Carrière : Christina Lindberg

Grâce à la tournée française organisée conjointement par l’Absurde Séance de Nantes, l’éditeur Bach Films, le site Psychovision et la boutique Hors-Circuits, nous avons eu le plaisir de rencontrer une des grandes sex-stars des années 70, entrée dans la légende en incarnant l’exterminatrice borgne de THRILLER, le plus cruel des rape and revenge.

Comment êtes-vous devenue actrice ?

Je viens de Göteborg, la deuxième plus grande ville de Suède, et pendant l’été, je passais mon temps sur les plages du sud du pays. Or, nous avions ces journaux qui comportaient tous la photo d’une fille en bikini, et j’ai donc été dans chacun d’eux, toujours dans le même rôle : la fille sur la plage, la fille sur la plage… (rires) Les choses ont cependant vraiment commencé quand un célèbre photographe m’a vue danser dans un club. Il m’a dit : « Je vais faire une série sur les filles de Göteborg. Veux-tu que je prenne des clichés de toi ? ». Je me suis ainsi retrouvée dans de nombreux magazines masculins en Suède, en couverture et en page centrale : j’avais tout l’espace. En fait, j’avais alors déjà tourné dans un film en coproduction américaine, Inga… bonne à tout faire, alors que j’étais encore à l’école. Mais c’est deux jours après cette séance photo que je suis partie pour Stockholm, car les images avaient été vues par le producteur d’une des plus grosses compagnies suédoises. Il cherchait une fille qui accepterait d’enlever ses vêtements, pour tenir un des rôles principaux d’un film très sérieux joué par des comédiens du Théâtre National de Suède. Et par moi, une actrice amateur. (rires) Je crois que 400 filles ont été auditionnées pour ce rôle, et d’ailleurs, le réalisateur – un des plus célèbres de Suède à l’époque – en voulait une autre. Mais comme c’était lui qui avait l’argent, le producteur a dit non, et j’ai été choisie. La raison était qu’il voulait exporter le film, qui était une comédie noire intitulée Dog Days. Grâce à ce dernier, je suis devenue très célèbre en Suède, et j’ai continué à enchaîner les pages centrales de magazines, les films…

Des longs-métrages comme Inga… ou La Possédée font le portrait d’adolescentes confrontées à la libération sexuelle. Vous trouviez les scripts conformes à la jeunesse suédoise de l’époque, ou bien complètement caricaturaux ?

Je ne réfléchissais pas en ces termes. J’essayais seulement de trouver quelque chose d’important dans chaque scénario. Cela peut sembler naïf, mais vous êtes naïve quand vous avez 20 ans. En outre, ces films étaient assez particuliers : je devais enlever mes vêtements, mais pour le reste, ils étaient faits très sérieusement, même si les scripts n’étaient pas trop sérieux. En effet, les autres acteurs étaient des comédiens très connus, venant du Théâtre National. Je l’ai compris plus tard, ils étaient si mal payés pour leur travail sur scène qu’ils avaient besoin de cet argent supplémentaire. De même, les techniciens étaient ceux des films d’Ingmar Bergman, et sur le plateau, ils plaisantaient en disant : « Eh bien, il n’y a que Christina pour trouver quelque chose d’intéressant là-dedans. ». Mais j’essayais toujours d’en tirer quelque chose, alors que c’était à chaque fois presque le même rôle, bien sûr. En fait, je jouais mon propre personnage, en me comportant devant la caméra comme je le faisais dans la vie. Anita était toutefois un peu différent : Torgny Wickman a essayé de trouver un angle sérieux pour aborder son sujet, et le résultat est à mon avis meilleur que pour La Possédée ou Libre-échanges.

Ce film est en effet très particulier pour une production érotique, car vous y jouez une nymphomane perpétuellement insatisfaite et malheureuse…

J’ai longtemps eu un côté très sombre. Déjà, à l’école, on m’appelait « la fille qui ne sourit jamais ». Et quand j’avais une vingtaine d’années, j’étais profondément plongée dans des pensées très noires. Je lisais beaucoup de choses sur l’existentialisme, Søren Kierkegaard, Nietzsche, Schopenhauer… Bref, je n’étais pas une fille heureuse, et peut-être peut-on le voir dans ma manière de jouer. Mais je me suis beaucoup amusée aussi, bien sûr. Car j’ai grandi dans un milieu ouvrier, avec une mère travaillant nuit et jour, et ma carrière m’a permis d’échapper à ce genre de vie. Pour moi, c’était comme un autre monde de pouvoir aller dans de grands restaurants ou de prendre l’avion, ce que je n’avais jamais fait avant d’avoir 18 ans.

Cela a dû être encore plus un « autre monde » au Japon, où vous étiez traitée comme une véritable star…

Oh oui, c’était comme d’entrer dans le Hollywood d’autrefois. Si j’avais envie d’une tasse de thé, il y avait une personne pour me la verser : ils se chargeaient de tout pour vous, et j’ai été très gâtée à l’époque. Auparavant, j’étais partie en tournée dans tout le pays pour la promotion de La Possédée, et j’étais donc assez connue. Par exemple, il y avait un grand portrait de moi exposé au centre de Tokyo. Ensuite, je suis allée à Paris afin de poser pour le magazine Lui, et quand je suis retournée à Stockholm, des gens de la compagnie Toei m’ont appelée pour me demander : « Seriez-vous intéressée pour venir faire des films au Japon ? ». Un mois après, j’ai donc volé vers Tokyo, puis je suis descendue à Kyoto, où ils avaient leurs studios. Ces derniers étaient immenses, et tous les décors étaient entièrement construits à l’intérieur. Je crois que j’y suis restée un mois et demi, pour tourner deux films. Dans Sex and Fury, je jouais avec cette actrice très connue… Quel est son nom, déjà ?

Reiko Ike ?

Oui. Elle était fantastique, c’était une très bonne, très bonne actrice, bien meilleure que je ne l’étais. Et je pense qu’encore aujourd’hui, Sex and Fury est un film joliment fait, si l’on pense qu’il a été tourné il y a 45 ans. Mais je dois avouer que je me rappelle peu de choses de toute cette époque, car j’ai rencontré tant de gens en un temps si court que je mélange tout dans ma tête. Je me souviens seulement que le réalisateur (Norifumi Suzuki – NDR) était très gentil et courtois, à l’inverse de celui de Journey to Japan (Sadao Nakajima– NDR), qui était beaucoup plus dur.

Journey to Japan a l’air très étrange, car vous jouez quasiment votre propre rôle…

Encore une fois ! Mais pour être honnête, celui-ci n’était pas un joli film. Cela parlait de viol, tout le temps. Mon personnage se faisait kidnapper à l’aéroport, et les viols commençaient. Puis elle tombait amoureuse de son violeur. Oh !!! Mais une chose drôle est que je suis retournée au Japon il y a deux ans, étant invitée par un festival de cinéma qui montrait cinq de mes films. J’étais censé [...]

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