Carrière : Alex Proyas

Le distributeur français ayant omis de dévoiler le long-métrage à la presse, nous découvrirons GODS OF EGYPT en même temps que vous, le 6 avril prochain. Pour autant, nous n’allions pas nous priver de soumettre Alex Proyas à l’exercice de l’interview carrière, le créateur des géniaux THE CROW et DARK CITY méritant bien une rétrospective de quelques pages.
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Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans Gods of Egypt

Je voulais rendre hommage aux films que mon père m’emmenait voir quand j’étais enfant. Je me souviens de l’un d’eux, L’Homme qui voulut être roi de John Huston. J’en ai des souvenirs très émus, c’est un film d’aventure magnifique, doté d’une histoire très touchante. J’ai essayé de canaliser ce type de narration à travers Gods of Egypt. Je voulais quelque chose de très classique, à l’ancienne.

C’est la première fois que vous tournez un film aussi généreux en créatures. L’imaginaire que vous convoquez est impressionnant.

Merci, mais le film reste très différent de ce que le studio vend au grand public. J’ignore quelles bandes-annonces vous pouvez voir en France, mais pour moi, la promotion est jusqu’ici assez étrange. C’est une aventure assez légère, j’imagine, et je voulais cligner de l’oeil aux Aventuriers de l’Arche perdue par certains aspects. C’est une espèce de swashbuckler. Plus que tous mes autres films, Gods of Egypt s’apparente à… je ne veux pas dire « un film pour enfants », mais nous n’en sommes pas loin. C’est conçu pour toute la famille. 

Comment êtes-vous arrivé sur ce film ? Vous avez tourné Prédictions il y a plusieurs années, puis vous avez longtemps travaillé sur des projets qui n’ont pas abouti…

Aujourd’hui, les réalisateurs passent souvent des années entières à développer des projets qui ne voient jamais le jour. J’ai beaucoup d’amis qui ont eu des expériences similaires à ce que j’ai vécu. Ces dernières années, depuis la sortie de Prédictions en fait, j’ai travaillé sur deux longs-métrages, et aucun des deux ne s’est fait. Enfin, si, l’un d’eux a été tourné : il s’agit de Dracula Untold. J’ai travaillé dessus pendant très longtemps, et le film que vous avez pu voir n’a rien en commun avec ce que j’avais en tête. Après avoir vu Dracula Untold me glisser entre les doigts, j’ai enchaîné sur Paradise Lost, d’après John Milton. Je suis resté sur ce projet pendant deux années entières. Ce devait être un film entièrement réalisé en motion capture, quelque chose d’incroyablement ambitieux. Nous sommes allés au bout de la préproduction, nous avons dépensé des millions et des millions de dollars en conception et en recherche et développement… Nous avions un scénario exceptionnel, mais quelques semaines seulement avant le début des prises de vues, le studio nous a annoncé qu’il arrêtait tout. Ç’a été difficile à avaler, c’est le moins qu’on puisse dire. Les gens n’arrêtent pas de me dire : « Où étiez-vous passé pendant tout ce temps ? ». Eh bien j’étais là, à essayer de faire des films. 

Paradise Lost a été annulé en 2012, n’est-ce pas ?

Oui et j’ai enchaîné immédiatement sur Gods of Egypt. L’histoire de Paradise Lost me fascinait, m’obsédait. Je voulais parler des origines du Mal, du fait que le Mal vient du même endroit que le Bien, à bien des égards. C’est le Yin et le Yang. Je voulais remettre en question les fondements de la culture judéo-chrétienne, qui affirment que Dieu ne veut que le Bien. J’ai toujours eu des doutes sur la question. Comment le Mal pourrait-il exister dans un monde créé par une entité bonne par essence ? Paradise Lost me permettait d’aborder toutes ces idées très intrigantes. Le mythe de Horus et Set que je traite dans Gods of Egypt n’est pas si différent. Il est même assez similaire à la relation qu’entretiennent Michael et Lucifer dans Paradise Lost. Set et Horus représentent le Bien et le Mal, et Set est l’origine même du Mal dans Gods of Egypt. J’ai donc été attiré par ce scénario, qui m’a permis de ne pas sortir trop frustré de Paradise Lost.

Puisqu’on parle de dieux et de religion en général, ce thème imprègne votre oeuvre dans son ensemble. Vous semblez même obsédé par la figure de l’Ange, qui intervient dans The Crow, Prédictions et Gods of Egypt.

J’imagine que je dois être quelqu’un de spirituel. J’aime explorer ces idées car elles me fascinent. Cette notion que la science et la religion sont deux facettes d’une même pièce m’intrigue énormément. Dans Paradise Lost, on comprend que le Mal fait partie de la manière dont le monde fonctionne. Il joue presque un rôle actif dans toute cette machine. Sans le Mal, le Bien ne peut pas exister. La parabole du Christ revient d’ailleurs avec le personnage d’Horus dans Gods of Egypt, il y a des similarités. Tout ça me parle, j’ai étudié la théologie toute ma vie, et ça m’intéresse toujours. L’exploration de ces thèmes appelle un traitement cinématographique.

Revenons à Gods of Egypt d’un point de vue plus pragmatique. Le film semble être une prise de risque technologique de tous les instants. En termes logistiques, c’est en quelque sorte vendu comme Avatar en Égypte ancienne. Vous avez des images de synthèse dans tous les plans, des décors virtuels, des personnages retouchés numériquement… C’est très ambitieux, au point que vous avez dû douter du résultat final à maintes reprises. J’étais chez Tippett Studio lorsqu’ils travaillaient sur le film, et j’ai pu voir plusieurs séquences avant intégration des trucages. Le travail à effectuer était titanesque.

C’est de loin mon film le plus ambitieux d’un point de vue technique. J’ai déjà été confronté à de nombreux défis logistiques dans mes films précédents, mais je les ai tous mis bout à bout avec celui-là. I, Robot était par exemple un projet très complexe en termes d’effets visuels. À l’époque, on repoussait vraiment les frontières, au risque d’être dépassés par le résultat. Cette expérience a été très bénéfique pour moi. J’ai travaillé sur mes premiers décors virtuels sur I, Robot ; je n’avais jamais fait ce genre de choses auparavant. Je me suis surpris à beaucoup apprécier cette technologie, et je me suis défoulé dans ce domaine sur Gods of Egypt. Nous avons créé l’intégralité du monde, nous avons créé des personnages… La conception d’un univers me passionne. J’ai toujours adoré faire ça. Je l’ai [...]

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