INTERVIEW MICHAËL DUDOK DE WIT 
RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE 
Sous la carapace

Il ne faudrait pas réduire LA TORTUE ROUGE, actuellement visible dans les meilleures salles, à la « simple » première collaboration extra-muros du studio Ghibli : le long-métrage de Michaël Dudok de Wit possède son propre coeur, et nous avons tenté d’en capter les battements dans cet entretien mis en boite lors de la présentation très remarquée du film à Cannes. 

Permettez-moi de sortir du « carcan » de l’animation dès cette première question : je me demandais quelles étaient vos références ou influences issues du cinéma live sur La Tortue rouge. 

Je suis très sensible à l’oeuvre de Terrence Malick. J’ai des réserves sur ses derniers films, notamment Knight of Cups, mais son travail me touche beaucoup. Je citerai également Cristian Mungiu, Ken Loach et Mike Leigh, dont le travail avec les acteurs m’impressionne beaucoup. On a la sensation qu’il est à côté d’eux lorsqu’ils jouent, c’est quelque chose de presque théâtral. Enfin, je regarde très attentivement la façon qu’ont ces réalisateurs de jouer avec la lumière. Terrence Malick par exemple, travaille sur des sources naturelles qui me sont très inspirantes. 

Et dans La Tortue rouge on retrouve ce feeling : je me souviens notamment d’une scène d’aube où seul l’arrière-plan est éclairé tandis que les personnages au premier plan, sur la plage, sont encore plongés dans la pénombre… 

Ah, chouette, je suis content que vous ayez remarqué ça. Vous savez, dans l’animation et l’illustration, on représente la nuit sous un aspect bleuâtre et le jour de façon multicolore. Mais en réalité, ce n’est pas mon expérience. Je trouve que le début et la fin de la nuit sont effectivement très bleus, mais la nuit profonde m’apparait en noir et blanc. J’ai essayé de retran [...]