était une époque magique pour le cinéma. Si vous regardez les films faits à cette période, vous verrez que beaucoup sont dus à des indépendants comme Martin Scorsese et Dennis Hopper, qui les ont tournés sans avoir recours à Hollywood, parfois avec succès et parfois sans succès. En Europe, il y avait une tradition similaire, avec plus de financements disponibles, ainsi que des crédits d’impôt et d’autres facilités. Il y a ainsi eu des gens comme Antonioni, Lelouch et Godard, ou encore les westerns spaghetti de Sergio Leone. Tous ces cinéastes m’ont appris qu’on pouvait travailler hors du système, ce que j’ai fait pendant toute ma carrière. D’abord, les mêmes investisseurs que pour The Astrologer ont financé The Exterminator (aussi connu en France sous le titre Le Droit de tuer – NDR), qui a rapporté beaucoup d’argent. Et je suis à nouveau passé à autre chose.
Arrêtons-nous quand même sur The Exterminator. Vous étiez conscient de la polémique entourant les films d’autodéfense dans la presse française ?
Pour être honnête, je crois que les critiques européens ont vu dans ces films des discours politiques auxquels les cinéastes n’avaient certainement pas pensé. L’argument de The Exterminator, c’était qu’il existe beaucoup de rage dans le monde. Et que si les gouvernements ne fonctionnent plus et sont incapables d’enlever les criminels des rues, alors cette rage entre en ébullition et peut virer à l’autodéfense. Nous voyons cela tous les jours. Regardez le Venezuela : si ce pays continue de tomber en morceaux économiquement, ce ne serait pas étonnant qu’il y ait des choses comme des milices ou un putsch militaire. Dans certains cas, cela peut être une solution viable. Souvenez-vous des années 80 : la Colombie et certaines régions du Mexique étaient alors sous le contrôle des narcotrafiquants et des narcoterroristes. Et il y a eu une énorme rébellion contre ces narcos, qui ont fini par être arrêtés et perdre leur pouvoir. Mon film McBain parle de cela, de la rage de ces pays tombés entièrement sous la coupe des criminels. Mais je pense que l’erreur faite par beaucoup de critiques en Europe, c’est de supposer que moi, comme réalisateur et scénariste, je faisais autre chose que de montrer simplement les choses comme elles se passaient. Mes héros, si vous acceptez ce terme, se dressaient juste contre cette réalité. Cependant, je n’essayais pas de pousser un cri de bataille, d’exhorter les gens à faire quelque chose. Je commentais seulement le fait qu’on ne traitait pas ces problèmes, qui peuvent devenir très déplaisants pour la société. Bref, c’était davantage un avertissement qu’un discours politique.
Un détail : le personnage-titre de The Exterminator est incarné par Robert Ginty, mais c’est le nom de Christopher George qui apparaît en premier au générique. Son rôle de flic est cependant important, car il est lui aussi un vétéran du Vietnam vivant aux marges de la société…
L’ordre des acteurs au générique était seulement une disposition contractuelle, négociée avec les agents. Mais c’est absolument vrai que l’histoire parlait aussi du personnage de Christopher George, car à cette époque particulière, la frontière entre les policiers et les criminels était un peu brouillée. C’est aussi le sujet du film que j’ai tourné avec Peter Weller et Sam Elliott, Shakedown, intitulé Blue Jean Cop en France.
C’est justement là que je voulais en venir : dans Blue Jean Cop, le personnage de Peter Weller hésite à quitter l’aide juridictionnelle pour devenir un riche avocat d’affaires. Dans ces deux films, vous vouliez montrer le devenir de cette génération passée par l’utopie hippie et la guerre du Vietnam ?
Oui, aucun doute là-dessus. Tous mes polars ont revisité les mêmes personnages et les mêmes idées. Comme vous le dites très justement, ils sont allés à la guerre, et qu’es [...]
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